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Mustapha Farès : «Il faut revoir les conditions d’accès à la profession de magistrat»

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ALM : L’Amicale Hassania des magistrats a décidé lors de la réunion de son bureau la semaine dernière de créer une commission chargée du suivi du processus de la réforme de la justice. Quelles sont les principales missions de cette commission ?
Mustapha Farès : L’objectif de la constitution de cette commission est de mettre en œuvre le contenu du discours de SM le Roi du 20 août 2009, et qui tend à la réforme globale de la justice dans notre pays. Les bureaux régionaux de l’Amicale Hassania seront convoqués pour tenir leurs assemblées générales avec la participation de tous les magistrats, pour expliquer les objectifs et les points essentiels contenus dans le discours de SM le Roi. La commission aura aussi pour mission de sensibiliser les magistrats de l’importance de la réforme judiciaire et les mobiliser pour une participation efficace dans ce chantier important. Elle recevra de même les remarques et propositions des différents magistrats pour essayer d’appliquer de manière efficiente les grandes lignes contenues dans le discours de SM le Roi, et les axes majeurs qui sont au nombre de six, explicités dans le discours du Souverain, pour une réforme innovante de la justice. Cette réforme vise à dépasser les points négatifs que nous avons connus par le passé. Cela nous mènera vers une justice plus indépendante, puissante, honnête, compétente, efficace et équitable. Une autre mission de la commission est l’examen des méthodes et moyens pour l’élaboration de la feuille de route que le Souverain a annoncée dans son discours. Il s’agit aussi d’établir un plan rapide et efficace pour l’application des orientations royales. Des rencontres seront programmées avec les personnes intéressées par les affaires judiciaires afin de constituer un front uni pour la réforme et barrer ainsi la route devant les corrupteurs loin de toute surenchère politique. Un autre objectif de cette commission concerne la participation efficace dans tous les travaux visant l’élaboration d’un plan des réformes radicales et profondes et qui tend à éradiquer toutes les accumulations négatives qui entravent le cours normal de la justice. Il s’agit également de la participation dans les commissions qui seront chargées de la révision du système juridique et de la supervision de l’opération d’explication de la Charte des valeurs judiciaires visant à consacrer les bonnes conduites parmi les juges.

La réforme judiciaire est liée à l’élément humain, les magistrats en premier lieu. Quelles sont les priorités pour les magistrats aujourd’hui ?
L’élément humain est l’axe de toute réforme. Les priorités pour les magistrats figurent dans le discours royal, qui a mis l’accent sur le renforcement du professionnalisme, du sens de la responsabilité, du dynamisme et l’amélioration des conditions matérielles des magistrats, tout en accordant aux conditions sociales plus d’intérêt. Je tiens à souligner que les œuvres sociales pourraient jouer un rôle important dans ce sens, si leurs ressources sont bien exploitées.
Le côté social est un élément important et participe à la moralisation de la justice. Les priorités consistent aussi à faire de bons choix concernant les responsables dans les tribunaux. Ces derniers doivent avoir un grand sens du patriotisme et des connaissances en matière de gestion et de communication. Ils doivent de même avoir une forte personnalité ainsi que le sens de l’abnégation pour servir leur patrie et enfin être intègre et honnête. La qualification est aussi l’une des priorités, pour pouvoir suivre les développements et les nouveautés, concernant le domaine de la justice. Les procédures doivent être plus simples et plus transparentes afin de barrer la route aux gens de mauvaise foi, qui cherchent à fuir la justice. Il faut par ailleurs préserver les magistrats contre le risque d’être tentés par l’argent des corrupteurs, en leur garantissant des salaires à la hauteur de leurs responsabilités et également une pension de retraite honorable. Il est aussi important de renforcer le rôle du Conseil supérieur de la magistrature en lui conférant les moyens nécessaires. Il faut aussi penser à accorder le droit de statuer dans les affaires simples à d’autres parties pour réduire la charge de travail des magistrats. Est-il possible à 3. 000 juges de statuer dans 3 millions de procès rapidement et en ayant la compétence requise.

Est-ce que le système de formation des magistrats au niveau de l’Institut supérieur de la magistrature doit aussi faire l’objet de réforme ?
Avant de parler de la formation dispensée au niveau de l’Institut supérieur de la magistrature, il faut évoquer les conditions d’accès à la profession de magistrat. Je pense que la révision de la loi qui régit la profession des attachés judiciaires et détermine les règles de leur sélection permettra un meilleur choix. C’est ainsi que nous avons proposé de sélectionner les nouveaux juges parmi les anciens avocats et les greffiers, qui justifient d’une ancienneté de dix ans. Cette durée est susceptible de donner une idée claire sur leur conduite et leur compétence. À cela s’ajoute la nécessité de procéder à une investigation sociale profonde diligentée par le Parquet, sur le candidat et le soumettre à un diagnostic psychologique afin de connaître le degré d’adaptabilité de sa personnalité à la profession de magistrat.
En ce qui concerne la formation, je pense qu’il est nécessaire de revoir les méthodes de formation en accordant un intérêt particulier aux sciences et aux langues. Ceci en plus de soumettre le stagiaire à une formation au secrétariat greffe, dans les établissements pénitentiaires, aux services de la police judiciaire. En plus d’un stage dans les tribunaux et à la Cour suprême.

La réforme de la justice est un grand chantier. Les magistrats ont-ils d’ores et déjà une vision précise sur le rôle qu’ils peuvent jouer pour en accélérer le rythme et pouvoir parvenir à un résultat jouissant du soutien de tous les acteurs du domaine de la justice ?
«C’est un chantier ardu et de longue haleine, qui exige une mobilisation générale, non seulement au sein de la famille de la justice et de la magistrature, mais aussi parmi les institutions et les forces vives du pays, voire tous les citoyens». C’est ainsi que SM le Roi a décrit le chantier de la réforme. Les magistrats sont conscients du rôle qu’ils doivent jouer dans la réforme de la justice. Il est en revanche indispensable que toutes les institutions, instances et autres acteurs qualifiés participent à cette réforme pour donner une dynamique et rendre cette réforme plus efficace.
Le rôle des autres intervenants n’est pas moindre que celui des juges qui expriment aujourd’hui leur mobilisation totale derrière SM le Roi afin de réaliser une réforme globale et profonde à travers les six axes annoncés par SM le Roi lors de son discours du 20 août 2009.

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