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Mustapha Bakkoury : «Je peux apporter des solutions aux problèmes des Marocains»

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ALM : Vous êtes ingénieur, vous avez fait jusqu’ici une brillante carrière en tant que manager de grands établissements… Pourquoi le choix de relever un nouveau défi en politique et comment comptez-vous vous y prendre ?

Mustapha Bakkoury : Pour bien répondre à cette question, je dirais deux choses. Premièrement, quand on est responsable je considère qu’on fait de la politique. A mon sens, faire de la politique c’est décider et de ce fait avoir une influence sur la vie des autres. Deuxièmement, dans le cadre des différentes responsabilités qui m’incombaient, j’ai eu l’occasion d’approcher quelques-uns des vrais problèmes dont souffrent les Marocains et notre société. J’ai toujours ressenti une sorte de frustration par rapport à ces problématiques d’ordre global et dont les solutions se trouvent, dans leur majeure partie, entre les mains des partis politiques. Je pense qu’il va falloir que nous fassions un choix à un moment donné. En ce qui me concerne, j’ai pris en compte tous ces paramètres, et j’ai choisi d’intégrer la sphère politique. Je continue ainsi à m’intéresser aux problèmes des Marocains et j’ai même la prétention de penser pouvoir leur apporter des solutions, ce qui n’est pas le cas pour tous les politiciens aujourd’hui.
 
Vos détracteurs s’attardent sur votre parcours politique qu’ils jugent relativement court. Que leur répondez-vous ?

S’il est ici question d’engagement politique dans un parti, ils ont parfaitement raison. Toutefois, je ne suis pas le seul dans ce cas et la majeure partie des Marocains est d’ailleurs encore loin de la politique, ou plus exactement des partis politiques. Et si les Marocains ne s’intéressent pas aux formations politiques, c’est parce qu’ils considèrent que les sensibilités politiques ne répondent pas à leurs aspirations. D’où le fait qu’ils ne fassent plus confiance aux partis. Je me suis engagé en politique le jour où j’ai senti que le moment était venu pour moi de participer à cette initiative, à cette expérience politique qui, de mon point de vue, correspond mieux aux attentes des Marocains. Cet engagement a pour but l’édification, aux côtés d’autres forces démocratiques sincèrement soucieuses de l’intérêt du pays, d’un Maroc moderne. Un Maroc qui permet à tous les Marocains de cohabiter dans l’harmonie et d’atteindre une certaine prospérité. Actuellement, disons que notre scène politique est peu dynamique et en total décalage avec les attentes de la société. 

Vous avez été élu à la tête du PAM, parti d’opposition, dans le cadre de son dernier congrès. Un premier bilan ?

S’agissant du bilan, je considère que ce qui se fait pendant le congrès est un prolongement de ce que fait le parti depuis sa création. Il y a cinq ans, lors de sa création, le parti avait présenté un projet politique qui avait suscité beaucoup d’espoir et qui était parvenu à remporter une grande adhésion. Pour déployer ce projet et être à la hauteur des promesses qui ont été faites, il est indispensable de passer par un volet organisationnel pour permettre au parti d’être en mesure d’assumer toutes les responsabilités qui lui incombent, tant au niveau de la gestion locale que du Parlement. Aujourd’hui, le parti figure dans l’opposition et nous assumons parfaitement cette position.

En tant que force d’opposition, quel rôle pouvez-vous et devez-vous jouer face à la crise de confiance qui s’installe entre majorité et opposition ?

Nous essayons de jouer notre rôle de parti qui s’inscrit dans l’opposition, à savoir un parti qui œuvre pour une meilleure coordination au sein de cette opposition. D’ailleurs, c’est précisément ce qu’on attend de nous: faire fonctionner cette opposition comme un tout. Et sur ce point, il convient de rappeler une chose importante: notre Constitution parle d’opposition, et non pas de partis d’opposition. Le rôle de cette opposition est de challenger la majorité et le gouvernement, de mettre le doigt sur les incohérences, les fausses promesses et les faiblesses, cela afin d’assurer cet équilibre qui permet d’élever le niveau de la performance du gouvernement et de sa gestion des affaires publiques. Sur ce registre, les choses évoluent et progressent d’une certaine manière… Mais disons que les choses auraient mieux progressé si tout le monde s’accordait sur la responsabilité du gouvernement sur ce point.

Le gouvernement doit faire preuve d’une plus grande prédisposition à accepter le rôle de l’opposition et le travail qu’elle fournit. Qu’il s’agisse des initiatives prises par les parlementaires de l’opposition au niveau législatif, ou des critiques constructives qui sont faites à ce gouvernement. Je crois qu’il faut que le gouvernement et la majorité fassent preuve d’une plus grande flexibilité pour jouer le jeu face à l’opposition. C’est une règle essentielle pour l’édification de la démocratie, notamment parce que la majorité sera un jour dans l’opposition, et qu’elle aura à subir ce qu’elle cultive aujourd’hui.
 
Le PAM avait déjà tenté l’expérience de la fameuse alliance pour la démocratie, baptisée le G8. Allez-vous retenter le coup avec d’autres partis comme l’Istiqlal ou l’USFP par exemple ?

L’alliance à laquelle vous faites allusion avait été envisagée à la veille des élections de 2011, et son objectif était donc clair. Il s’agissait de faire un effort afin de permettre aux électeurs de voir un ensemble de partis politiques rassemblés autour d’un programme commun. L’objectif principal de cette formation était de faciliter la lecture de cette offre, et par conséquent de faciliter le vote, de donner une image précoce d’un programme politique et de donner ainsi aux électeurs un avant-goût de l’avenir si cette alliance remportait la majorité. L’un des problèmes que nous rencontrons aujourd’hui lorsqu’un électeur vote, c’est qu’il accorde son vote à un parti politique sur la base d’un programme politique a priori clair, du moins je l’espère. Au final, un seul parti arrive en tête, or pour former une majorité, ce parti va devoir s’associer à d’autres formations politiques qu’il ne découvre qu’après les élections. Avec ces formations, ce parti va devoir confectionner un programme, lequel n’aura malheureusement plus rien à voir avec celui qu’il avait pourtant présenté lors de sa campagne électorale et sur la base duquel il avait été élu. C’est là que le bât blesse: le programme en question devient un patchwork de différents programmes. Et cela, de notre point de vue, peut être un prétexte pour le parti qui a remporté les élections, soit de prétendre que finalement il n’a pas eu les moyens de réaliser son programme, soit d’imposer son programme à la majorité dans la mesure où il aurait réussi à la convaincre et à la rallier à ses côtés.

Concrètement, quelle alternative représentez-vous pour la société marocaine, alors même que la gestion de la majorité et le PJD sont sous le feu des critiques ?

Tout d’abord, d’un point de vue idéologique, le Parti authenticité et modernité est porteur d’un projet politique qui se veut proche de notre société, laquelle est en quête de modernité, accepte la différence et suit les grandes évolutions technologiques du moment. Je tiens également à rappeler que nous étions le premier parti à soutenir une régionalisation poussée et rapide, et que nous avions aussi appelé à une promotion plus forte de la langue amazighe. Si pour nous la mise en valeur de la diversité des Marocains et du Maroc est cruciale, nous avons aussi à cœur une réforme sincère et rigoureuse de la justice, et non une réforme esthétique. Évidemment, nous travaillons en permanence à affiner les différentes stratégies et visions sectorielles que nous pourrions avoir et pour ce faire, nous avons un contact direct avec le terrain et ce afin d’être connectés aux vrais problèmes de la société et d’y trouver des solutions théoriques et pas seulement pragmatiques.

Avez-vous suivi le débat sur l’enseignement à l’école de la «darija» ?

A mon sens, le seul fait qu’on puisse débattre de ce sujet prouve qu’il y a effectivement un problème sur le vecteur d’appropriation du savoir par les Marocains. Je crois que c’est ça le débat qu’il faut avoir. Les vecteurs de linguistique pour l’appropriation du savoir qui ont prévalu jusqu’à présent ont-ils joué leur rôle? Ont-ils permis ou non à nos enfants d’apprendre, de se former et d’acquérir le savoir ?
 Car c’est cela la fonction de l’école. Aujourd’hui, à l’heure où nous présentons un nouvel échantillon de la réforme de l’éducation, je ne voudrais pas que nous passions à côté de cet échantillon multidimensionnel, et pour lequel beaucoup de choses restent à faire, pour débattre uniquement de la question de la darija. Ce serait une fuite en avant par rapport à l’échantillon de la réforme et ce serait, à mon avis, complètement irresponsable. C’est exactement la même chose pour la question de la culture du kif. Tout d’abord, je tiens à préciser qu’il peut faire l’objet d’un usage médicinal, thérapeutique et industriel et que le kif peut aussi jouer un rôle positif dans la création d’une économie alternative. Notre but est d’ouvrir un débat scientifique et citoyen pour trouver une solution réaliste à la situation du trafic et de la production de drogue que connaît le Maroc.
Au lieu de lutter contre ce fléau en brûlant des champs, nous souhaitons changer la donne en ouvrant la voie à des usages alternatifs légaux de ces ressources.

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