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«Nous sommes en état de dé-gouvernement total»

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ALM : Quel constat faites-vous de la catastrophe survenue dans la région d’Al-Hoceima ? Quelle est la véritable ampleur des dégâts et qu’en est-il du nombre réel de victimes ? le chiffre annoncé de 574 morts, se vérifie-t-il ?
Mohamd Ziane : La situation est des plus catastrophiques. Le nombre de 574 morts est à actualiser. Je suis persuadé que les victimes de ce séisme, mortes sous les décombres, dépassent le millier. Le nombre de victimes dont on parle officiellement ont été enregistré lundi à 15h. L’ampleur des dégâts est très grave. Les maisons sont mal construites. Les matériaux utilisés, à base d’argile, sont fragiles. Les gens qui ont survécu à cette catastrophe se retrouvent maintenant dépossédés de tous leurs biens. Il leur est très difficile d’atteindre les puits d’eau. Isolés, leur désarroi est total.
Les secours n’ont commencé à arriver que le mardi matin. La population a dû travailler avec les moyens du bord. Mis à part quelques pompiers et agents des Forces auxiliaires, il n’y avait personne pour leur venir en aide. Ceci, alors qu’il fallait des moyens humains et des équipements pour creuser des fosses et aider au sauvetage des populations. A l’heure où je parle, nous n’avons constaté aucune présence du ministère de l’Equipement et des Travaux publics. A l’époque du satéllitaire et du numérique, aucune antenne à même de permettre une communication entre cette région et le reste du pays n’a encore été installée.
Sachant que la région d’Al-Hoceima est une zone à risque, comment jugez-vous les dispositions parasismiques mis en place dans cette zone ?
Il n’y a tout simplement pas de dispositions parasismiques. La politique générale du pays est défaillante. Une zone à risque, cela suppose des mesures de prévention en matière de construction. La profondeur des fondations et la nature des matériaux utilisées doivent, entre autres, être adaptées à cette zone. La Protection civile doit être opérationnelle à tout moment. Des pays comme le Japon sont régulièrement, voire ponctuellement, confrontés à pareilles situations. Leurs populations n’ont pas pour autant été atteintes à ce point. Elles n’ont pas dû quitter leurs terres. Ici, on semble plus accuser la population d’avoir été au mauvais endroit, au mauvais moment qu’agir pour sa protection.
Qu’en est-il de la réaction du gouvernement ? A-t-elle été à la hauteur de ce drame ?
Un constat s’impose. Le gouvernement était incapable face à une situation d’urgence. Il n’a pas su répondre à un constat d’alerte qui impliquait une réaction et une intervention aussi immédiates que générales. Pour cela, il doit être mis à la porte le plus tôt possible. Il nous a maintenant démontré qu’il n’a pas de politique préventive, encore moins des mesures de prévoyance et de protection des populations. Les gens ont dû passer plus de 24h sous les décombres. Quand les secours sont arrivés, il était déjà trop tard. Il n’était plus la peine d’envoyer l’armée ou les Forces auxiliaires à ce moment-là. Nous sommes actuellement en état de dé-gouvernement total.
Et le rôle d’information et de sensibilisation des partis politiques dans tout cela ?
Les partis politiques ne sont au Maroc ni plus ni moins que des machines électorales. Pour eux, la population est réduite à des voix. Leurs actions ne sont enclenchées qu’en perspective d’un scrutin donné. De là à tirer la sonnette d’alarme sur une catastrophe annoncée ! Ce sont des machines à fabriquer, provoquer et même acheter des voix. Un tel fonctionnement laisse peu, ou pas, de place au rôle que doivent jouer les partis politiques en matière de sensibilisation des populations et de pression vis-à-vis des pouvoirs publics pour que ces derniers agissent en conséquence. Ils ne sont pas les seuls responsables de cette situation. Tout les monde est impliqué dans cette absence totale de réactivité.
Les médias nationaux ont également marqué un retard certain quant à la couverture et la médiatisation de ce drame…
Figurez-vous que certains journalistes et représentants de médias arabes et étrangers étaient sur les lieux 2 à 3 heures après le séisme. Certains parmi eux, notamment des journalistes d’»Acharq Al Awsat» et de la chaîne «Al Arabia» ont même pris le risque de se perdre dans les montagnes pour s’acquitter de leur devoir d’informer. Au point même de devoir appeler les autorités et demander que des guides leur soient envoyés. La chaîne américaine CNN a, pour sa part, installé une antenne sur place, avec une cellule de suivi. La presse espagnole a été alertée le matin même du séisme. Une réunion a eu lieu à Méllilia et a regroupé toute la presse de ce pays.
Notre presse à nous a dû se contenter d’images provenant de la seule ville d’Al-Hoceima, plusieurs heures après que le mal a été fait. Ceci, sachant que le plus gros des dégâts a été enregistré dans les villages et régions environnant cette ville, à savoir Imzouren, Tazaghine, Tizi Ayache…La préfecture disposait bel et bien d’une caméra qui ne demandait qu’à être utilisée. Mais aucun journaliste marocain n’a eu l’intelligence de le faire. La presse a, quant à elle, couvert cette catastrophe plus sur le papier que sur le terrain. Comment voulez-vous provoquer des aides internationales et une mobilisation nationale avec si peu de médiatisation de la part des médias marocains ?

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