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Que cherche Ahmed Raïssouni ?

© D.R

L’ex-président du Mouvement Unicité et Réforme, Ahmed Raïssouni, vient de marquer, à sa manière, la rentrée politique. Dans un entretien accordé à l’hebdomadaire arabophone Al Ayam, l’ex-patron du MUR relance sa fameuse théorie sur la Commanderie des croyants (Imarat Al Mouminine) selon laquelle la Fatwa ne devrait pas être du ressort de Sa Majesté le Roi Amir Al Mouminine. Il faut rappeler que ce fut la veille des attentats terroristes du 16 mai 2003 à Casablanca que le fquih Raïssouni avait, pour la première fois, rendu publique cette théorie. Dans un entretien accordé à ALM, il avait manifesté publiquement son opposition au fait que le chef de l’Etat soit aussi responsable des affaires religieuses en sa qualité d’Amir Al Mouminine.Ces déclarations avaient provoqué l’indignation et la colère de Abdelkrim Al Khatib alors secrétaire général du Parti de la Justice et du Développement (PJD) ainsi que de certains membres influents de ce parti. Gênés par les déclarations de Raïssouni jugées inopportunes par la plupart d’entre eux, ces derniers ont fini par convaincre le fquih de démissionner de son poste de président du MUR le temps que les choses se calment. Leader du mouvement unicité et réforme, qui constitue la principale force de recrutement et d’endoctrinement du PJD, et idéologue de la face religieuse du parti islamiste, Ahmed Raïssouni continuera malgré sa démission à diriger le mouvement et à orienter la ligne éditoriale de son quotidien arabophone Attajdid à travers un homme de paille que les dirigeants du MUR choisirent pour cette mission de figurant.
Mais, aujourd’hui, convaincu que la tempête est déjà passée et croyant qu’il n’y a plus rien à craindre, le fquih revient à la charge. Et cette fois, il va encore plus loin.
Sa théorie semble avoir pris une nouvelle dimension. Celle de dissocier la notion d’Imarat Al Mouminine des prérogatives religieuses qui lui sont associées depuis plus de quinze siècles d’histoire de cette institution. « La fatwa qui fait partie des compétences d’Amir Al Mouminine est celle qui s’impose à l’Etat et à la société donc celle qui a une nature juridique. Je ne vois pas Amir Al Mouminine émettre des fatwas concernant des pratiques religieuses ou des comportements des croyants ou de ce qui est permis (halal) ou défendu (haram) par la religion. Cela n’est pas possible», dit Ahmed Raïssouni dans son entretien publié par Al Ayam. Pour lui donc, le commandeur des croyants devrait se contenter de diriger les affaires publiques dans leur aspect juridique donc temporel et de laisser la fatwa – donc les prérogatives religieuses – aux Ouléma. « La fatwa qui devrait s’imposer est celle émanant d’une institution agréée par l’Etat que l’on l’appelle Imarat Al Mouminine ou Conseil supérieur », a-t-il ajouté. Le fquih Raïssouni ne voit donc aucun inconvénient à ce que l’institution d’Imarat Al Mouminine soit remplacée par un Conseil supérieur des ouléma qui serait chargé des compétences religieuses au sein de l’Etat. Alors comment devrait être ce Conseil pour le dirigeant du MUR ?
L’interview du fquih Raïssouni a été publiée quelques jours avant l’audience royale accordée par SM le Roi Mohammed VI aux membres de la commission chargée de l’Iftâ (consultation canonique) au Conseil supérieur des Ouléma qui ont remis au Souverain la consultation relative à l’intérêt temporel (Al maslaha al  morsala), intérêt à apprécier en rapport avec la gestion des affaires publiques  et en adéquation avec les orientations de l’immaculée chariâa. Conformément au dahir portant loi de sa création cette commission soumet à l’appréciation du Commandeur des croyants son avis sur une affaire religieuse. Une procédure que Raïssouni juge inadéquate. Dans le même entretien, il dénonce ce qu’il appelle la politique officielle en matière religieuse. « l’institutionnalisation excessive  – je veux dire l’officialisation – dont la dernière est celle de la Ligue des ouléma du Maroc qui était avant une association indépendante malgré quelques positions et des relations proches de l’Etat, Roi et ministère des Habous. Mais, aujourd’hui, elle n’est plus une association puisqu’elle est en train de devenir une institution comme le Conseil supérieur », déplore-t-il. L’ancien président démis du MUR fait ainsi allusion à la récente nomination par SM le Roi Mohammed VI du secrétaire général de la Ligue des ouléma du Maroc. « Les choses vont dans le sens de l’exclusion de toute activité religieuse qui ne soit pas sous le contrôle du ministère des Habous et des Affaires islamiques ce qui n’est pas réalisable. On cherche donc à faire  en sorte qu’il ne reste plus dans le champ religieux que des voix officielles», estime Raïssouni. L’objectif de cette prétendue tentative de mainmise de la part du ministère des Habous sur le champ religieux vise à empêcher les ouléma d’intervenir ou d’exprimer une position sur les affaires publiques. Mais, l’ex-patron officiel du MUR va encore plus loin en demandant que les membres du Conseil des ouléma et des institutions religieuses ne soient plus désignés par SM le Roi en sa qualité d’Amir Al Mouminine mais qu’ils soient élus par leurs confrères. «Pourquoi appelle-t-on les Ouléma à soutenir le processus démocratique sans qu’ils en bénéficient ? on les appelle à respecter ce processus en dehors de leurs institutions c’est-à-dire dans la société et dans l’Etat sans qu’ils puisent l’appliquer dans leurs institutions», déplore-t-il avant d’ajouter : «nous utilisons le langage moderne en parlant de "démocratie", mais je pourrais dire que les ouléma ont toujours choisi eux-mêmes leurs chefs et leurs représentants car "leurs affaires sont gérées en consultation entre eux". Cela a toujours été comme ça et c’est ainsi que cela doit être aujourd’hui».Ainsi, Ahmed Raïssouni, ex-patron du MUR de son état, récidive encore une fois et se permet de remettre en cause les prérogatives et les compétences de l’un des principaux piliers de l’Etat marocain tel qu’il l’a été durant plus de douze siècles, depuis Moulay Driss premier, à savoir Imarat Al Mouminine. Encore un égarement de la part de Raïssouni.

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