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Lhoussaine Louardi : «Il est indispensable de restaurer la confiance du citoyen dans son système de santé»

ALM: Peu avant votre nomination vous avez réalisé une étude sur le système de santé dont la pertinence a séduit. Le ministre que vous êtes confirme-t-il le diagnostic du politique qui a conduit ce travail?
Lhoussaine Louardi: Avant de vous répondre, laissez-moi rendre hommage à Yasmina Baddou et à son équipe. Ils ont fait de l’excellent travail. Mais bien évidemment il reste à faire, tant les dysfonctionnements sont nombreux. Ainsi de la mortalité préhospitalière qui atteint le chiffre aberrant de 63%, du taux d’occupation des lits dans les hôpitaux qui est de 56%, ce qui veut dire qu’un lit sur deux est vacant à un moment où peut-être des femmes accouchent et des malades souffrent le martyre dans des couloirs adjacents. Des dysfonctionnements, il y en a aussi au niveau de la consommation des soins où 20% de la population la plus riche consomme 56% des soins disponibles et où 20% des plus pauvres n’ont accès qu’à 3% de ces soins. Dysfonctionnements aussi sur le plan de l’accès aux soins entre la ville et la campagne…

Ce diagnostic appelle quelle thérapeutique?
Le premier objectif de l’action que mon équipe et moi comptons mettre en œuvre est de faire en sorte que tout citoyen ait accès aux soins selon ses besoins et non pas selon ses capacités de paiement. C’est au demeurant un droit constitutionnel que cet accès aux soins. Le deuxième objectif nous commande de travailler à une offre de soins sécurisés et de qualité. Il y a donc des efforts à fournir.

Comment?
En allant au plus simple. Je ne crois pas en effet que la multiplicité des intervenants ou le saucissonnage des procès serve l’offre de soins tant au plan qualitatif que quantitatif. Un exemple? L’assurance maladie. Les intervenants y sont si nombreux qu’elle n’a plus rien à voir avec l’universalité qui devrait être la sienne. Il me semble également de la plus haute importance de renforcer l’institutionnalisation du ministère. C’est en effet un département qui a la particularité d’être juge et partie dans son domaine d’action. En résumé, il nous faut agir dans le sens d’une démocratisation sanitaire. Outre l’élargissement de l’accès aux soins, cet objectif passe également par la représentation de tous les intervenants à la prise de décision. En particulier dans les conseils d’administration des hôpitaux. De surcroît, il est indispensable de restaurer la confiance du citoyen dans son système de santé, comme il est nécessaire d’avoir une politique préventive plutôt que répressive ou réactive.

On a pu dire que la santé est malade de la corruption. Quel remède a été prescrit pour l’en guérir?
Il est évident que le ministère souscrit résolument au souci de moralisation qui agite l’appareil de l’Etat et la société dans son ensemble. Il est tout aussi manifeste que nous ferons de la transparence une ligne de conduite de tous les instants et que pour ce faire nous recourrons à l’informatisation du plus grand nombre de procédures. C’est un projet qui peut se révéler d’une grande utilité puisqu’il élimine l’intermédiation qui fait le lit de la corruption.

On dit que notre système de santé est centralisé à l’excès. Quel impact sur son rendu?
C’est vrai, et c’est un réel handicap. Alors évidemment au moment où la concentration est décriée comme une aberration coûteuse, nous ne pouvions moins faire que de travailler à la décentralisation, laquelle me semble admirablement servie par la régionalisation. Il va sans dire que c’est un de nos grands chantiers et que nous y travaillons d’arrache-pied.
Un projet nouveau que nous comptons mettre en œuvre sur ce plan est le lancement d’appels d’offres pour le pourvoi des postes de responsabilité. Ce sera le début d’une ère de contractualisation des compétences, chevillée à l’obligation de résultats. Donc l’avènement de la bonne gouvernance.

Vaste programme, serait-on tenté de dire. Le ministère suffira-t-il à la tâche?
Si je m’élève contre la centralisation ce n’est pas pour faire cavalier seul peu après. Tout ou presque ce que j’ai énoncé comme projets se feront avec la participation des protagonistes à l’acte sanitaire: les médecins, les auxiliaires, les laboratoires, les patients, la société civile et cela tous secteurs confondus: le public comme le privé. C’est d’ailleurs dans cette optique que nous comptons organiser prochainement un colloque national sur les perspectives offertes au système sanitaire. C’est également ce qui préside aux séances permanentes d’audition que nous allons initier en vue de recueillir l’avis des citoyens sur le système de santé et leurs attentes.

Tous secteurs confondus, dites-vous. Comment cela, alors que privé et public sont peut-être frères, mais plus certainement concurrents?
Détrompez-vous, ils sont complémentaires plutôt qu’ils ne s’excluent. Je crois sincèrement que le système de santé gagnerait en efficience s’ils se donnaient la main. Si par exemple il y avait entente entre les médecins des deux bords pour assurer des tours de garde efficaces, si le secteur public recourrait aux équipements et aux prestations du privé en cas de besoin… bref, si les deux branches du système de santé coopéraient dans le sens de la généralisation de l’accès aux soins et l’amélioration de la qualité de ces derniers.

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