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Pourquoi Mezouar file du mauvais coton

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Mondialisation oblige, de nombreux secteurs de l’économie, y compris les plus sensibles, sont désormais voués à la libéralisation. Celui du textile et de l’habillement qui, depuis plusieurs années, obéit à un régime particulier permettant surtout de protéger le marché national à travers des restrictions quantitatives, n’échappera pas à la règle. À partir de 2005, les quotas à l’importation devront disparaître et faire place « en principe » à un commerce plus ouvert. Le Maroc, pays signataire de l’ensemble des conventions dans ce sens, s’est assurément engagé dans cette voie.
Toutefois, à y regarder de près, les décideurs politiques n’hésitent pas à dévoyer l’ensemble d’un process, en fonction des intérêts corporatistes ou encore, sur fond de règlements de comptes ! Ainsi, la réunion programmée pour la journée du 29 juillet prochain marquera, si l’ensemble des mesures prévues est validé par la commission consultative des importations « devant statuer sur le rééquilibrage de préférence accordée à l’UE en comparaison avec les USA », un tournant pour le secteur du textile.
Au moment où le cap dressé vise la libéralisation progressive, il est désormais question de procéder à des réformes tarifaires : « le Maroc est disposé à corriger les distorsions des préférences entre l’Union européenne et ses autres partenaires, en procédant à des réformes tarifaires, notamment pour les produits textiles», mentionne une fiche technique du Ministère de l’Industrie, du Commerce et de la Mise à niveau de l’économie, partie prenante aux côtés de l’administration des douanes et celle du budget au travail de réflexion de la commission consultative. Il faut dire que la fin des mesures protectionnistes sonne comme une véritable révolution dans les échanges des produits textiles « Made in Maroc ». Toutes les marchandises issues de ce secteur seront pleinement intégrées aux règles prévues, dans un premier temps, par les différents accords de libre-échange, et dans un second temps par de l’OMC.
Le pays devra donc opérer des réformes profondes pour permettre à son industrie de s’adapter à une situation commerciale nouvelle. «Nous sommes assurément à la veille d’un « big-bang » que vont vivre les acteurs concernés par l’industrie du textile et de l’habillement. Mais la voie empruntée par le ministre Mezouar, toujours président de l’AMITH, et par conséquent, trop impliqué pour ne pas servir les intérêts de sa corporation en premier, nous paraît pénalisante pour les importateurs de produit finis », déclare un importateur, sous couvert d’anonymat.
Voulue par le ministère de l’Industrie, du Commerce et de la Mise à niveau de l’économie alors que celui des finances oppose toujours son veto, cette approche prête à controverse. Contacté par ALM, Jamal Eddine El Jamali, directeur de la production industrielle au sein du ministère du Commerce et de l’Industrie, siégeant au sein de la commission, estime que les décisions envisagées par la commission seraient bénéfiques pour l’ensemble des intervenants du secteur : «Il est question de faire passer les droits de douanes de 50 à 32,5 %. Même les franchisés trouveraient, à priori, leur compte», tient-il à préciser.
Toutefois, l’approche adoptée par la commission est plus subtile. Sous couvert de baisse de droits de douanes, la réforme vise la réforme tarifaire par l’instauration des prix d’alerte. Dans la nomenclature douanière, les prix d’alerte sont les prix de référence définis par l’administration des douanes, en concertation avec les représentants du secteur concerné, afin de fixer des objectifs à l’importation.
Dans le cas précis du secteur textile, la réforme vise l’instauration de prix d’alerte pour les vêtements confectionnés, après l’adoption de cette réforme. « C’est une approche pénalisante pour les importateurs de produits finis en général et les franchisés en particulier. Comment peut-on prôner un soutien aussi clair à l’export, tout en instaurant des barrières à l’importation ?», clame un franchisé avant d’ajouter : « C’est une approche totalement incohérente. La libéralisation ne peut être à sens unique ». Par conséquent, la crédibilité du système commercial multilatéral marocain, à travers le respect des engagements pris, en dépend.
La libéralisation de ce secteur offrirait à bien des égards de nombreux avantages. Elle sera, du moins, profitable aux consommateurs d’un pays importateur comme le Maroc. Un credo repris par la Commission européenne qui estime, études à l’appui, que l’ouverture commerciale dans le secteur des textiles produira globalement de l’efficacité économique. Mais selon cette dernière, la question de la libéralisation ne doit pas seulement être abordée en termes de réduction des quotas, mais envisagée d’une manière plus globale. La réussite d’une telle libéralisation dépendra grandement des réponses que l’industrie et les entreprises pourront apporter afin d’améliorer la compétitivité et s’adapter aux nouveaux besoins du marché. Cette réussite sera aussi liée à l’élaboration de politiques macroéconomiques efficaces, à la mise en place d’un cadre législatif adéquat, aux investissements, à la formation, etc.
En réalité, si les pays industrialisés disposent de moyens protectionnistes bien plus pernicieux que les barrières tarifaires ou les contingentements, comme les règles anti-dumping ou les normes, au Maroc, le corporatisme, aidé en cela par une technostructure bien installée, mise sur le contrôle de toute la chaîne décisionnelle.
Et il y a fort à parier que les opérateurs du secteur feront jouer la machine technocratique pour se protéger…Mais jusqu’à quand ? Une approche visant le long terme et respectant les engagements internationaux reste le meilleur rempart contre tous les excès !

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