«Le Roi Mohammed VI du Maroc fait partie d’un groupe d’investisseurs victimes d’un investissement malheureux à Macao». Mardi 27 octobre, une dépêche de l’agence de presse française AFP diffusait sur son fil économique cette information émanant de son bureau à Macao.
Une dizaine de lignes consacrées à relater quelques faits rapportés par le South China Morning Post, un quotidien de Hong Kong. Les faits, tels que relatés par l’agence française, sont simples : des investisseurs ont été victimes d’un placement malheureux et demandent à être indemnisés. Une information tout à fait banale et ordinaire dans le monde des affaires où le gain et la perte sont symétriques et nul ne peut être sûr de quel côté, un investissement peut-il basculer.
Surtout en période de turbulences économiques comme celle que nous vivons depuis le deuxième semestre 2008. Que le Souverain fasse partie des investisseurs qui ont perdu de l’argent dans ladite affaire est, certes, inédit, mais c’est une chose qui entre dans la pure logique de l’investissement. Cela arrive banalement chaque jour à des milliers d’investisseurs à travers le monde. Un mauvais placement, un intermédiaire maladroit ou de mauvaise foi, une catastrophe naturelle, une crise politique internationale, etc. sont des aléas qui peuvent changer le destin d’un placement. Toutefois, ces milliers de gros investissements hasardeux ne sont pas tous médiatisés de la même manière.
Ils passent inaperçus. Vue sous cet angle, la dépêche de Macao permet des suspicions légitimes.
Des doutes fondés. La parano n’est, certes, pas de mise mais la naïveté non plus. Une telle initiative a toujours un objectif inavoué. Entre l’objectif apparent et la cible réelle, il y a une distance stratégique que seule peut traverser une boule de billard en tombant dans un trou après avoir touché trois bandes. Et dans ce cas précis, on peut soupçonner l’existence d’une main cachée qui n’est pas toujours celle de Dieu.
Mais avant d’aller plus loin dans l’intelligence, la compréhension, de cet événement «exotique» , il est important de rappeler les faits tels qu’ils se sont réellement déroulés. La société Siger, société gérant les affaires royales, l’une des holdings marocaines qui a l’opportunité d’avoir réussi à se positionner à l’international comme l’un des investisseurs potentiels, décide de faire confiance, en 2008, à l’un des intermédiaires américains les plus introduits sur le marché asiatique. Sa mission était de diversifier les investissements de la holding. Et c’est dans ce cadre que le gestionnaire mandaté recommandera de faire confiance à l’un des industriels du tourisme chinois les plus remarquables sur la place mondiale : David Chow, l’un des milliardaires de la nouvelle Chine. Un marché où tout investisseur avisé, de la côte ouest américaine au sud-est asiatique, désire s’installer. Siger ne pouvait pas rester en retrait par rapport à cette tendance mondiale. Selon les spécialistes, l’erreur ce n’est pas d’avoir essayé, l’erreur aurait été de ne pas le faire. Le choix de la holding marocaine s’est porté sur David Chow pour une simple raison : l’homme venait de réussir l’une des opérations les plus brillantes de l’année 2008 : le «Legendale Hotel» de Pékin, qui a accueilli et émerveillé les 22 chefs d’Etat qui ont assisté à l’ouverture des Jeux olympiques de Pékin. Un hôtel qui a aussi fasciné les membres des délégations officielles de 56 pays qui y ont séjourné pendant le déroulement de l’événement. A l’époque, David Chow était sur un autre projet aussi grandiose que le «Legendale Hotel» de Pékin. Il travaillait sur l’introduction en Bourse du Fisherman’s Wharf, un parc d’attractions géant situé sur l’île de Macao. Toutefois, les décideurs de la holding marocaine vont se rendre compte, quelques mois après, que le projet en question comportait, outre son parc de jeux et les hôtels y afférents, une partie dédiée aux jeux de hasard. Ce qui est contraire à la charte d’éthique de l’investisseur marocain comme le rappelle solennellement un communiqué de Siger. L’incompatibilité entre les lignes d’investissement de la holding et certains secteurs d’activité du Fisherman’s Wharf étant constatée, la décision de se retirer dudit investissement est notifiée, en décembre 2008, par la direction générale de Siger au gestionnaire mandaté. L’affaire étant close sur le principe, il fallait attendre l’accomplissement des formalités d’usage relatives à l’introduction en Bourse, promise par les gestionnaires de la société «Macau Legend» propriétaire du Fisherman’s Wharf. Ce qui allait permettre une sortie normale du capital dudit projet. Les procédures d’usage sont en cours entre les trois protagonistes de l’affaire, à savoir la holding marocaine, le gestionnaire mandaté et les dirigeants de «Macau Legend».
L’information finira par surgir soudain et fera le tour du monde pour atterrir normalement dans les rédactions marocaines par le truchement d’une dépêche d’agence. Un fait qui suscite beaucoup d’interrogations sur son timing et sur sa pertinence dans une affaire où de gros arbitrages financiers sont attendus sous forme de dédommagement. Les relations entre les investisseurs et le Fonds n’étant pas au beau fixe. D’autant plus que le modus operandi est connu. On peut peser sur des négociations par voie de presse au mieux des intérêts de ceux qui organisent les fuites vers les médias. On peut aussi vouloir gêner politiquement un des partenaires illustres de l’affaire en divulguant son nom. Ce procédé, on l’a déjà vu appliqué dans d’autres circonstances. Un effet de boucle. Un journal publie une information qui est reprise «innocemment» par une agence avant d’être exploitée par ceux qui en sont à l’origine pour en faire l’usage attendu d’eux par ceux qui les actionnent et ainsi de suite. C’est vicieux mais ça marche. Les adversaires traditionnels du nouveau règne marocain sont connus. A l’intérieur et à l’extérieur. Les proches et les moins proches. Les voisins et les supposés alliés. Dans la famille et en dehors de celle-ci. Ce n’est pas la première fois où la tentative est faite de vouloir faire, par les procédés les plus douteux, des affaires légitimes du chef de l’État des affaires d’Etat. D’ailleurs, ces tentatives sont même devenues, avec le temps, un marqueur éditorial classique dans la presse locale. Dans l’affaire de Macao, on soupçonne le même procédé sulfureux. Des pistes sérieuses permettent d’y voir la main des mêmes personnes qui reprennent du service afin de renouer avec des intrigues dont le pays se croyait débarrassé à jamais. Ils veulent, hélas, ramener le pays dix ans en arrière.
Trois éléments qui promettaient un bon investissement
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