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Pourquoi la nouvelle Moudawana n’a pas réussi à faire régresser la polygamie ?

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L’affaire Naïma déferle la chronique aussi bien en France qu’au Maroc. Cette jeune femme marocaine résidant en France, mère de trois enfants, a décidé récemment de porter plainte contre son mari ayant épousé une seconde femme en 1998 au Maroc sans l’aviser au préalable. Désespérée, Naïma a confié son témoignage à un quotidien français. Son objectif étant d’inciter d’autres femmes à le faire et dénoncer la polygamie. «Il a profité de mes sentiments. Je lui ai tout donné. Il m’a trahie. J’ai récupéré la copie de l’acte de mariage. Il a déclaré qu’il était célibataire. C’est un mensonge», a-t-elle déclaré. En France, le fait de contracter un mariage sans que le précédent ne soit dissous est un délit passible d’une peine d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 45.000 euros. Au Maroc, l’affaire Naïma remet sur la table une question cruciale: le Code de la famille est-il arrivé, six ans après son entrée en vigueur, à faire régresser la polygamie? Une première réponse à cette question est offerte par des statistiques récentes du ministère de la Justice. Au titre de l’année 2009, les mariages polygames ont connu une hausse. Leur taux est passé de 0,27% en 2008 à 0,31% des 314 400 actes de mariage conclus en 2009. «Il faut abolir la polygamie parce que la philosophie de la Moudawana n’est pas respectée. La polygamie n’est pas préjudiciable qu’à la femme , elle a aussi des conséquences sur les enfants et la société en général. Plusieurs études l’ont démontré et l’on n’a qu’à voir le nombre d’enfants de la rue», s’insurge Fouzia Assouli, présidente de la Ligue démocratique des droits des femmes (ADFM) (voir entretien page5). «Dans le Coran, il est mentionné que le principe d’égalité est impossible quand on est polygame. Il faut cesser d’instrumentaliser la religion dès qu’il est question des droits des femmes. Il faut abroger la polygamie. La polygamie n’est pas un pilier de l’Islam», ajoute-t-elle. En plus de l’ADFM, plusieurs autres associations féministes militent pour l’abolition de la polygamie.  «Les dernières statistiques du département de la Justice montrent que le taux des mariages polygames est très marginal. Il ne dépasse même pas le 1%. Ce qui indique que cette pratique est très limitée. Le nouveau Code de la famille a prévu des conditions à même de garantir une protection efficace de l’épouse en cas de polygamie. Désormais la loi exige du mari une autorisation judiciaire et lui demande de prouver sa capacité de subvenir aux besoins de deux familles. Le seul cas où le juge peut autoriser facilement la polygamie c’est l’hypothèse de l’accord préalable des deux partenaires», souligne Me Mohamed Aqdime, bâtonnier de Rabat, dans une déclaration à ALM. «Le problème qui se pose au sujet de la polygamie est celui du non-respect par certains maris de la procédure légale», précise Me Aqdime, mettant le doigt sur une question importante : le détournement de la loi. Les hommes polygames qui refusent de se plier aux dispositions de la loi font généralement recours à l’article 16 de la Moudawana, notamment l’action en reconnaissance du mariage. Cet article prévoit que «lorsque des raisons impérieuses ont empêché l’établissement du document de l’acte de mariage en temps opportun, le tribunal admet, lors d’une action en reconnaissance de mariage, tous les moyens de preuve ainsi que le recours à l’expertise». L’astuce est simple. Il suffit pour le polygame de se marier à la Fatiha et faire venir par la suite quelques personnes devant la barre du tribunal témoignant qu’ils ont bien assister à la lecture de la Fatiha. Le jeu est ainsi fait, mettant le tribunal devant le fait accompli. Une pratique qui va persister encore, étant donné que le législateur a prolongé de cinq ans la période transitoire de recevabilité de l’action en reconnaissance de mariage. Chose qui ne plaît guère aux associations féministes.


Que prévoit le Code de la famille ?

Selon les dispositions du Code de la famille, la polygamie suppose l’autorisation du tribunal. Le tribunal n’accorde cette autorisation que s’il est établi que la polygamie se justifie par un motif objectif exceptionnel, et si le requérant a la capacité de subvenir aux besoins des deux familles, qu’aucune injustice ne soit à craindre, et qu’aucune condition de monogamie n’ait été stipulée. S’il est établi pour le tribunal, à la suite d’une tentative de conciliation, que la continuité de la vie conjugale est compromise, et que l’épouse du prétendant à la polygamie persiste à demander le divorce, il fixe un montant à payer par le requérant qui englobe les droits de l’épouse ainsi que ceux des enfants, avant de poursuivre la procédure. Si l’épouse refuse la polygamie, sans demander le divorce, il est fait application de la procédure de discorde. Après l’accord octroyé en vue de la polygamie, la fiancée du prétendant doit en être avisée, le tribunal s’assure de son consentement.

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