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Rachid Benmokhtar : «Le développement humain est une affaire de long terme»


ALM : Quels sont les moyens nécessaires pour améliorer les performances de l’INDH ?
Rachid Benmokhtar : Les études menées par l’ONDH nous ont permis de produire des recommandations qui sont, à notre sens, susceptibles d’améliorer les performances de l’INDH. Sur le plan financier, l’INDH a permis une redistribution de ressources vers les communes et quartiers les plus pauvres à travers le territoire national.
Un montant annuel moyen équivalent à 0,3% du PIB a été distribué au cours de ces trois dernières années. Néanmoins, ce montant qui reste encore modeste, pourrait être augmenté à 0,5 % puis à 1% au moins  du PIB, pour avoir un effet de levier conséquent à même d’impacter durablement l’économie de ces espaces. Ces mêmes ressources pourraient provenir des départements sectoriels par simple délégation d’un pourcentage de leur budget pour être utilisé dans les communes et les quartiers cibles, selon les procédures de l’INDH, ce qui a le mérite de ne pas alourdir la part du budget affectée au social. Sur le plan du ciblage territorial des communes, un effort est à faire pour obtenir une meilleure adéquation des ressources affectées aux projets, au niveau de pauvreté de chaque commune ou quartier ciblé. A ce sujet, nous faisons quelques recommandations. Il est important de noter que la distribution des ressources aux populations ciblées s’est avérée non concordante, dans certains cas, avec le critère de pauvreté retenu. Il est donc nécessaire de remédier à cette anomalie. Une distinction selon le milieu (urbain-rural) et selon le type de pauvreté doit être effectuée de manière à ce que l’on puisse disposer d’une typologie des espaces en fonction de leur profil de pauvreté et du déficit en développement humain. Nous pourrons ainsi aboutir à une meilleure cohérence d’ensemble, tout en tenant compte des disparités. Un autre aspect touche à la différenciation des actions de l’INDH selon qu’il s’agit du milieu urbain ou du milieu rural. S’agissant du premier, nous recommandons que chaque ville se dote d’un projet urbain où seraient exprimés, dans le temps, les grands axes et les priorités des actions à entreprendre particulièrement dans les quartiers défavorisés. Les actions de l’INDH seraient plus efficaces si elles se situent dans la logique de ce projet urbain. En ce qui concerne le monde rural, le Plan Maroc Vert, dans son deuxième volet, présente une formidable opportunité pour articuler les interventions de l’INDH avec celles du ministère de l’Agriculture. Cette intégration est plus que souhaitable, elle créerait une synergie importante, éviterait les redondances d’effort et le gaspillage, ce qui permettra de mieux orienter les projets financés par l’INDH entraînant ainsi l’amélioration des performances de l’INDH. Le renforcement de l’institution communale constitue un autre volet dans cette perspective d’amélioration. En effet, les communes rurales dans leur majorité ne disposent pas du minimum de moyens nécessaires pour être un véritable acteur du développement. Cela commence par l’administration communale dont les capacités sont limitées ou inadaptées.

Quelles sont les priorités de l’INDH pour 2011-2015?
C’est Sa Majesté Le Roi qui les fixera en temps utile. En attendant, l’Observatoire dans son rapport, outre les recommandations que j’ai déjà indiquées, insiste sur les réformes de fond qui doivent s’inscrire dans une perspective plus longue de la gestion des affaires publiques. Deux réformes paraissent particulièrement importantes aux membres du Conseil de l’ONDH : la décentralisation-déconcentration et la contractualisation pluriannuelle. S’agissant de la décentralisation-déconcentration, le programme de l’INDH devrait être territorialisé. En ce sens, il est recommandé de l’inscrire dans le cadre de la politique de déconcentration et de décentralisation, ce qui aura un double avantage.
Le premier est de mieux cibler les actions de l’INDH en les collant aux réalités locales , le deuxième étant de faire en sorte que les actions de l’INDH soient davantage sous maîtrise d’ouvrage des collectivités locales, ce qui assurerait une appropriation locale des projets et une plus grande responsabilisation des élus dans les comités tripartites (administrations, élus, associations). Quant à la contractualisation pluriannuelle, l’INDH qui dispose d’un financement garanti sur cinq ans, peut être, comme le dit notre rapport, «un outil privilégié pour engager une politique contractuelle sur plusieurs années».

La société civile est un acteur de l’INDH. La mise à niveau du tissu associatif s’impose-t-elle aujourd’hui ?
La participation de la société civile et donc des associations dans les comités tripartites avec les élus et les représentants de l’autorité est une des innovations majeures apportées par l’INDH. En effet, leur rôle est déterminant pour la réussite de ce «chantier de règne». Mais nous avons constaté à travers nos études une grande disparité dans leur capacité à assumer pareille responsabilité. Elles ne sont pas pourvues de manière égale en termes de capacités techniques ou de gestion, ce qui réduit leur capacité de proposition et de réalisation  de projets et nuit à la pérennité des projets dont elles ont la charge. C’est pourquoi l’institution de critères de qualification pour les associations désirant opérer dans le champ de l’INDH est nécessaire en même temps que le renforcement de leurs capacités. Il serait souhaitable que les associations les plus structurées, qui disposent de ressources humaines bien formées et ayant fait leurs preuves sur le terrain, puissent «coacher» les jeunes associations inexpérimentées et contribuer à former leurs cadres.

Comment voyez-vous le développement humain au Maroc dans les années à venir ?
Le rapport du cinquantenaire sur le développement humain a établi le constat que le Maroc a fait plus de progrès en termes de croissance économique que dans le domaine du développement humain durant les 50 années suivant l’indépendance de notre pays. Toutefois au cours de la dernière décennie, et avant le démarrage de l’INDH, un effort considérable a été réalisé en termes de renforcement des programmes publics concernant les secteurs sociaux, comme en témoigne la part du budget de l’état consacrée à ces secteurs qui dépasse actuellement les 50%.Cependant, il ne faut pas oublier que le développement humain est une affaire de long terme. Mais déjà, en prenant comme indicateurs ceux du PNUD, et bien qu’ils ne traduisent que partiellement les effets de cette politique, on constate qu’ils s’améliorent d’année en année, et notamment au cours de la décennie 2000. Ainsi, le taux de croissance de l’Indice de développement uumain du PNUD est passé de 1,05 % entre 1990 et 2000 à 1,63% entre 2000 et 2007, soit une amélioration sensible d’environ 60 % de la tendance haussière de cet indice.
L’INDH vient consolider cette dynamique. Et sa deuxième phase, moyennant les ajustements nécessaires, ne pourra qu’améliorer les performances du pays en matière de développement humain. Cependant, il ne faudrait pas trop se focaliser sur ces indices, l’Observatoire recommande de travailler rapidement sur des indicateurs qualitatifs. En effet, si on considère le domaine de l’éducation qui contribue largement au mauvais classement du Maroc en matière d’IDH, ce qui inquiète le plus l’Observatoire c’est la dégradation continue de la qualité de l’enseignement et le niveau alarmant des performances des élèves dans les matières scientifiques. Cette situation met en danger le développement du pays et son avenir et compromet les plans stratégiques que notre pays a lancés.

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