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Politique : Comme un air serein qui s installe

© D.R

Deux semaines après la nomination du gouvernement, le discours de SM le Roi en ouverture de la session parlementaire, et dans la foulée de la présentation du projet de la loi de Finances 2014, les partis de l’opposition semblent vouloir revenir à la charge, et jouer leur rôle, autrement. Ce week-end, des indices ont semblé indiquer que la dynamique opposition-gouvernement est vouée à devenir, au moins pour quelques mois, plus sereine, faite de «politique», de «programmes», «de débats d’idées», plus que de «polémiques et vociférations politiciennes».

En effet, samedi dernier, Istiqlal et PAM ont réuni, chacun, le conseil national du parti. Véritable parlement interne, où se dessinent, et se valident, les orientations politiques futures.

Hamid Chabat a choisi Hay Mohammadi, à Casablanca. Tout un symbole pour un parti politique qui entend «mener l’opposition». Du moins, le PI voudrait maintenir le crédo qui a été le sien cette année: faire le pressing sur l’Exécutif, dans un «corps-à-corps» mené jusque-là pour déstabiliser au maximum le chef de gouvernement et patron du PJD.
Mustafa Bakkoury a, lui, réuni ses troupes à Skhirat. Ambiance studieuse, plus sereine, qui renforce ce qu’on sait déjà d’un parti qui veut «consolider ses structures internes», prendre le temps de «s’ancrer et s’organiser» pour mieux aller, ensuite, au contact, là où il faut, le moment venu.

Au fait, aux côtés d’une USFP renaissante, bon an mal an, il était temps que ces deux piliers de l’opposition marocaine montent au créneau, après que M. Benkirane a réussi à reconstituer une nouvelle majorité gouvernementale, et à proposer à SM le Roi la nomination des nouveaux membres de son gouvernement. L’opposition était attendue par les observateurs, les acteurs économiques et les citoyens, qui ont tous besoin de visibilité.

Certes, les leaders de l’Istiqlal et du PAM se sont illustrés par leurs vives critiques du gouvernement Benkirane 2, jugée potentiellement «inefficace», en raison de «l’effectif pléthorique» et du «casting nuancé, voire complaisant» eu égard au prétendu «manque d’expériences de certains noms». Le ton des critiques était resté contenu. Or, il en fallait plus pour saisir la tactique qui sera suivie, et les relations entre partis au regard du contexte d’opposition et ses acteurs. A ces critiques, le chef de gouvernement, qui semble, plus que jamais, jouer la carte du pragmatisme, avait répondu que la «politique n’était que l’art du possible».

Il s’adressait à l’opinion publique, mais avant tout à ses partisans. On l’aura compris: le «possible» est ce qui est sorti des longues tractations avec le président Mezouar. Et l’histoire retiendra un patron des «azzuris» nationaux qui a hérité du prestigieux portefeuille des affaires étrangères, et qui ne retient que trop peu la fierté d’avoir mené, de main de maître, les négociations, renforçant le parti, son leadership personnel, et prenant de l’ascendant sur ses détracteurs.

Au vu des déclarations recueillies à Hay Mohammadi et à Skhirat, ce week-end, il est comme un air de sagesse et de sérénité qui semble vouloir s’installer sous notre ciel politique.

Pour preuve, un Hamid Chabat qui affirme que le «retrait du gouvernement et le choix d’aller dans l’opposition n’avaient pas pour objectif de perturber le gouvernement», mais plutôt de «militer et poursuivre, à partir de l’opposition, le combat démocratique, et servir les intérêts du pays sans être au gouvernement».
Si ce n’est pas un ton sage et modéré, cela y ressemble fortement. Doit-on y voir le signe d’un virage de la communication politique du patron du parti de Feu Allal El Fassi ? 

Certaines voix, longtemps exaspérées par la personnification du débat entre «Chabat et Benkirane», diront qu’il serait temps de s’y mettre. Certes, mais la sagesse impose, ici, la prudence, tant il est vrai que M. Chabat a prouvé, plusieurs fois, qu’il était capable de surprendre par des repositionnements de discours, dans un espace de temps beaucoup trop étroit pour qu’on saisisse la pertinence et la logique de son argumentaire. Tendance à confirmer donc !
Même son de cloche à Skhirat, où Bakkoury choisit de mettre l’accent sur la question de «l’intégrité territoriale du Royaume du Maroc», l’érigeant en «priorité absolue» autour de laquelle un «front interne au PAM» sera mis en place, pour faire de la «veille active», suivre «les développements du dossier du Sahara marocain» et «déployer toutes les énergies pour appuyer la position légitime et juste du Maroc».
Le message est clair: le temps est à «la mobilisation pour renforcer l’unité territoriale du Royaume, et promouvoir le projet sociétal et démocratique du Maroc».
Et Benkirane dans tout cela ? Non…cette fois-ci, le cap est tout autre! Bakkoury zappe. Il se suffira de critiquer un projet de loi de Finances dont «les grands axes» prouvent le «caractère non intégré», et confirment «l’absence d’une vision stratégique globale de l’économie nationale».
C’est sûr, on passe là au débat sur les politiques publiques et aux choix de gouvernance. De bon augure.
Plus explicite encore de ce qui semble être une «nouveau dosage dans la communication politique du PAM», Hakim Benchemas, le président du conseil national, qui choisit d’insister, dans son discours à Skhirat, sur la «dynamique internationale et régionale» qui «offre au Royaume une occasion de renforcer la singularité de son modèle politique, démocratique et de développement», et le prédispose à jouer pleinement son «rôle sur la scène internationale, et particulièrement dans son environnement maghrébin, arabo-africain et méditerranéen». Relevant un contexte de «défis à relever», marqué par «une non-exploitation des grandes opportunités qu’offre la nouvelle Constitution», le président du conseil national du PAM va jusqu’à affirmer qu’«il est injuste de faire porter au gouvernement, seul, la responsabilité de ne pas avoir su tirer profit des opportunités qu’offre la Constitution», affirmant que sur cette «grande question», «chacun devra prendre ses responsabilités».
Et le gouvernement? Et Benkirane… ? Presque rien !
Calme et plus retenu, Benchemas appellera les membres du conseil à «s’atteler aux questions de fond qui relèvent du positionnement du parti, et de son rôle sur la scène politique nationale». Estimant que le PAM devrait «se distinguer pour contribuer fondamentalement au projet de développement du pays».
Il est, certes, prématuré de considérer qu’on est entrés dans une nouvelle phase de notre vie politique nationale, où les échanges et les débats sont appelés à être vifs et passionnés, mais éloignés de toutes «personnifications outrancières» ou «polémiques politiciennes». Mais, en attendant des actes, les partis de l’opposition, aussi bien que ceux de la majorité gouvernementale, semblent en passe de saisir que la véritable attente était sur le terrain des idées, des politiques, de l’encadrement des citoyens et de la participation aux dynamiques de défense des intérêts stratégiques du pays.
Le contexte géostratégique du Maroc est de plus en plus complexe, fortement concurrentiel, et porteur d’opportunités réelles. Mais, celles-ci ne sauraient être transformées en atouts si les menaces ne sont pas perçues comme telles, par tous. Les enjeux dépassent, de loin, les petites querelles partisanes entre «leaders», et imposent une grande vigilance, une veille active et stratégique, et une proactivité pertinente et opérationnelle.
Les discours du chef de l’Etat ont clairement indiqué, durant toute cette année, qu’en haut lieu, l’exaspération était bien réelle devant la persistance de faux débats politiciens creux, et de discours populistes. Le cap a été, plusieurs fois, publiquement suggéré aux uns et aux autres.
Il nous reste à espérer que les intelligences au gouvernail des «partis politiques» sauront, enfin, ramer à bon vent. La traversée, en eaux troubles, n’en sera que moins risquée pour tous, et, sans doute, plus sûre pour le pays.

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