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Querelles autour d’un héritage

© D.R

La cour d’appel de Casablanca sera bientôt le théâtre d’un défilé de témoins de haut calibre. Convoqués sur instruction de la Cour, une brochette de noms illustres  devront s’y déplacer pour livrer leur témoignage sur l’une des affaires d’héritage les plus complexes que les tribunaux marocains aient  eu à examiner.
Il s’agit de l’affaire de la plainte déposée par les héritiers de l’ex-conseiller de feu SM Hassan II, Ahmed Réda Guédira, contre celui qui était connu de tous comme étant le gérant des affaires du défunt, Joseph Marciano,  Jeff pour les intimes.   
L’enquête menée par la police judiciaire de Casablanca sur instruction du procureur du Roi a duré plus de trois ans. Un délai qui ne surprend pas si l’on sait que le volumineux rapport établi au terme de ces investigations qui vient d’être remis au juge d’instruction près la Cour d’appel de Casablanca, Noureddine Dahine, comporte plusieurs centaines de pages.
Saisi du dossier, mardi dernier, Me Dahine devrait procéder, dans les prochains jours à l’audition des différentes personnes citées dans le cadre de l’affaire. Outre les plaignants, à savoir les héritiers de feu Réda Guedira, son fils Hakam et sa fille Malika, ainsi que son gendre l’ex-député UC Farid Chbicheb, des noms prestigieux figurent sur la liste des témoins. Il s’agit notamment de l’ex-administrateur général de l’ONA, Robert Assaraf, l’ex-secrétaire particulier de feu SM Hassan II, Abdelfettah Frej, le patron de la "Fiduciaire du Maroc", Joseph Barzilay, ainsi que plusieurs autres personnalités ayant connu de près ou de loin l’ex-conseiller de feu Hassan II. Des gens qui certainement sont au courant des affaires des uns et des autres.
Le procès  promet  d’être riche en révélations et en rebondissements sur les affaires et les réseaux de l’un des plus importants hommes d’Etat de l’histoire contemporaine du Maroc. Réda Guédira n’était pas n’importe qui. Il avait la haute main sur une grande partie des activités de l’État  
L’instruction judiciaire du dossier, qui vient à peine de commencer, n’est que le couronnement d’un long et difficile travail d’investigations mené d’abord par les héritiers puis par la police judiciaire sous la supervision du parquet.
En effet, l’histoire remonte à la fin des années 90, lorsque les héritiers d’Ahmed Réda Guédira, décédé en 1995, ont découvert que certains biens, notamment immobiliers, faisant partie du patrimoine du défunt auraient été accaparés par celui qui gérait ses affaires. Il s’agit de Jospeh Marciano, un Marocain de confession juive plus connu sous le nom de Jeff Marciano.
Au lendemain du décès de leur père, les enfants de feu Réda Guedira, malgré leur étonnement devant la modicité des biens laissés par leur père, n’imaginaient pas qu’il y avait un grand patrimoine foncier et financier dont le défunt avait confié la gestion à M. Marciano et que ce dernier aurait omis d’en informer les ayant-droits.
Mais leurs soupçons furent éveillés lorsqu’on a découvert l’existence d’un virement douteux de l’ordre de 15 millions de Dhs qui a été opéré sur le compte du défunt au profit de la société Oasis. Selon les explications fournies à la justice par la Société générale marocaine des banques où le compte était domicilié, l’ordre de virement aurait été donné verbalement par feu Ahmed Réda Guédira.
Sachant que le bénéficiaire de ce virement n’était autre que M. Marciano, les soupçons des héritiers furent confirmés. C’est alors qu’ils entameront des recherches pour retrouver les documents à même de prouver l’appartenance de certains biens immobiliers à leur père. Les pistes ne manquaient pas. Plusieurs personnes ayant fréquenté l’ex-conseiller de feu Hassan II leur avaient parlé de certains lots de terrain possédés par leur père. Parmi ces lots, figuraient deux terrains situés à Casablanca. Les deux sont situés à Aïn Diab sur la corniche. Le premier est d’une superficie de 12 ha dont la valeur est estimée à 4.000 Dhs le mètre carré. Une belle fortune. Et le deuxième sis à quelques dizaines de mètres du parc Sindibad.
Après plusieurs mois de recherches et d’investigations menées par leur avocat Me Moulay Hicham Maliki et ses assesseurs, on finit par découvrir que les deux terrains en question appartenaient chacun à une société dont le capital était détenu par une société financière appelée SOMSI. Le premier lot appartenait à la société dite MALIBU alors que le deuxième est la propriété de la société TOUAMOUTOU.
Mais la découverte la plus intéressante reste celle concernant le principal actionnaire de la société SOMSI qui n’est autre que Joseph Marciano. Nous avons tenté de joindre ce dernier pour recueillir sa version des faits. En vain. Sa secrétaire filtre visiblement les appels.
Approfondissant les recherches, les héritiers apprennent qu’au moment de sa création, en 1984, la société SOMSI était gérée par leur beau-frère, Farid Chbicheb, qui en était d’ailleurs  le président fondateur et qui en détenait 50 % des parts, les autres étant détenues par Jeff Marciano. Il s’agit d’un holding qui détenait  des participations dans plusieurs projets immobiliers et industriels. C’est le cas, par exemple, de la société de textile SETTAVEX sise à Settat dont SOMSI est l’un des principaux actionnaires.  
Mieux, il s’est avéré que le capital initial avec lequel la société a été créée émanait d’un compte bancaire de feu Ahmed Réda Guédira. Toutefois, M. Marciano fournit un document qui prouve, selon lui, que M. Chbicheb lui aurait cédé ses parts dans ladite société. Or, ce dernier affirme n’avoir jamais signé un tel document. Une expertise réalisée par le laboratoire scientifique de la police judiciaire sur ordre du procureur confirmera qu’effectivement la signature avait été falsifiée. D’autre part, plusieurs témoins ont confirmé que, pour eux, la société SOMSI avait toujours appartenu à Ahmed Réda Guédira et que M. Marciano n’en était que le gérant. Les documents qui le prouvent existent, affirment-ils, chez la Fiduciaire qui s’occupait des affaires de l’ex-conseiller. Il s’agit de la "Fiduciaire du Maroc" gérée par le Marocain de confession juive, Joseph Barzilay. Mais, ce dernier refuse toujours aux héritiers l’accès auxdits documents. Une obligation à laquelle il ne pourra pas longtemps échapper. L’heure des comptes a sonné.
C’est dire que Me Dahine a du pain sur la planche. L’affaire qu’il est appelé à instruire est complexe. Quant  aux héritiers Guédira,  ils ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. Ils sont certains que leur père a laissé d’autres biens au Maroc et peut-être même à l’étranger.  Une sacrée histoire.

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