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Pour une thérapie de groupe

L’histoire remonte aux années soixante. Les déchirements, du mouvement national ont laissé des traces sur l’ensemble des classes politique et syndicale. À cette époque, l’Union marocaine de travail (UMT) régnait en maître absolu en tant qu’unique centrale syndicale rassemblant toutes les forces vives de la génération de l’indépendance. L’UMT était tellement puissante et bien ancrée dans la classe ouvrière et travailliste qu’elle n’a pas senti le vent souffler en sa défaveur. Ses dirigeants se sont même sentis en position de force quand la scission au sein de l’Istiqlal a débouché sur la création de l’Union générale des travailleurs du Maroc. L’UMT, liée aux franges de gauche du mouvement national et aux organisations du syndicalisme international, avait sous-estimé le signal d’alarme des istiqlaliens.
Menée par son éternel secrétaire général, Mahjoub Benseddik, la centrale du boulevard des FAR à Casablanca, l’ancienne bourse du travail, s’est vite vu rattraper par la fronde interne. Au milieu des années soixante, le leader charismatique des socialistes marocains, leur meneur de jeu en matière de syndicalisme, feu Omar Benjelloun, a initié et appuyé à la création du syndicat national des postiers. Un syndicat indépendant de l’UMT.
Effet boule de neige : peu de temps après, d’autres syndicats indépendants ont vu le jour, notamment celui de l’enseignement. Pourtant, feu Benjelloun avait toujours prôné la sauvegarde de l’unité de la classe ouvrière, il l’avait même consignée dans son rapport idéologique présenté au congrès de la future USFP en 1975. La création de nouveaux syndicats indépendants a poussé vers la dispersion du mouvement syndical en affaiblissant l’UMT. Une centrale qui s’est confinée dans un confort lié plus à l’histoire de la lutte pour l’indépendance qu’à ses initiatives militantes du présent…Dans ce contexte, lié aussi aux acquis de l’ouverture politique, la Confédération démocratique du travail a vu le jour. C’était en 1978.
Une nouvelle centrale devant fédérer les syndicats indépendants, jusqu’alors de la poste, de l’enseignement et des phosphates, entre autres… Menée par un duo de choc, Noubir Amaoui et feu El Bouzidi, épaulé – le terme étant trop poli, admettons-le – par une USFP à la recherche de ses marques à la suite des premières élections municipales (1976) et législatives (1977) auxquelles le nouveau parti a pris part, la CDT cristallisait légitimement une certaine attente des fonctionnaires et des employés. Les secteurs des ouvriers rejoindront peu à peu la nouvelle structure. L’UMT garde toutefois le gros lot.
Les grèves se succèdent à l’initiative de la CDT. 10 et 11 avril 1979 et surtout la grève générale du 20 juin 1981 et ses dégâts. La centrale, basée à l’époque à Derb Omar -quartier commerçant de Casablanca-, gagnait du terrain. Les arrestations de 1981 et les déclarations tonitruantes, mais gauches, de M. Amaoui, quelques années plus tard sur la monarchie, ont fini par transformer la CDT en courroie de transmission partisane, tantôt USFP, tantôt PADS, quand cela arrangeait Amaoui et ses lieutenants, sinon c’est un relais des radicaux…
Au finish, les grèves générales d’avril et juin 2002, sans grand succès et n’ayant rien à avoir avec la mobilisation de troupes dont était capables, des années durant, la CDT, dont le siège a été transféré à la cité des Palmiers – rien à avoir avec Derb Omar -, laissent pantois.
Pis encore, la centrale est menacée d’implosion, puisque le syndicat de l’enseignement demande la révision des prérogatives du bureau exécutif. Et ne répond plus à ses mots d’ordre. Et puisque, faut-il le rappeler, les phosphatiers vivent une situation critique qui a commencé par mettre fin à l’unité du syndicat. Et Hocine Kafouni, le chef des années durant du syndicat des phosphates, n’a pas mâché ses mots en s’attaquant ouvertement à ceux qui commandaient les nouveaux patrons du syndicat…
Tout cela laisse à réfléchir. Parce que justement ce n’est pas l’avenir de la CDT qui est en jeu. Ce n’est pas non seulement l’immobilisme ou le mercantilisme de la gestion syndicale UMT qui est à critiquer. C’est en fait toute la culture syndicale marocaine qu’il faut mettre à jour. Et c’est à un nouveau concept de l’acte syndical qu’il faut réfléchir. Autrement, on aura encore les mêmes torts et les mêmes travers.

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