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Réforme : La justice face à l’épreuve constitutionnelle

Les propositions pour la réforme de la justice fusent. Entre partis politiques, ONG, centrales syndicales et différentes institutions, Abdeltif Mennouni, président de la Commission consultative de révision de la Constitution (CCRC), a reçu de multiples suggestions pour réformer un secteur au cœur de la nouvelle Constitution. Au cours des deux dernières semaines, la CCRC a recueilli les propositions des partis politiques (Voir page 5) et des centrales syndicales.
Il faut noter que le PJD est le seul parti à avoir proposé, dans son mémorandum pour la réforme constitutionnelle, que Sa Majesté le Roi ne doit pas présider le Conseil supérieur de la magistrature. Dans ce sens, Abdelilah Benkirane, secrétaire général du PJD, avait affirmé lors de la présentation des grandes lignes du mémorandum de son parti sur la révision de la Constitution que «la conception du PJD au sujet de la réforme constitutionnelle est inspirée des fondements historiques et politiques du Maroc, à savoir le référentiel islamique, la monarchie basée sur la légitimité religieuse et la décentralisation élargie qui accorde aux citoyens les possibilités d’autogestion».
Et de poursuivre : «les propositions du PJD soumises à la Commission consultative de révision de la Constitution portent notamment sur la consécration d’une monarchie démocratique basée sur Imarat Al-Mouminine, avec comme objectifs la préservation des acquis historiques, la défense de l’unité et la stabilité du pays». Ainsi, c’est dans ce sens que le Parti de la justice et du développement a insisté sur la promotion de l’autorité judiciaire et la consécration de son indépendance en attribuant la présidence du Conseil supérieur de la magistrature au premier président dudit Conseil. Et dans le même sens, sur la révision des dispositions constitutionnelles relatives à la composition du Conseil, tout en conférant au statut régissant le personnel de la justice le caractère d’un texte réglementaire assujetti au contrôle du Conseil constitutionnel avec l’octroi aux juges le droit de constituer des associations professionnelles pour défendre leurs intérêts.
Dans un entretien accordé à ALM (Voir page 9), Mustapha Ramid, avocat et membre du secrétariat, déclare que «la réforme de la justice nécessite la volonté politique de l’Etat». Et de poursuivre : «le PJD a proposé, dans son mémorandum pour la réforme constitutionnelle, que le Conseil supérieur de la magistrature soit présidé par le président de la Cour suprême nommé par Sa Majesté le Roi». Pour sa part, Mohamed Aujjar, membre du bureau exécutif du RNI et ancien ministre des droits de l’Homme, estime que la Constitution n’est pas capable, à elle seule, de régler tous les problèmes de la justice (Voir page 8). Aussi, à la question de savoir si Sa Majesté le Roi doit présider le Conseil pour des raisons de recours, M. Aujjar a souligné que «la question ne pose pas de problème particulier. Les jugements des tribunaux sont rendus au nom de Sa Majesté le Roi et pourtant les justiciables ont le droit de recourir à la Cour d’appel et à la Cour suprême contre ces jugements». S’agissant des autres partis une certaine ressemblance dans les propositions, insistant sur l’indépendance de la justice et sur la présidence de Sa Majesté le Roi au Conseil supérieur de la magistrature.
Dans ce sens, on relève dans le mémorandum du Parti de la liberté et de la justice sociale la proposition que le Conseil supérieur de la magistrature intègre parmi ses membres un magistrat élu par le Conseil supérieur de la magistrature en tant que vice-président du Roi qui assure la présidence de ce Conseil ainsi que deux bâtonniers élus en tant qu’observateurs. Pour sa part, le Parti travailliste a proposé que la représentativité au sein du Conseil supérieur de la magistrature comporte plusieurs institutions et instances tels le Conseil national des droits de l’Homme, l’Institution du Médiateur, l’Ordre des avocats du Maroc ainsi que des personnalités juridiques indépendantes. Mardi 12 avril, la CCRC a écouté les propositions des associations pour la réforme de la justice. Le président de l’Observatoire marocain des prisons (OMP), Hammadi Mani, a indiqué que les amendements proposés par l’Observatoire portent notamment sur l’intégration de juges dans la composition du Conseil supérieur de la magistrature. Mais également sur l’institution de Conseils régionaux de la magistrature afin de contribuer à la gestion des affaires judiciaires au niveau régional.
Aussi, l’OMP a présenté des propositions concernant la mise en place d’une instance supérieure de la politique pénale. Cette instance doit être composée, selon l’OMP, des juges, de représentants de l’administration générale de la Sûreté nationale, de la gendarmerie, de la délégation générale de l’administration pénitentiaire, de magistrats de la Cour suprême et des Cours d’appel avec la participation du ministre de la Justice afin de se pencher sur tout ce qui a trait à la politique pénale.
L’OMP a également proposé la constitutionnalisation de l’indépendance de la justice et des juges. Pour sa part, le président de l’Amicale Hassania des magistrats, Abdelhak Elaiassi, a indiqué que son instance propose que Sa Majesté le Roi préserve la présidence du Conseil supérieur de la magistrature, en sa qualité de garant de l’indépendance de la justice. L’Amicale recommande également d’exclure toute personne étrangère à la profession de la composition du Conseil supérieur de la magistrature. Sur un autre niveau, le président de l’Association des barreaux du Maroc, Abdeslam Bakkioui, a indiqué que les propositions présentées par son instance préconisent que le pouvoir judiciaire doit avoir la place qui lui échoit parmi les pouvoirs législatif et exécutif. Le barreau propose la constitutionnalisation de la criminalisation, de toute intervention dans les attributions du pouvoir judiciaire et de tout recours à l’argent et au trafic d’influence.
Les propositions portent également sur la composition et les modalités de désignation des membres du Conseil supérieur de la magistrature qui doivent être élus et non nommés. L’élection du premier président et du vice-président par les juges, la représentation de la femme au sein du Conseil, l’élargissement de sa composition à travers l’intégration de personnes et d’instances réputées pour leur compétence et leur probité, la primauté des conventions internationales sur les lois nationales, l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité et la fin de l’impunité.
Par ailleurs, Abdellatif El Hatimi, président de l’Association marocaine de défense de l’indépendance de la justice, a indiqué que la nouvelle Constitution doit garantir la séparation des pouvoirs et l’indépendance de la justice, affirmant que Sa Majesté le Roi doit préserver la prérogative de garant de l’indépendance de la justice. Il a, d’autre part, préconisé que le Conseil supérieur de la magistrature soit constitué également de juges représentant les juridictions administratives et commerciales, de lui accorder toutes les prérogatives relatives à la justice et de ne pas intégrer le ministre de la Justice dans la composition du conseil.

Des plans intégrés signés Mohamed Naciri
Les programmes de la réforme de la justice couvrent divers niveaux notamment institutionnel et organisationnel. C’est ce qu’a déclaré le ministre de la Justice, Mohamed Naciri en réponse à une question orale à la Chambre des représentants sur la réforme de la justice, mercredi 13 avril à Rabat. Dans ce sens, le département de M. Naciri a élaboré des plans intégrés consacrant la profondeur stratégique de cette réforme. Ainsi, concernant le volet institutionnel, M. Naciri a précisé, dans une réponse lue en son nom par le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, que les programmes en question visent, entre autres, à renforcer les garanties de l’indépendance de la justice. Mais, également, à moderniser le système juridique, mettre à niveau les structures judiciaires et administratives, outre la consolidation de la moralisation de la vie publique et la promotion de la formation. S’agissant du plan organisationnel, les programmes du ministère ambitionnent la réalisation de résultats tangibles au bénéfice des citoyens en assurant les conditions d’un procès équitable, une justice efficiente et de proximité, la simplification des procédures judiciaires et l’amélioration des services offerts. Ainsi, pour atteindre ces objectifs, M. Naciri a indiqué que le ministère a élaboré 28 projets de lois et de décrets touchant divers aspects liés à la justice. Il a expliqué que parmi ces textes certains ont déjà été adoptés et entrés en vigueur alors que d’autres sont soumis au Parlement ou le seront ultérieurement. M. Naciri a rappelé dans ce cadre l’adoption, lors du dernier Conseil des ministres, de projets de lois relatifs à l’organisation judiciaire du Royaume et à la révision des Codes de procédure civile et pénale, mettant en exergue l’importance que revêtent ces textes qui sont en étroite relation avec le projet de la réforme de la justice.

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