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Qui veut salir la mémoire de Mezian ?

© D.R

L’inauguration, le 27 mai dernier à Nador ( ALM N° 1166 du lundi 29 mai 2006), du Musée Maréchal Mohamed Mezian, a fait l’objet d’une tentative de provocation d’une polémique de la part de deux journalistes en Espagne. Deux articles ont été publiés, l’un diffusé sur le site web du quotidien El Mundo et rédigé par Ali Lemrabet et l’autre publié sur les colonnes d’El Pais et signé, évidemment, par Ignacio Cembrero. Et les deux ont, comme d’habitude, été repris dans une certaine presse locale et dans des sites espagnols anarchistes, de gauche radicale, proches du Polisario, ou, tout simplement, hostiles à tout rapprochement entre le Maroc et l’Espagne.
Dans les deux articles la thèse défendue est celle de l’inopportunité de la participation d’officiels espagnols notamment l’ambassadeur espagnol à Rabat, Luis Planas, à l’inauguration du Musée et à l’acte durant lequel il a été rendu hommage au maréchal Mezian.
L’argument sur lequel se sont basés les deux "reporters" est que l’ancien officier supérieur de l’armée espagnole et des forces armées royales marocaines par la suite a participé à la guerre civile espagnole. Cembrero cite ainsi dans sa "correspondance" publiée le 30 mai par El Pais (il faut dire qu’il n’était même pas présent lors de la cérémonie d’inauguration du Musée) un extrait d’un livre de l’historien américain, John Whittaker, où ce dernier raconte en quelques lignes une rencontre qu’il aurait eu avec le maréchal Mezian en pleine guerre civile espagnole. Désignant le jeune officier de "Moro", il affirme que ce dernier aurait laissé ses troupes abuser de deux jeunes femmes espagnoles qui portaient, selon l’historien américain, des cartes de membres d’une organisation syndicale. Au-delà de la véracité ou de la supercherie de la narration faite par M. Whittaker, il faut préciser que la scène qu’il décrit a lieu pendant la guerre civile espagnole qui a été caractérisée par son horreur et l’extrême violence qui a été commise du côté des deux parties en conflit. Une guerre qui – rappelons-le pour ceux qui n’en ont jamais entendu parler et ils sont nombreux car les événements en question se déroulent aux années 30 du siècle dernier – opposait l’armée dirigée par le général Franco à l’armée républicaine. Les premiers voulant rétablir l’ordre constitutionnel qui prévalait avant la destitution du Roi Alfonso XIII et l’instauration par des mouvements de gauche d’une république. Les seconds voulant défendre ce qu’ils considéraient un régime légitime puisque issu de "la volonté du peuple espagnol". Lequel des deux camps avait raison ? La réponse revient aux historiens, seuls détenteurs des outils scientifiques et documentaires nécessaires à toute analyse des faits et des événements historiques. Cela n’a jamais été le rôle de la presse qui, elle, a pour mission de se pencher sur les faits d’actualité ou ceux qui ont vocation à se projeter dans l’avenir. En tout cas, ce qui est certain est que toute lecture dans l’histoire ne peut échapper, à un moment ou à un autre, à la subjectivité de l’historien.
Pour ce qui est de la participation de l’officier Mezian à la guerre civile espagnole, il faut la mettre dans son contexte historique. Faisant partie des garnisons du nord du Maroc de l’armée espagnole, l’officier Mezian ne pouvait que participer à la révolution des officiers espagnols qui ont décidé de se soulever sous la direction de Franco contre les républicains surnommés "los rojos" (les rouges) étant donné qu’il s’agissait de communistes et d’anarchistes soutenus à l’époque par les communistes de l’Union soviétique.
Il faut rappeler aussi qu’à l’époque, le général Franco avait promis aux nationalistes marocains son soutien pour l’indépendance du Maroc une fois qu’il aurait rétabli la monarchie en Espagne. L’histoire atteste qu’une fois au pouvoir, le généralissime avait accordé de grandes marges de manœuvres aux nationalistes marocains qui avaient fait de la zone sous protectorat espagnol leur base arrière dans leur combat contre l’occupant français. Que le régime franquiste ait été une dictature et que les violations des droits de l’Homme et des libertés aient été commises durant ses quarante ans de pouvoir, cela n’est contesté par personne et un article signé Lemrabet ou Cembrero n’apporte rien de nouveau à ce niveau. Mais, tenter de juger un officier marocain, décédé il y a plus de trente ans, pour des actes supposés avoir été commis pendant la guerre alors que la nation espagnole a choisi de tourner la page de la dictature au lendemain du décès de Franco est une aberration. Le choix espagnol de regarder vers l’avenir au lieu de rester la tête tournée vers le passé a été d’ailleurs un choix judicieux car il a fait de l’Espagne ce qu’elle est aujourd’hui : un grand pays, moderne, développé et qui marche à pas sûrs vers un avenir prometteur. Si les Espagnols avaient choisi la voie de la chasse aux sorcières, ils auraient ressuscité le diable de la confrontation entre les fils d’un même peuple. Revivre l’expérience de la guerre civile était la dernière chose qu’ils auraient choisi. C’est là une leçon que certains milieux nihilistes au Maroc feraient bien d’assimiler alors qu’il font feu de tout bois pour polluer la transition marocaine . La création du Musée Maréchal Mezian et la présence lors de son inauguration d’officiels espagnols civils et militaires aurait été une bonne occasion pour ces nihilistes  de se pencher sur l’histoire de l’Espagne dont le peuple a choisi bravement de tourner la page du passé. Mais, tirer des leçons du passé est l’apanage des sages. Ce n’est pas à la portée de pseudo-militants sans cause, ni valeurs.
Le général qui a fait de sa vie un hymne aux deux pays qu’il a le plus aimés et adorés n’a pas hésité, le moment venu, à mettre son savoir faire militaire au service des forces armées royales même contre l’Espagne notamment lors de la bataille de libération de Sidi Ifni et de Tarfaya en 1959. Il demeura néanmoins l’une des personnalités marocaines les mieux estimées en Espagne.
Nommé ambassadeur du Royaume à Madrid, en 1966, il oeuvra pour le développement des relations d’amitié et de fraternité entre les deux pays. Mais, le savoir-faire de l’homme était tel que feu SM Hassan II ne tarda pas à le rappeler à Rabat pour lui confier une autre responsabilité. Ce fut cela son destin durant vingt ans : aller de mission en mission au service du Royaume jusqu’à son décès, en 1975, survenu dans un avion qui le transportait de l’Espagne au Maroc. Il mourut entre les deux Royaumes qu’il a servis. Aujourd’hui, alors que des deux côtés de la Méditerranée, on lui rend hommage. Des voix tentent, pour des raisons connues, de porter atteinte à son image. Toutefois, l’estime dont bénéficie sa mémoire en Espagne et au Maroc n’a pas permis à la tentative de la polémique de prospérer. 

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