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L’ex-femme de Mandari livre sa part de vérité

© D.R

ALM : Avez-vous une idée sur qui a bien pu assassiner Hicham Mandari, votre ex-mari?
Hayat Filali M’Daghri : Aucune idée. Il était assez secret sur ses affaires. Et quand il me parlait, je n’arrivais jamais à distinguer le vrai du faux. Il était comme ça. Insaisissable. En plus, ses fréquentations étaient nombreuses et assez obscures. On ne savait jamais dans quelle direction il allait. Moi, il ne me mêlait jamais à ses affaires.
On a souvent parlé de vous à travers cette affaire, sans jamais vraiement savoir qui vous étiez. Qui est Hayat Filali M’Daghri et comment avez-vous connu Hicham Mandari?
Vous savez, je suis quelqu’un tout ce qu’il y a de plus simple. J’ai eu le bonheur de grandir au Palais royal où j’ai été protégée de tout, surtout après l’accident de voiture qui m’a privée de ma mère et de ma soeur. J’avais 7 ans. Mes parents étaient alors conservateurs du Palais royal de Fès. Mon père et le sien avant lui ont toujours servi la famille royale. Alors j’ai grandi au Palais, fait ma scolarité avec les Princesses, j’ai eu une vie heureuse jusqu’à ce que je connaisse Hicham Mandari. Ce n’est qu’après notre mariage, que j’ai compris qu’il a tout fait pour m’épouser pour que je devienne son laissez-passer au Palais. Je l’ai compris trop tard…
A un moment, vous et votre fille, vous étiez quand même en cavale avec lui en Amérique. Forcément, vous étiez au courant de ses activités ?
Lors de cette période, c’était l’enfer et être au courant de certaines choses et se taire la peur au ventre, ne veut pas dire être complice. Là-dessus, je tiens à mettre les points sur les i : je n’ai jamais fait l’objet d’aucune poursuite au Maroc. La seule fois, c’était à cause de l’un de mes chèques que Hicham avait falsifié et la situation a été clarifiée depuis…
Je n’ai jamais volé ou trahi mon pays ou la famille royale. On a écrit, on a dit beaucoup de choses sans connaître la vérité et je suis décidée à attaquer en justice quiconque remettrait en question ma sincérité. Je n’ai fait que suivre mon mari. Vous ne pouvez imaginer ce que j’ai enduré avec ma fille. Il avait les Fédéraux aux trousses. Il changeait de ville chaque quatre ou cinq jours. On le suivait la nuit comme des fantômes : Chicago, Las Vegas, San Diego… Il réservait sur Internet et on partait comme des voleurs, en plus avec un bébé dans les bras. C’était intenable. A la fin on s’était installés à Miami.
Pourquoi Miami, c’était plus sûr?
Son premier avocat, Ivan Fisher, un New-yorkais, lui avait présenté un certain Richard Ashenof qui se disait détective privé. Celui-ci était installé à Miami. C’est lui qui s’occupait de tout. Même après l’incarcération de Hicham à la prison fédérale de Miami, il a continué à s’occuper de moi et de ma fille. C’était un monsieur qui a été très dur avec nous et qui nous a beaucoup fait souffrir, moi et ma fille.
Pourtant il était au service de votre ex-mari ?
Il considérait que je n’étais pas assez coopérative. Et quand l’argent commençait à manquer, il est devenu violent avec moi. Moi j’aime mon pays et je ne ferais jamais quelque chose contre mon pays. Lui et ses amis n’aimaient pas mon attitude.
Qu’est-ce qu’ils voulaient au juste?
Ils voulaient que je passe à la télévision, que je parle à la presse ou que j’écrive un livre. Ils me disaient qu’en parlant j’aurais droit à des avocats, à une “Green Card“ et que j’obtiendrais beaucoup d’argent. J’ai toujours refusé. Ils étaient, tous, furieux contre moi. La pression était terrible. Mais, grâce à Dieu, j’ai tenu bon. C’est la foi qui sauve dans ce genre de situation.
Mais, à part Richard Ashenof, qui a fait pression sur vous ?
Surtout un journaliste français qui était en affaires avec Hicham. Il s’agit de Jean-Pierre Tuquoi avec qui Hicham était entré en contact par Internet. Il a eu l’idée de le contacter après qu’il ait lu des articles que Tuquoi avait écrits sur le Prince Moulay Hicham et Ahmed Rami. En fait, Tuquoi a été le seul journaliste à lui répondre parmi tous ceux que Hicham avait tenté de mobiliser et il y en a eu plusieurs ! Ils l’ont tous envoyé balader, sauf Tuquoi, qui est venu plusieurs fois à Miami pour voir Hicham. Moi, je sais qu’il m’a beaucoup utilisée.
Jean-Pierre Tuquoi voulait m’utiliser pour ses affaires. Il m’a dit qu’il faisait un livre et qu’il voulait discuter avec moi. Il disait que ça allait être un livre positif sur le Maroc. Mais ça se voyait qu’il mentait. Il posait toujours des questions contre le pays, le Roi et la famille royale. Voyant que je refusais de rentrer dans son jeu –je crois bien qu’il m’enregistrait – il m’a dit qu’il avait des sources plus importantes que moi et que lui il voulait que je parle uniquement pour me sauver. En fait il voulait m’utiliser pour masquer ses informateurs.
Vous l’avez vu plusieurs fois ?
Il me harcelait. Quand il n’était pas chez Hicham en prison, il faisait pression sur moi. Il voulait absolument que je parle. Il a demandé a Malika Oufkir de venir me voir à Miami. Elle s’est même installée quelque temps à côté de chez nous. Elle m’a proposé de passer à la télévision, comme elle, et de faire, comme elle a fait, un livre avec ce journaliste pour gagner de l’argent -Richard Ashenof continuait toujours à nous maltraiter – et sauver ma vie et celle de mon enfant. J’ai refusé. C’était louche. J’ai résisté à ses offres et après, voyant qu’elle ne pouvait pas m’utiliser, elle est partie. C’est Dieu qui m’a donné la force.
Qui vous a encore contacté à Miami ?
Un ex-ami de Hicham Mandari. Ils étaient fâchés pour des histoires d’argent. Ali Bourequat m’a dit que Hicham l’avait escroqué. Moi je n’étais au courant de rien. Ali Bourequat ne cherchait que l’argent, il voulait mettre en relation Hicham avec un colonel algérien et des gens du polisario. Je crois qu’il y a eu entre eux de l’argent donné par l’Algérie. C’est pour cela qu’ils se sont fâchés.
Mais que voulait au juste Ali Bourequat?
Lui, son problème, c’est l’argent. Il m’avait rendu visite lui, sa femme et son avocat, Me Bourdon, pour aider son fils Stéphane à faire un livre. J’ai refusé, malgré son insistance. Il me disait que si je ne parlais pas j’allais mal finir. J’avais peur de ces gens. La première fois que j’ai connu Ali Bourequat, c’est quand il est venu témoigner pour Hicham. C’était chez Hélène Trenor l’avocate fédérale.
Quel rapport y avait-il entre Ali Bourequat et Jean-Pierre Tuquoi?
Je ne sais pas trop. Mais Ali Bourequat n’aimait pas, non plus, ce journaliste. Je crois que c’est à cause de Me Bourdon. C’est Ali Bourequat qui a présenté à Hicham cet avocat.
Quand avez-vous vu pour la dernière fois Ali Bourequat ?
Il rendait visite à Hicham à la prison fédérale. La dernière fois, il était venu chez moi, tout seul. Il pensait que Hicham n’était pas très sérieux. Il avait gardé pour lui l’argent des Algériens et que lui il ne trouvait pas son compte. Hicham disait, aussi la même chose. Et pourtant c’est Ali Bourequat qui avait mis Hicham en contact avec eux.
Est-ce qu’on vous a proposé d’aller en Algérie ?
Richard Ashenof m’avait demandé d’y aller avec un passeport diplomatique. Les Algériens qui, selon lui, payaient déjà les avocats s’occuperaient de tout. Il disait que c’était plus sûr pour moi d’aller là-bas qu’au Maroc. J’ai refusé et j’ai compris que cela devenait très dangereux. Dieu m’a aidée.
A part vous, qui rendait visite à Mandari à la prison fédérale ?
Moi, il ne me laissait pas y aller tout le temps. Les droits de visite de la famille étaient soi-disant épuisés alors que je n’y allais pas tout le temps. J’ai posé la question à Hélène Trenor, son avocate, mais elle était gênée. J’ai compris que l’on voulait me cacher des choses. Il se disait qu’un homme important, un officiel, venait lui parler sans laisser de traces. Il y avait aussi un Algérien qui s’appelait Zerhouni, qui était beaucoup lié à Hicham. Il y avait aussi Jean-Pierre Tuquoi et Ali Bourequat. Mais les visiteurs les plus réguliers s’arrangeaient pour ne pas laisser de traces de leur passage.
D’autres personnes ont-elles essayé de faire pression sur vous?
Oui. Des avocats, des journalistes, je crois même qu’un journaliste marocain a fait le déplacement pour lui rendre visite en prison. Jean-Pierre Tuquoi voulait me mettre en relation avec plusieurs personnes, il m’a même demandé à plusieurs reprises d’appeler le Prince Moulay Hicham, dont il m’a proposé le numéro de téléphone aux USA. Il pensait qu’il pouvait me mettre en confiance en me disant que le Prince s’était exilé aux Etats-Unis après une histoire d’anthrax. Il insistait beaucoup pour que je l’appelle sous pretexte qu’il pouvait m’aider moi et ma fille, mais je ne l’ai jamais appelé, et Tuquoi en était très irrité. Je n’ai jamais compris pourquoi.
Est-ce que Hicham Mandari avait un passeport marocain diplomatique ?
Non, il avait un passeport normal qu’il avait recouvert en plastique de couleur bordeaux. Il me disait que c’était pour mieux le protéger. Mais tout le monde le savait même son ami Jean-Pierre Tuquoi.
Vous qui avez partagé la vie de Hicham Mandari était-il, comme Jean-Pierre Tuquoi l’a écrit plusieurs fois dans son journal, le conseiller spécial de Feu S.M Hassan II ?
Hicham ne pouvait être le conseiller de personne. Tous ceux qui l’ont vraiment connu savent qu’il n’avait pas d’instruction, il n’avait aucune connaissance en politique. C’était un garçon très simple. On a dit sur lui beaucoup de choses et c’est cela qui lui a fait beaucoup de mal. Il n’était ni conseiller, ni homme politique, mais tout le monde voulait le manipuler, chacun pour des raisons qui lui sont propres. Il aimait se faire passer pour ce qu’il n’était pas, mais il ne trompait pas grand monde, sauf ceux qui voulaient, pour leur intérêt, être trompés.
A quel moment avez-vous su qu’entre vous et Mandari c’était fini ?
Vous savez quand on s’est marié en 1994, on avait vingt ans. Ce n’était pas toujours facile avec lui. Très vite notre mariage est devenu très pénible.
Mais je me disais que, malgré tout, avec la naissance de la petite, les choses allaient s’arranger. Mais bien au contraire, en quatre ans de mariage, tout allait de travers et ma vie se compliquait de plus en plus. C’était un homme très difficile à vivre. Il n’est plus de ce monde, maintenant, que son âme repose en paix. Mais il reste le père de ma fille.
Mais à quel moment précis avez-vous su qu’entre vous et lui c’était véritablement fini ?
En juin 1999 quand ils ont sorti la publicité dans le Washington Post. Il m’a dit que ce n’était pas lui qui avait fait ça et que ce n’était qu’un brouillon qu’ils ont publié contre son avis. Je ne sais pas si c’est vrai. Mais ce que je sais c’est que de décembre 1998 à la parution de la lettre, il allait tous les jours dans le petit bureau de Richard Ashenof. Il me disait qu’ils préparaient des dossiers importants. Je ne sais pas si Jean-Pierre Tuquoi travaillait avec eux, mais ce qui est sûr c’est qu’il est venu à Miami à cette époque.
Vous savez, il faut bien comprendre, que Hicham et l’écriture, cela fait deux. En tout cas, c’est à ce moment que j’ai compris que, lui et moi, c’était vraiment fini.
Et tout a commencé pour lui ?
Oui, malheureusement. Ils ont fait de lui un conseiller spécial, un opposant, un homme politique et que sais-je encore. À partir de ce jour, il a commencé à appartenir aux gens qui le manipulaient. Lui ne savait pas toujours et véritablement pourquoi. Mais, eux, ils savaient.
Il est même allé jusqu’à dire qu’il avait une filiation royale. Est-ce vrai ?
C’est ridicule. Comment pouvait-il prétendre en même temps être le fils de Farida Cherkaoui, alors qu’elle est ma propre tante maternelle?
Moi, je connais bien qui était Hicham Mandari. Ses parents sont toujours en vie et ils savent bien qui est leur fils. Posez leur la question. Ne trouve la vérité que celui qui la cherche vraiment. Elle est plus simple que toutes les impostures.

• Interview réalisée par Khalil Hachimi Idrissi

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