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Rachida Fadil : «Le métier de tous les risques»

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ALM : Quel sens revêt à vos yeux la célébration de la journée mondiale de l’infirmier?
Rachida Fadil : C’est un hommage et un signe de reconnaissance aux hommes et femmes en blouse blanche. Ils sont toujours au front, mobilisés aux avant-postes pour écouter et soigner les malades. Et ce signe de reconnaissance est légitime, parce que la vocation de l’infirmier est indissociable d’un travail de proximité. On oublie souvent de dire que les infirmiers ont participé à l’éradication de nombreuses maladies. Malheureusement, le coeur des infirmiers marocains n’est pas à la fête. Ils exercent leur métier dans des conditions lamentables.
Pouvez-vous développer ce que vous voulez dire par là ?
Ecoutez ! L’Etat ne cesse de restreindre le budget de la santé publique. Le corps des infirmiers le ressent avec une acuité douloureuse. Il faut savoir qu’il existe, aujourd’hui au Maroc, un infirmier pour 30 malades dans les hôpitaux publics. Il faut aussi savoir que chaque infirmier est tenu de répondre, au moins 10 fois par jour, aux besoins d’un malade. Que l’on multiplie les 10 fois par 30, et l’on aura une idée des conditions dans lesquelles l’infirmier marocain travaille.
Combien d’heures travaille un infirmier par jour?
Un infirmier de garde travaille en moyenne 14 h par jour. Dans des maisons d’accouchement en milieu rural, il existe des infirmières qui travaillent 24 h par jour. Les heures de travail en plus ne sont pas indemnisées. Le seul secteur où des fonctionnaires assurent des heures supplémentaires sans indemnités, c’est la santé publique.
Vous vous plaignez donc de la charge de travail et de l’inexistence d’indemnités…
Et pas seulement ! Nous souffrons aussi du manque de moyens. Quand un patient vient dans une formation sanitaire, il voit en premier lieu l’infirmier. Or, comment cet infirmier peut lui dispenser des soins quand il manque de moyens ? Il est arrivé à des personnes de se présenter aux urgences et de ne pas trouver de seringue !
Que préconisez-vous dans ce sens?
L’amélioration des conditions de vie, de travail et la possibilité d’évolution de la carrière des infirmiers, ainsi que la révision de leur régime indemnitaire. La création d’une assise ordinale nationale qui dicte la déontologie de la profession. L’ouverture d’écoles de formation d’infirmiers où l’on décerne des diplômes aux lauréats. Le malade a le droit de recevoir des soins de qualité. Seuls les infirmiers formés sont en mesure de lui dispenser ces soins.
A propos de déontologie, certains infirmiers ont la manie de recevoir du bakchich. Est-ce une question de salaire ?
Le salaire des infirmiers répond à la grille qui est en vigueur dans la fonction publique. Un infirmier peut avoir l’échelle 6 et toucher 2.000 DH par mois, comme il peut atteindre l’échelle 11. Ce n’est pas une question de salaire, mais d’éducation. Et puis chaque infirmier sait à quoi se tenir quand il s’engage dans ce métier. Non ! La corruption est une gangrène qui n’épargne aucune profession au Maroc. Je ne vois pas pourquoi notre métier serait pointé du doigt plus qu’un autre.
L’infirmier bénéficie-t-il de bonnes conditions de soin quand il tombe malade ?
Cette question me touche très particulièrement, parce que j’en souffre chaque jour. Nous ne disposons pas de chiffres précis, mais le personnel infirmier est exposé au risque de contracter des maladies. Nombre d’infirmiers souffrent de l’hépatite C. Et quand ils se rendent dans un hôpital, ils suivent le même circuit que le malade. Leur blouse blanche ne leur apporte aucun avantage. Or, il faut un service social pour prendre en charge les infirmiers et leurs enfants. C’est le moins que les pouvoirs publics puissent faire pour des personnes qui oublient le risque dans leur dévouement aux autres.

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