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Panique dans les milieux du trafic

Le ministère des Finances a préparé un projet de loi relatif à la lutte contre le blanchiment d’argent. Le texte, actuellement au niveau du Secrétariat général du gouvernement (SGG), suscite l’intérêt, pour ne pas dire l’inquiétude de plusieurs banquiers marocains et certains clients dont la fortune est d’origine douteuse.
Et pour cause, ce dispositif introduit d’innombrables dérogations aux règles bancaires classiques. Ces nouvelles règles risquent de porter préjudice aux établissements bancaires et financiers. Car ces derniers pourront voir le nombre de leurs clients, ou du moins les montants que ces derniers versent dans leurs comptes, se rétrécir comme peau de chagrin.
De manière schématique, on peut citer trois nouveautés apportées par le projet de loi, qui permet au pays de se conformer aux standards internationaux en la matière.
D’une part, le texte prévoit la levée du secret bancaire en cas de soupçon. En ce sens que si un client est considéré comme « douteux », toutes ses transactions bancaires et les mouvements de fonds qu’il réalise doivent passer au peigne fin.
D’où l’obligation faite aux banques d’effectuer des « déclarations de soupçons ». C’est le deuxième aspect, en vertu duquel les banques, mais aussi les sociétés de bourse, sont obligées de signaler toute opération jugée anormale. L’obligation est notamment faite à ces dernières de déclarer aux autorités compétentes tout doute sur des transactions faites au sein de leur établissement, d’identifier systématiquement et de mieux connaître leurs clients, sous peine de sanctions pénales pour les dirigeants.
Quant au troisième volet du projet de loi, il concerne la création d’une unité centrale qui collecte et traite toutes les « déclarations de soupçon » élaborées par les établissements bancaires. Cette unité centrale est l’équivalent du « Tracfin » français. Ce dernier, un service rattaché au ministère des Finances, est chargé de recueillir, traiter et diffuser le renseignement relatif aux circuits financiers clandestins et au blanchiment de l’argent. Au Maroc, il se peut que cette unité centrale soit placée sous la houlette de Bank Al Maghrib. En clair, les banquiers vont devoir jouer les détectives vigilants. Finie l’époque où les banques acceptent en se frottant les mains les fonds sans se poser de question sur leur provenance? En tout cas, les banques marocaines doivent disposer d’un personnel spécialisé (des postes d’emploi à pourvoir) capables de flairer une affaire de blanchiment d’argent ou une opération de financement d’actes terroristes. Au delà, de la capacité des banques à jouer ce rôle (que personne ne peut mettre en doute d’ailleurs), se pose le problème de la mission des banques et des établissements financiers de manière générale.
Comment les banquiers vont-ils pouvoir concilier entre ce qu’ils savent faire le mieux, à savoir fructifier l’argent de leurs clients, et les nouveaux impératifs sécuritaires? Certains pensent même que, justement, ces deux notions (la recherche du profit et la vigilance sécuritaire) sont inconciliables.
Notons que les attentats du 11 septembre 2001 et la promulgation par les Etats-Unis du Patriot Act, ont donné lieu à une intense activité diplomatique antiterroriste dans les organisations internationales (Banque mondiale, FMI…). Bon nombre de pays ont introduit dans leur législation un volet financier dans la lutte antiterroriste. Le Maroc n’est pas du reste.
Les attentats du 16 mai et l’adoption de la loi antiterroriste ont poussé Bank Al Maghrib à diffuser en décembre 2003, à tous les établissements bancaires, une circulaire relative au devoir de vigilance au sujet de la clientèle. L’objectif de cette circulaire, qui n’a pas eu les effets escomptés, est d’identifier les clients et d’en avoir une connaissance approfondie.
Sur le plan international, les accords de Bâle II, de juin 2003, ont instauré une panoplie de mesures allant dans le même sens.
Toutefois, les professionnels estiment que ce projet de loi préparé par le gouvernement marocain ne risque pas de changer grand-chose. Et ce, pour deux raisons.
D’une part, l’argent sale circule énormément dans le pays et dans les réseaux bancaires. Mettre en application les mesures prudentielles aura inéluctablement pour conséquence une fuite des capitaux vers l’étranger, ou au meilleur des cas, une diminution drastique des liquidités bancaires. Autre raison: le poids de l’informel. « Comment s’assurer de l’origine des fonds d’un client dont l’activité tourne essentiellement dans l’informel? », se demande un banquier.
En somme, le projet de loi, qui fait mal avant même son adoption, doit pousser les banques à trouver un nécessaire équilibre entre le devoir de prudence et l’obligation de compétitivité. Là est le fond de la question.

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