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Mohamed Darif : «Il y a quatre hypothèses dont deux sont en rapport direct avec Al Qaïda»

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ALM : Pensez-vous que l’attentat de Marrakech soit l’œuvre d’Al Qaïda?
Mohamed Darif : Je crois qu’on devrait laisser l’enquête suivre son cours. Il est prématuré de parler d’une attaque d’Al Qaïda. Il est entendu que le ministre de l’Intérieur, Taib Cherkaoui, se réfère au style avec lequel a été perpétré cet attentat pour spéculer sur les prétendus auteurs. Le fait d’avoir actionné un engin à distance n’est pas suffisant pour trancher. Il n’y a aucune certitude sur l’implication d’Al Qaïda dans l’attentat de Marrakech. En plus, ce même style est également utilisé par l’État basque par exemple ou encore en Italie dans l’assassinat de Falcone. On ne peut pas se baser uniquement sur cela pour accuser Al Qaïda, ce n’est pas un argument suffisant. Tout ce qu’on peut faire pour l’instant, c’est d’émettre des hypothèses dans un contexte lié à l’évolution des événements.

Et si c’était Al Qaïda qui était à l’origine de l’attentat de Marrakech?
En effet, Al Qaïda n’a jamais réussi à toucher le Maroc. Mais, cependant, je ne parlerais pas d’Al Qaïda, je dirais plutôt l’Aqmi. Depuis janvier 2007, date à laquelle le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) est devenu Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), il cherche à légitimer son nouveau statut. Le GSPC ne se présentait plus uniquement comme une organisation islamique armée d’Algérie, sa zone d’opération s’était désormais étendue au Maghreb tout entier et il fallait qu’il agisse en conséquence. Dans ce cadre, l’Aqmi a tout le temps cherché à s’imposer dans la région par des attentats en Mauritanie et en Algérie, un enlèvement de touristes en Tunisie, mais le Maroc restait intouchable. Maintenant, si l’attentat de Marrakech est l’œuvre de l’Aqmi, cela représentera un réel aboutissement des ambitions de cette organisation.

Quelles sont les hypothèses que vous préconisez au sujet des auteurs de l’attentat de Marrakech?
On pourrait facilement tirer quatre hypothèses bien définies dont deux sont en rapport direct avec Al-Qaida. La première est que l’Aqmi a voulu viser les intérêts français au Maroc. En effet, l’Aqmi a déjà menacé la France à plusieurs reprises. Aussi, il faut noter que la France a participé aux côtés de la Mauritanie à une attaque militaire contre l’Aqmi ayant causé la mort de 10 membres de cette dernière. L’Aqmi a procédé à un enlèvement d’otages français, ce qui a mené Nicolas Sarkozy à déclarer la guerre à l’organisation. D’où une potentielle implication de l’Aqmi dans les attentats de Marrakech. Cette organisation aurait voulu viser les intérêts français au Maroc d’où le choix de la ville de Marrakech qui compte de nombreux habitants de nationalité française. La deuxième hypothèse est celle liée au démantèlement de la cellule d’Amgala en novembre 2010 par le Maroc. Il est fort possible que des membres de cette cellule restés libres aillent perpétré cet attentat à Marrakech. Dans ces deux premières éventualités, l’Aqmi aura réalisé un exploit.

Qu’en est-il des deux autres hypothèses?
Pour la troisième hypothèse, il s’agirait peut-être de certains partis de l’intérieur ou de l’extérieur du pays qui cherchent à bloquer le processus de consécration de l’État de droit au Maroc. Il y a des gens qui ne veulent pas que le Maroc soit une exception et n’ont pas accepté que la transition se fasse en toute démocratie. Sa Majesté le Roi Mohammed VI a démontré dans son discours du 9 mars que le Maroc était capable de faire sa révolution en toute ouverture et modernité. Cependant, ces gens voulaient calquer le modèle tunisien et égyptien et lui trouvaient des légitimités au Maroc.
Pour ce qui est de la dernière hypothèse, il pourrait s’agir des séparatistes. En effet, le Maroc a largement convaincu les Nations Unies par son plan d’autonomie qui se veut un maintien de la stabilité dans les provinces du Sud. À cet effet, les séparatistes veulent démontrer par un tel acte que le Maroc n’a pas la capacité à maintenir la stabilité dans son propre territoire.

Quelles répercussions un tel attentat pourra-t-il avoir sur les avancées du plan d’autonomie et le tourisme au Maroc ?
Je crois que la communauté internationale est consciente de l’importance du plan d’autonomie. D’ailleurs, la déclaration de Hillary Clinton ne laisse pas de doute là-dessus. Les séparatistes ont déjà tenté de mettre en doute le respect des droits de l’Homme par le Maroc auprès de la Minurso et ils ont échoué. Je ne crois donc pas que cet attentat puisse influencer l’opinion mondiale au sujet du plan d’autonomie du Sahara. Pour ce qui est du tourisme, il s’agit d’une vague qui frappe tout le monde arabe. Le Maroc a voulu à un certain moment profiter de la conjoncture pour rabattre plus de touristes. Aujourd’hui, le défi est plus dur à relever, mais je reste confiant. Le Maroc a déjà très bien géré la crise suite aux attentats du 16 mai, il a donc tous les moyens et atouts pour dépasser cette conjoncture.

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