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Qui veut liquider la RAM ?

“Low cost“ ou “ petits prix“, c’est le concept à la mode actuellement dans le monde complexe du transport aérien. Citées en exemple en la matière, les compagnies aériennes Easy Jet et Ryannair offrent à leurs passagers des billets à des tarifs imbattables.
Nombre de compagnies régulières, en Europe notamment, tentent d’imiter cette politique pour sauvegarder leurs parts de marché et partant éloigner la menace d’un crash à la Air Lib … Du coup, 3200 personnes se sont retrouvées sur le carreau. Un drame national.
La Royal Air Maroc (RAM) est-elle condamnée à se positionner sur ce créneau pour assurer sa pérennité et envisager l’avenir avec sérénité ? L’essor du secteur national des voyages nationaux passe-t-il nécessairement par un transport aérien à bas prix ? Ce débat a monopolisé les Assises du tourisme qui ont eu lieu à Agadir le 14 février. Le président de la RAM, Mohamed Berrada, a improvisé une intervention en réponse aux arguments de l’expert du cabinet Mckinsey qui a prôné dans son étude présentée à l’occasion une libéralisation du ciel marocain en s’inspirant de l’expérience “réussie“ des “low cost“.
M. Berrada, qui se savait la cible des critiques professionnels du tourisme marocain, a défendu finement la compagnie qu’il dirige en tentant de dissocier la situation peu reluisante du tourisme marocain de la politique suivie par la RAM. En fait, l’intéressé a parlé moins en qualité de P-Dg de la RAM qu’en économiste qui maîtrise son sujet. D’où, peut-être, la condescendance qui était perceptible dans sa voix à mesure qu’il assenait ses arguments.
Tout à sa contre-attaque, Mohamed Berrada n’était pas loin de penser que l’on voudrait faire de la RAM le bouc émissaire des turpitudes du tourisme marocain que l’on ne s’y prendrait pas autrement. Ce qui revient, à ses yeux, à occulter ou à nier les efforts accomplis par la compagnie dans une tentative à peine voilée de la sacrifier sur l’autel de concepts “prêts à transporter“ qui ne sont pas forcément bons pour le contexte marocain, même s’ils ont prouvé leur efficacité sous d’autres cieux. “ Le Low cost est le fruit d’une évolution progressive en Europe et aux Etats-Unis. Il ne faut pas brûler les étapes au risque de menacer l’activité aérienne nationale“, prévient un directeur de la RAM. “ Chercherait-on à faire subir à la RAM le même sort que celui d’Air Lib, qui était la deuxième compagnie française“ ? s’interroge-t-il, visiblement inquiet.
Les assises du tourisme d’Agadir ont montré clairement les divergences entre le ministre de tutelle Karim Ghallab qui a fait un plaidoyer pour la libéralisation du trafic aérien national avec un calendrier précis et le patron de la RAM qui a défendu, lui, les intérêts de la RAM. Les échanges à cet effet étaient très vifs. L’ouverture du ciel marocain à la concurrence va-t-il signer à terme la mise à mort du transporteur national où l’État détient 98% ?
Une chose est sûre : la libéralisation doit être progressive et cadrée de telle sorte que la RAM qui est déjà en mauvaise passe financière, puisse s’adapter à la nouvelle donne. Il s’agit d’abord de savoir si elle doit continuer à maintenir les lignes déficitaires relevant du prestige du pays ou plutôt à se recentrer exclusivement sur les créneaux réputés rentables ?
Pour justifier leur revendication pressante de la déréglementation aujourd’hui relayée par les pouvoirs publics, les opérateurs du tourisme marocain mettent en avant cette évidence : pour recevoir 10 millions de touristes en 2010, il faut se donner les moyens de transporter ces derniers à des “petits prix“ en les cherchant là où ils se trouvent. Ceci pour dire que la RAM, en l’état actuel des choses, n’a ni la flotte nécessaire ni la politique tarifaire adéquate pour relever ce défi ambitieux. En guise de validation de cette thèse, un film a été projeté lors des assises. Il montre les responsables de deux ou trois Tours operators anglais expliquant à l’unisson les problèmes de la destination Maroc : les interviewés les résument, bien entendu, dans le transport aérien et précisément dans le hub de Casablanca présenté comme quelque chose qui freine l’enthousiasme des touristes anglais à prendre leurs vacances au Maroc. Ce qui est mis en cause ici, c’est l’absence en quantité suffisante des dessertes aériennes directes desservant à partir de Londres les villes touristiques du pays. Un touriste désireux de se rendre, par exemple, à Fès fait d’abord escale à Casablanca et doit souvent attendre plusieurs heures avant de prendre sa correspondance. Une perte de temps rédhibitoire qui détournerait les touristes des charmes du Royaume. Quel dommage, en effet !
Une question de fond cependant: suffit-il de libéraliser l’activité aérienne au Maroc avec même à la clé des tarifs avantageux et des navettes domestiques rapides pour que les touristes se rendent en masse dans le pays ? Une chose est sûre : secteur sensible et fragile, le tourisme s’apparente à une chaîne dont les éléments doivent être parfaits. Il suffit qu’un seul maillon soit défaillant pour que tout le processus s’en ressente. Dans le cas du Maroc, les faiblesses sont légion…

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