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Mustapha Naïmi : «Le Sahara ne peut pas être pris pour unique cible»

ALM : SM le Roi a annoncé le lancement du chantier de la régionalisation. Comment voyez-vous cette démarche ?
Mustapha Naïmi :La régionalisation trouve son sens lorsqu’elle confère à l’espace unedimension politique et administrative qui porte aussi, à travers letemps, des diverses significations. Ainsi peut-on parler, pourreprendre une formule heureuse, de mémoire de l’espace et del’identité. Ce sont ces deux aspects constitutifs du patrimoineterritorial qui construisent dans le temps, à la fois de manièreconcrète et idéelle, la portée des régions gérées dans un cadrepolitique et administratif nouveau. Les différentes catégories quiconstituent la région dans son milieu spécifique peuvent bénéficier del’éclairage de la perspective historique. Celle-ci peut rendre comptede ces écritures monographiques d’une part, modélisatrices de l’autre,et de leurs contradictions mutuelles et intrinsèques, il faut valoriserl’histoire sociale des savoirs géographiques, anthropologiques etsociologiques. Cette démarche, celle d’une analyse pluridisciplinairede modes de construction de l’espace, convoque des apports savants,sans assignation restrictive au seul savoir juridique comme science.

LeSouverain a affirmé que le Sahara marocain sera parmi les premiersbénéficiaires de la régionalisation. Quelle analyse en faites-vous?
Cettedémarche ne peut être dissociée de la stratégie de la restructurationde l’Etat par démarcage à partir de ses frontières depuis la Mauritanieà la Méditerranée. Le Sahara ne peut pas être pris pour unique cibleici. L’histoire de la régionalisation passe par le jugement que l’onporte sur le droit à l’autodéfinition de tous les Marocains. Ladémarche pluridisciplinaire, illustrée par le grand débat sur lesmarges de manœuvre qu’a l’Etat devant un tel enjeu, fait de lui lepoint de mire. Si les explications et définitions que donnent lesjuristes du droit international à la Sagya al-Hamra et Rio de Oro sontsi peu convaincantes, souvent même contradictoires, la raison doit enêtre recherchée dans le cadre même d’une portion d’espace homogénéisépar l’anthropologique, le géographique, l’économique, le sociologiqueet le politique. Se limiter à la Sagya al-Hamra et Rio de Oro, c’est selimiter à une région aussi étroite, c’est se fermer la seule voie quipermette de distinguer entre les apports limités du droit internationalsans prendre en charge les corrélations véritables de l’histoire desstructures politiques et c’est ignorer la comparaison entre desensembles semblables. Or, en une matière aussi complexe, se limiter àun seul cas d’observation, c’est se condamner d’avance à ne pouvoirrien prouver. S’agissant de la déconstruction analytique de l’approcheséparatiste, il ne faut rien céder en rudesse, il faut surtoutparticiper au marquage du point de vue de la sociologie historique. Ilfaut tamiser un corpus de monographies empruntés principalement auvivier de la rigueur pluridisciplinaire dans la définition des aspectstraités.

Comment trouvez-vous la composition de la Commission consultative?
Onne peut estimer quelle serait la force des conclusions de travaux quesi elles se joindraient à une bonne qualité en matière de vigueur et desûreté de la méthode scientifique. D’abord les sujets monographiquesdoivent être réellement esquissés et les conclusions particulièresdéfinitivement acquises. Puis, et surtout, des éléments solides obtenuspour une connaissance des phénomènes et des fonctionssocio-économiques, morceau par morceau, le travail serait fait. Dans unmême ordre d’idées, le découpage régional passe par la possibilitéd’accéder au général à partir du déterminisme tellurique de lagéographie et sa propension à la description analytique.

SM le Roi a appelé la Commission à établir un modèle maroco-marocain de la régionalisation. Qu’en dites-vous?
Pourfaire œuvre d’une portée authentique, il faut étudier les variationsstructurales régionales, car les frontières ne peuvent être étudiéesméthodiquement et minutieusement qu’à la condition d’éviter lestâtonnements respectifs des disciplines et leurs situations – à défautde combats ou d’échanges – transfrontalières. Un premier axe communtraverse les contributions, celui qui lie la science à l’action. Eninvestissant le thème de l’organisation régionale, l’approchepluridisciplinaire reste la seule apte à articuler les démarchescognitives à des gestes politiques à échelle nationale. L’articulationse décline selon différentes postures.  Il peut s’agir d’un simpleengagement citoyen qui n’exclut pas une appartenance politique. Maisc’est seulement à partir de là que science et conscience politiquesemblent se féconder mutuellement. Il importe de formuler despropositions, qui pourraient déboucher sur une régionalisationeffective, privilégier la tribune savante et celle de la base : lespropos des gens simples doivent toujours prendre place dans desélaborations ou sur des supports analytiques émanant de la Commission.

Quels sont les défis auxquels est confrontée la Commission dans le cadre de l’accomplissement de sa mission ?
Sonparcours se double rapidement d’une fonction d’expertise et de rôlesimportants dans les institutions gouvernementales ; épisode pourtanttransitoire si l’on juge par la limite de la durée. En effet, lesmarges de manœuvre de la commission inscrivent son activité dans ledomaine de la recherche appliquée, et donc seule l’ambition théoriqueet méthodologique concrétisera son parcours. Son résultat se comprendraalors en liaison avec les événements politiques ayant affecté le statutde l’État et le territoire du Maroc historique. Les formestraditionnelles d’occupation de l’espace ne sont pas des pertesterritoriales, seul le niveau de centralisation de l’Etat depuis 1912au nord et 1934 au sud réduit le sort des groupes territoriaux. Ceux-cidoivent devenir aujourd’hui une partie intégrante de la réflexion, mêmethéorique, sur la régionalisation.

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