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L’ONU tombe en ruine

En déclarant le 12 février dernier que le rôle de l’ONU était en jeu dans la crise irakienne, Colin Powell ne s’était pas trompé. Le secrétaire d’Etat américain avait alors estimé que le moment était venu de « savoir si le Conseil de sécurité était en mesure d’imposer sa volonté à l’Irak », tout en exprimant l’espoir que Washington pourrait persuader ses partenaires onusiens sur la nécessité de recourir à la force contre Bagdad. Le 17 mars, les Etats-Unis ont tiré leur propre conclusion : ils devront se passer de la volonté de l’ONU, « incapable » selon eux de prendre ses responsabilités. Vue de la Maison blanche, l’affaire semble donc entendue : la guerre se fera sans l’aval d’un vote qui aurait pu artificiellement rallier le monde à sa cause. Sauf que le monde en question a une toute autre analyse. En retirant son projet de seconde résolution lundi, le trio « va-t-en guerre » (Etats-Unis, Grande-Bretagne et Espagne) a lui-même mis fin au processus diplomatique. Sans être nommée, la France a été considérée comme responsable puisqu’elle avait annoncé qu’elle opposerait son veto à tout texte qui ouvrirait la voie à une guerre en Irak. Oubliées au passage les oppositions de la Chine, de la Russie et de la majorité des quinze membres du Conseil ! Pire, les principes fondamentaux des Nations Unies ont été sans le moindre scrupule violés. N’est-il pas stipulé que « l’Etat qui (en) devient membre accepte les obligations imposées par la Charte des Nations Unies, traité international qui énonce les principes de base des relations entre pays? En vertu de la Charte, les buts de l’ONU sont au nombre de quatre : maintenir la paix et la sécurité internationales; développer des relations amicales entre les nations; réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux et en encourageant le respect des droits de l’homme; et être un centre où s’harmonisent les efforts des nations».
Depuis sa création, le 24 octobre 1945, l’ONU a rassemblé pas moins de 189 membres, représentés tour à tour – sauf les cinq permanents – au Conseil de sécurité. Il est précisé que tous, « grands et petits, riches et pauvres, quel que soit leur système politique ou social, ont leur mot à dire et disposent d’une voix et d’un vote ». Trois des cinq « grands » ont refusé de déclencher une guerre en Irak, et une bonne partie des 184 autres s’y sont aussi opposés. Verdict ? Le secrétaire général Kofi Annan n’a pu lundi que prendre acte de la situation en reconnaissant que l’ONU ne pourrait jouer qu’un « rôle d’après-guerre ». Tout son personnel, y compris les inspecteurs en désarmement, ont d’ailleurs quitté mardi le futur champ de bataille. L’instance et le reste de la communauté internationale ne devraient même pas avoir un droit de regard sur le déroulement de ce conflit, sous contrôle total des Américains. M. Annan a beau déclarer que l’engagement des Nations Unies « n’est pas terminé », le droit international a bel et bien perdu aujourd’hui toute sa crédibilité, en se révélant incapable d’affronter l’usage de la force. Les Etats-Unis ont d’ailleurs déjà trouvé leur propre parade en estimant qu’en l’absence d’un second vote, la situation juridique serait gouvernée par les termes de la résolution 1441 adoptée en novembre. Celle-ci donne à l’Irak une « dernière chance » de désarmer, sous peine de « graves conséquences ». Pour le monde entier, aurait dû préciser le texte.

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