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Réformes : Comment le Mouvement du 20 février a perdu son autonomie

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Près de quatre mois après sa naissance, le Mouvement des jeunes du 20 février subit l’influence de plus en plus remarquable de la mouvance islamiste Al Adl Wal Ihssane et du parti de l’extrême gauche Annahj Addimocrati. Dès son lancement, ce Mouvement de protestation a plaidé pour des réformes politiques, économiques et sociales. Un cahier revendicatif qui ne cesse de changer au gré des diktats des islamistes et des gauchistes. Les jeunes militants de Facebook sont de plus en plus relégués au deuxième plan face à Al Adl Wal Ihssane et Annahj Addimocrati. Les agendas politiques des islamistes
de Cheikh Yassine et des gauchistes de Abdellah El Harrif l’emportent désormais sur la voix des jeunes. Les manifestations du Mouvement du 20 février ayant eu lieu, dimanche 8 mai, dans différentes régions du Maroc apportent les preuves de ce constat. Les islamistes et les gauchistes, fortement présents lors de ces marches, ont tenu à mettre en valeur leurs idéologies et leurs projets politiques radicalistes qui sont en contradiction avec le processus de réforme enclenché au Maroc et qui vise à faire entrer le pays dans une nouvelle ère démocratique et de modernisation. L’ardent militantisme des jeunes a, ainsi, cédé la place à la manipulation et à l’exploitation politicienne. Une situation où des risques de dérapages pourraient naître des attitudes irresponsables des uns et des autres. Les réactions recueillies par ALM s’accordent pour affirmer qu’il existe au sein du Mouvement
du 20 février des parties qui cherchent à le récupérer pour atteindre leurs propres objectifs. Ce ne sont pas uniquement les observateurs neutres qui le disent mais aussi certains membres du Mouvement qui sont conscients du danger qui guète le 20 février. «Le Mouvement du 20 février risque de se perdre entre trois trois grands courants. D’un côté, il y a Annahj Addimocrati, parti de la gauche radicale, qui croit toujours aux valeurs de la révolution bolchevique qui remontent à cent ans. D’un autre côté, il y a la mouvance Al Adl Wal Ihssane qui tient à des idées chimériques et veut instaurer la Khilafa dans le Maroc. Le troisième courant, pour sa part, qui est le plus dangereux, est celui qu’on ne connaît pas. Il s’agit d’une main invisible qui tire le Mouvement vers l’inconnu. Ce dernier constitue, d’ailleurs, un acteur très fort», confie Hocine Abenkcer, usfpéiste, membre du Mouvement du 20 février-section Casablanca (voir entretien page 7). «Pour éviter les dérapages, je pense que chaque composante du Mouvement du 20 février peut faire exprimer ses propres idées et positions à travers ses propres canaux loin du Mouvement. Pour préserver l’unité, la continuité et la popularité du Mouvement du 20 février, il faut respecter son autonomie», souligne, pour sa part, Ali Fkir, membre de l’AMDH et membre du Mouvement du 20 février-section Mohammedia (voir entretien page 6). Même son de cloche auprès de Khadija Rouissi, présidente de Bayt Al-Hikma. «Ce Mouvement risque de perdre son autonomie s’il ne prend pas en compte certains agissements en son sein. Il est important de relever que dans certaines villes, le Mouvement est victime des visées de certains groupuscules extrémistes. C’est notamment le cas à Fès, Marrakech, Rabat… Certains groupes non démocrates souhaitent diriger le Mouvement», souligne-t-elle (voir entretien page 5). «Le danger réside dans le fait qu’il n’y a pas une compatibilité entre les différentes composantes du Mouvement du 20 février. Les adhérents s’unissent dans la forme de la protestation mais pas dans le contenu», explique, pour sa part, Abdelkader Elkihel, secrétaire général de la Jeunesse istiqlalienne (voir entretien page 6).
Aussi, le politologue Mohamed Darif estime que la mouvance Al Adl Wal Ihssane investit politiquement
dans les manifestations du 20 février. «La crainte de voir le Mouvement du 20 février récupérer par certaines parties ne date pas d’aujourd’hui. Depuis le premier appel à la manifestation le 17 janvier dernier, on a commencé à exprimer cette inquiétude. On a bien vu que suite à cet appel, plusieurs associations avaient exprimé leur soutien au Mouvement qui prendra par la suite le nom du 20 février, en plus de certains partis de gauche et Al Adl Wal Ihssane. Il y avait à l’époque deux principales tendances. Certains disaient qu’il fallait laisser ce Mouvement aux jeunes pour qu’ils puissent exprimer leurs positions et encadrer les citoyens dans le cadre de la revendication des réformes. D’autres, disaient, en revanche, qu’il fallait absolument apporter de l’aide à ces jeunes qui ne constituaient au départ que des groupes virtuels. Ainsi, le Mouvement a fini par obtenir le soutien de plusieurs parties», souligne M. Darif dans une déclaration à ALM. «La question qui se pose aujourd’hui est celle de savoir comment peut-on définir le Mouvement du 20 février? La réalité c’est qu’on ne peut pas définir le 20 février isolément des forces qui le soutiennent notamment Al Adl Wal Ihssane et la gauche radicale. L’amalgame a été accentué par le fait que ce Mouvement n’est pas une organisation mais un espace de manifestation», ajoute-t-il. «Ce que nous constatons actuellement c’est que le Mouvement perd son élan ces derniers temps. Les sit-in et les manifestations par million de personnes n’ont finalement pas eu lieu. Nous n’avons plus que des manifestations qui se tiennent une fois chaque mois. En plus, les slogans scandés diffèrent selon les villes. Cette perte d’élan s’explique par le fait que certains jeunes ont été convaincus par le processus de réforme en cours. D’autres qui voulaient la reproduction du scénario égyptien au Maroc ont été persuadés par les drames en Libye et en Syrie et veulent désormais que les réformes aient lieu tout en ne remettant pas en cause la stabilité du pays. Or, cette perte de vitesse n’est pas de l’intérêt d’Al Adl Wal Ihssane. C’est ce qui explique sa descente en force dans la rue ces derniers temps dans le cadre du Mouvement du 20 février, notamment
à Fès. Al Adl a ainsi scandé des slogans se rapportant à son idéologie. Pour ne pas dire récupération
du Mouvement, on peut dire qu’Al Adl fait des investissements politiques lors des manifestations
étant la première force lors des manifestations», précise M. Darif.

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