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Réponse aux intellectuels espagnols

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Quatre écrivains, illustres inconnus de l’avis de plusieurs hispanologues  – parlant au nom de cinq cent autres, prétendent-ils – ont répondu à l’appel des intellectuels marocains publié le 17 juillet dans le quotidien El  Pais et le lendemain dans la quasi-totalité des quotidiens marocains.
Rappelons les faits. Ces mêmes intellectuels espagnols, toujours sur les colonnes d’El Pais, avaient interpellé le gouvernement de Madrid. Ils lui commandaient de faire fi de la souveraineté marocaine au Sahara ainsi que de son administration. Ils le sommaient également d’œuvrer à la mise du territoire sous tutelle internationale de même qu’ils l’invitaient à exiger de Rabat de permettre à toute personne désireuse de manifester sa solidarité avec les séparatistes de s’y rendre en toute liberté. Pas moins.
En guise de réponse, plus de deux cent cinquante intellectuels marocains -écrivains, penseurs, artistes peintres, musiciens, cinéastes, hommes de théâtre… dont l’ensemble des noms a été rendu public- ont lancé à leurs homologues un appel publié en Espagne par un achat d’espace dans El Pais.
Sans fard ni fioriture et avec beaucoup de sincérité, ils les ont mis en face de leurs incohérences et de leur inconséquence. Les signataires du texte marocain ont appelé les intellectuels espagnols  « à plus de conséquence et à une mise en cohérence de leurs principes. Il n’est pas, en effet,  admissible de combattre le séparatisme en Espagne et de le soutenir au Maroc. Il n’est pas juste de  dénoncer un prétendu fait colonial marocain au Sahara et valider, en une appréciation inique, le colonialisme espagnol en terre marocaine à Sebta et Mellilia. Il n’est pas non plus recevable de ces intellectuels espagnols de faire corps autour de l’hispanité du Rocher de Gibraltar et de ne donner aucune suite au dialogue que les Portugais veulent ouvrir sur le territoire d’Olivença, en en revendiquant la souveraineté en vertu du Traité de Vienne de 1815, par lequel l’Espagne  s’est  engagée à  le rendre au Portugal».
De l’eau de roche que les quatre illustres inconnus tentent de polluer par une réplique à la mesure de leur duplicité. Rien sur le fond, tout sur la touche où ils ont préféré se positionner pour jouer à colin-maillard afin de ne voir la réalité que les yeux bandés pour mieux ne pas la reconnaître.
Pêle-mêle et pour la cause, ils brandissent Ali Lmrabet et ses turpitudes, Abdellatif Laâbi qui a la cote  à Castille depuis qu’il a écrit un poème poignant sur les victimes des attentats de Madrid, et 72% des Espagnols forts de leurs certitudes inculquées.  Mettre en avant le premier, cela va de soi pour eux. Utiliser l’immense poète, qui certainement mérite plus d’un prix et la nomination permanente aux oscars de la poésie, ne peut que désoler plus d’un ici. Mais arguer que 72% des Espagnols, selon un sondage, favorables à l’indépendance du Sahara est un argument que l’on met dans la balance pour que les Marocains quittent le territoire, voici qui en dit long sur l’outrecuidance de ces intellectuels. Avec la même logique, ne pourrait-on pas croire qu’il suffirait que demain 70% des Chinois soutiennent les 100% de Marocains qui attendent la libération de Sebta et Mellilia pour que l’Espagne quitte les deux villes occupées ?
Visiblement, on résonne plus qu’on ne raisonne sur la côte nord de la Méditerranée occidentale. Et c’est précisément à cette résonance et à ces arguments creux que les intellectuels marocains ont décidé de s’attaquer. Sans doute, ont-ils adressé leur appel à leurs homologues espagnols. Mais sans illusion. Lorsque des hommes de gauche bon teint et des centristes de qualité se laissent mener par un attelage d’extrême droite et d’extrême gauche, on ne peut s’attendre qu’au piétinement des règles basiques du débat intelligible.  D’où pour nos intellectuels le besoin de s’adresser par-dessus la tête de cette partie de l’intelligentsia espagnole, directement à l’opinion publique de nos voisins du Nord. Un moyen comme un autre de briser le black out auquel est assujetti le point de vue marocain. Une façon comme une autre de faire face aux contorsions intellectuelles d’une élite hermétique à l’interpellation intelligente. Un procédé comme un autre de contrecarrer la manipulation des faits, la censure que subit l’information marocaine, la désinformation dont est souvent objet le Maroc.
Ils ont l’air fin, les quatre illustres inconnus qui se gaussent de l’achat, pour la somme de 310 000 DH  d’un espace pour la publication de l’appel. Sans ce rendre compte que c’est là où le bât blesse. Sans penser un seul instant que c’est la démonstration même de l’étanchéité de l’espace médiatique espagnol à tout ce qui vient du Maroc. Que c’est l’illustration personnifiée de ce que leur reprochent leurs homologues d’ici. Que des intellectuels marocains soient contraints de cotiser pour se faire entendre ne les trouble guère. Pourtant cela n’honore en rien la démocratie espagnole, ne relève d’aucune manière et de quoi que ce soit l’ouverture à l’autre et sur l’autre. Bref, limite atrocement la portée de leur discours sur la liberté dont ils se font les chantres.
On peut parler du nous comme d’un pays en transition démocratique, certains sont en droit, le point de vue peut se défendre, d’assurer qu’on en est pas encore tout à fait à ce stade, mais qui peut sans risquer le ridicule prétendre qu’il n’y  a pas de liberté d’expression au Maroc ? Ces intellectuels espagnols bien sûr, qui insinuent que l’appel des intellectuels marocains ne serait pas le reflet de la liberté d’expression au Royaume, en exprimant, sur un ton qu’ils veulent perfide,  l’espoir qu’il  en est ainsi. Technique éculée, flagrante, mais qui rend bien l’esprit de nos amis et éclaire sur leurs méthodes.
Dépouiller le contradicteur de toute volonté propre, le réduire à l’état de marionnette et in fine déclarer, en toute bonne conscience, son argumentaire irrecevable.
Mais en matière de supercherie il y a mieux.  Ils invitent leurs homologues marocains à une table ronde avec la participation des gens du Polisario.
Généreuse intention qui pave le chemin de la manipulation à la tire. On décide d’une rencontre, on lui fixe un ordre du jour, on lui trace son cadre, on en arrête les conclusions et on  prie les Marocains de passer pour leur subtiliser la caution. C’est gentil, mais c’est non, merci. La réponse des intellectuels marocains sera fort probablement qu’ils préfèrent continuer à payer des achats d’espace dans la presse espagnole. Ce n’est certainement pas El Pais qui s’en plaindrait.

Par Naïm Kamal

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