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« On a les dirigeants qu’on mérite »

© D.R

ALM : Que pensez-vous de la décadence actuelle du monde arabe?
Driss Benali : Tout d’abord, il faut souligner que le monde arabe n’a pas réussi à sortir de la problématique médiévale. Force est de constater que ce monde arabe n’a pas produit un Galilée, un Martin Luther, une Révolution française ou un Marx. Par ailleurs, il y a au sein du monde arabe une absence d’utopie, au sens noble du terme. Il est incapable d’accoucher d’un idéal, d’un projet de société moderne.
L’élite arabe a-t-elle joué un rôle dans la situation actuelle?
Je distingue trois types d’élites dans le monde arabe. Celle qui est au pouvoir, c’est-à-dire essentiellement l’élite politique dans le cadre du parti dirigeant. Il y a également l’élite domestiquée par le pouvoir, qui ne produit pas grand-chose et qui sert directement et indirectement les intérêts des dirigeants. Et enfin, l’élite qui fait effectivement des efforts sur le plan intellectuel. Mais cette dernière élite est manifestement incomprise. Ses efforts sont par conséquent vains.
Qu’en est-il de la classe politique arabe?
De manière générale, la vie politique dans le monde arabe a été investie par des médiocres qui profitent de la crédulité de la masse qui se laisse manipuler. Cette classe politique impose sa propre vision des choses et surtout sa propre logique politique à la masse. Résultat: nous n’avons pas dans notre monde arabe de véritables visionnaires. Le débat politique n’est pas mené par des stratèges mais par des intrigants. Le but de ces derniers est, bien évidemment, de rester au pouvoir dans le cadre d’une lutte de clans et non pas à la suite d’un véritable affrontement des idées. La nuance entre ces deux aspects est très importante.
Nous avons l’impression que vous êtes assez dur vis-à-vis de la masse. Quelle est sa responsabilité?
On a les dirigeants qu’on mérite. Innocenter la masse c’est commettre une grave erreur. Elle est aussi responsable de la situation du monde arabe que les dirigeants eux-mêmes. Comme je vous l’ai dit, la masse se laisse manipuler, à merci, par les dirigeants. Par son ignorance, elle a favorisé la montée au pouvoir des ignorants et des médiocres.
Que doit faire cette masse, sachant qu’elle est prise dans un piège qu’elle a, semble-t-il, elle-même posé?
Au début de l’indépendance, les familles marocaines n’avaient qu’un seul objectif: éduquer leurs enfants. C’est un très bon départ. Investir dans l’éducation et dans les ressources humaines est la clé du développement politique, économique et social. Le problème qui s’est posé par la suite, au Maroc, c’est que l’élite du pays a trahi la masse, car elle n’a pas suivi cet élan populaire, c’est-à-dire celui de donner à l’éducation une place de choix dans la politique.

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