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Merci Youssoufi

© D.R

Ce n’est pas juste un retrait. C’est une retraite politique. Abderrahmane Youssoufi, 79 ans, jette l’éponge. C’est par une lettre laconique (rédigée à Casablanca et datée du 27 octobre), adressé dans la soirée du même jour au Bureau politique du parti et publiée dans le journal «Al Ittihad Al Ishtiraki» du mercredi 29 octobre), qu’il a annoncé sa démission du poste de Premier secrétaire de l’USFP qu’il occupait depuis janvier 1992 et son désengagement définitif de toute activité au sein du parti. “Après la fin des étapes du processus électoral, je vous informe de ma décision de quitter la scène politique et partant je suis démissionnaire de toute fonction au sein de l’Union socialiste des forces populaires”. Coïncidence ou pas, la démission de Me Youssoufi est intervenu alors qu’une délégation du parti menée par le youssoufiste Khalid Alioua et composée de Larbi Ajjoul et Nasser Hajji se trouve au Brésil pour assister aux travaux du 22ème congrès de l’Internationale socialiste. Le geste de l’ex-Premier ministre n’a pas tellement surpris ses camarades du parti, à commencer par son adjoint Mohamed ElYazghi. D’ailleurs, le Bureau politique qui s’est réuni à ce sujet dans la soirée du mardi 28 octobre autour de M. Elyazghi a accepté la démission du chef. Cette démission, que l’intéressé a mûrement réfléchie en animal politique qui ne réagit jamais à chaud, était dans l’air. Prévisible. En un mot, elle était inscrite dans l’ordre des choses. Le détonateur aura été la tournure prise par les événements à l’occasion des élections communales. Une tournure presque dramatique pour les usfpéistes qui ont vécu comme un traumatisme la perte de la bataille des grandes villes pourtant à leur portée. Le sombrero de cet échec, il s’en est trouvé beaucoup pour le faire porter au Premier secrétaire. Les détracteurs de celui-ci, se recrutant notamment dans le clan de Mohamed Elyazghi, lui reprochent d’avoir mal géré les préparatifs du parti à ces échéances. Les griefs concernent la manière dont les listes des candidats furent concoctées, les candidatures aux mairies des grandes villes et même le mode de scrutin de liste à un seul tour. Il est vrai que ce mode d’élection était l’émanation du choix de Abderrahamne Youssoufi quand il était Premier ministre. Mais de là à expliquer une partie des turpitudes électorales par ce mode de scrutin… Abderrahmane Youssoufi, lui, ne voit pas les choses de la même manière. C’est la fameuse vision du verre à moitié plein ou à moitié vide. Pour lui, le parti a réalisé malgré tout une bonne performance électorale puisqu’il a occupé la deuxième place en termes de sièges et le premier rang en termes de présidences des communes. “C’est la perte du contrôle des grandes villes comme Casablanca et Rabat sur lesquelles le parti a misé énormément qui a plongé le parti dans un grand désarroi, explique un proche de l’ex-Premier ministre. Mais ce serait vouloir en faire un bouc-émissaire que de lui faire assumer tout seul la responsabilité de cette déroute”. La crise couvait et les accusations commençaient à prendre un tour nettement agressif. Un Youssoufiste convaincu nous confie qu’il n’a pas du tout apprécié le fait que certains se disant, probablement d’une manière abusive, proches de Yazghi, aient menti à son sujet. Ils se disaient mandatés par Abderrahamne Youssoufi pour négocier avec le maire UC de Casablanca Mohamed Sajid l’entrée des élus USFP au bureau du conseil de la ville. Or, l’ex-Premier ministre était loin de cette cuisine politicienne. C’est peut-être ce mensonge qui a fait déborder le vase. En fait, Abderrahmane Youssoufi devait un jour partir mais certainement pas dans ces conditions-là. Depuis qu’il est devenu Premier ministre de l’alternance, les attaques qu’il a subies venaient surtout des siens. L’homme qui a du ressort dans l’adversité et de la ressource face aux épreuves continue malgré tout à sourire sous les flèches. Est-il déçu ? Il n’en laisse rien paraître. Mais quand les amis et les proches deviennent autistes, voire ingrats, il vaut mieux partir… Quand on se sent poussé vers la sortie, il ne faut pas rester. Il faut dire adieu. C’est ce qu’il se résout par faire, certainement le vague à l’âme, mais avec une manière qui lui ressemble. Sereinement. Dignement. “Je vous gêne à ce point, alors je m’en vais”, tel semble dire à ces camarades celui qui a fait de l’USFP un parti de gouvernement après avoir longtemps vécu dans l’opposition. Ses amis le disent très affecté par la mort Mohamed Fkih Basri, son compagnon de route dans la lutte pour l’indépendance du pays avant qu’une brouille sérieuse ne s’installe entre les deux hommes à cause de la fameuse lettre publiée en novembre 2000 par «Le Journal» (que le fkih aurait adressé dans les années 70 à son ami) d’où il ressort que Me Youssoufi était au courant des deux tentatives de coups d’État visant à renverser feu S.M. le Roi Hassan II. L’affaire avait fait grand bruit et Me Youssoufi en bon tacticien qui a toujours un ou deux coups d’avance l’a exploité pour reconstruire l’unanimité des siens autour de lui et éloigner définitivement Mohamed Basri des affaires de l’USFP où celui-ci n’a jamais pu retrouver sa place malgré ses agitations récurrentes. Une page est tournée. C’est la fin d’une époque. Maintenant qu’il est libre de tout engagement politique, Abderrahmane Youssoufi qui se trouve actuellement à Casablanca va s’envoler dans les jours qui viennent pour Paris où sa femme est hospitalisée depuis quelques semaines à cause d’une fracture du bassin. Habile à la manoeuvre, coriace d’apparence mais très chaleureux, Abderrahmane Youssoufi a le sentiment du devoir accompli. Il a su incarner jusqu’au bout, quoi qu’en disent ses contempteurs, cette humilité militante, cet engagement sincère et cette lucidité remarquable dignes des grands hommes d’État. Qui va organiser en son honneur une cérémonie d’adieu en guise d’hommage ?

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