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Révélations explosives de Mohamed Bouzoubaâ

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ALM : Il y a quelques semaines, vous nous aviez confirmé l’inexistence d’opposants à votre réforme de la justice. Aujourd’hui, les choses ont-elles changé ?
Mohamed Bouzoubaâ : En fait, nous ne pouvons pas parler d’une véritable opposition à la réforme au sein du corps des magistrats. Après les arrestations et les poursuites engagées contre certains magistrats dans le cadre de l’affaire Erramach, une poignée de juges ont lancé une campagne contre ces arrestations. Il s’agit, exactement, de cinq magistrats appartenant à l’Association pour la défense de l’indépendance de la Justice. Ils ont distribué une pétition dans laquelle ils manifestent leur opposition aux arrestations et aux poursuites contre les juges impliqués dans l’affaire Erramach. J’estime que c’est une manière grave d’influencer le jugement.
Qu’en est-il exactement de cette Association pour la défense de l’indépendance de la Justice ?
Quand je suis venu au ministère de la Justice, j’ai découvert l’existence de cette association. Une chose est sûre: en adhérant à cette association, les cinq magistrats qui y sont membres enfreignent gravement les dispositions légales. Puisque les articles 14 et 15 de leur statut sont clairs la-dessus. Les juges ont un statut particulier, ils n’ont pas le droit de se syndicaliser.
Comment considérez-vous la pétition rédigée par ces magistrats ?
Le premier instigateur de cette campagne de blocage de la réforme et le rédacteur de la pétition n’est autre qu’un membre du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Normalement, il est tenu de respecter l’obligation de réserve qui caractérise son statut de membre du CSM. Car, justement, il sera appelé, dans le cadre d’un conseil de discipline, à prendre une décision à l’encontre des magistrats poursuivis dans l’affaire Erramach. Or, il conteste la légalité même de ces poursuites. C’est assurément, une façon d’influencer le cours du jugement. A ce titre, je tiens à préciser que même le Parlement ne peut pas se saisir d’une affaire en cours de jugement. A fortiori les magistrats eux-mêmes.
Combien de juges ont signé cette pétition ?
Je pense, qu’en tout et pour tout, une quarantaine de magistrats l’ont signée. Mais je tiens à préciser que plus d’une vingtaine d’entre eux m’ont envoyé, de manière tout à fait spontanée de leur part, des lettres dans lesquelles ils retiraient totalement leur signature. Ils expliquent qu’ils ont été dupés par le rédacteur de la pétition qui a abusé de son statut de membre du CSM. Cette pétition est également condamnable car elle a pour but de créer une zizanie au sein du corps judiciaire.
Quelle mesure avez-vous prise à l’encontre de l’instigateur de la pétition ?
C’est SM le Roi Mohammed VI, en sa qualité de président du Conseil supérieur de la magistrature, qui a donné ses instructions pour que ce membre soit suspendu. Le CSM a également désigné un rapporteur qui remettra son rapport au conseil de discipline. En d’autres termes nous n’allons pas nous laisser intimider.
Quels sont, selon vous, les soubassements de toute cette campagne contre vous et contre la réforme que vous voulez réaliser ?
Je n’écarte aucune éventualité. Il ne faut pas oublier que les juges poursuivis sont impliqués dans une affaire de corruption liée à la mafia du trafic de drogue. Je soupçonne que ceux qui les soutiennent, veulent lancer une véritable campagne pour faire pression sur les juges chargés de l’affaire. Le lobby qui tire les ficelles de cette campagne pense qu’avec l’argent on peut acheter tous les policiers et tous les juges. J’ai été également surpris de voir que des avocats, aussi, sont partie prenante dans cette campagne. Je me demande comment se fait-il qu’ils se portent volontaires pour défendre les juges arrêtés dans l’affaire Erramach. Ils sillonnent le Maroc pour contacter des magistrats et leur faire signer la fameuse pétition. C’est le cas de Me Wahbi, le premier à avoir entamé cette campagne.
Pour quelle raison, à votre avis, Me Wahbi, au demeurant un homme respectable, se serait-il lancé à corps perdu dans cette campagne ?
Vraisemblablement, il veut se rapprocher des magistrats d’une manière ou d’une autre, pour gagner leurs faveurs. Tout cela dans le but de faire passer d’autres dossiers. J’estime sérieusement que c’est une sorte de corruption. Son attitude est contraire à la déontologie et aux us de la profession des avocats. J’ai également été surpris de l’attitude d’un ancien membre du cabinet de l’ancien ministre de la Justice, Abdelkader Chaoui. J’ai l’impression qu’il a monté son journal uniquement pour s’attaquer à moi et à la réforme que j’ai lancée. Lui-aussi est certainement lié au lobby que j’ai attaqué au sein du ministère de la Justice.
Qu’est-ce qui dérange dans votre réforme ?
Je suis conscient que dans toute réforme, on est toujours confronté à une résistance. Et pour cause, j’ai effectué plusieurs changements dans les postes de responsabilité. J’ai commandé un audit sur la gestion des oeuvres sociales et du fonds spécial. Beaucoup d’irrégularités ont été relevées, j’ai donc enlevé la signature au directeur du budget. Le rapport est actuellement chez le Premier ministre. Pour ce qui est des déclarations des biens, légalement, les juges sont tenus de les faire. Après avoir découvert d’énormes sommes d’argent dans les comptes bancaires des juges impliqués dans l’affaire Erramach, il est devenu nécessaire de mettre à jour ces déclarations sur les biens pour l’ensemble des magistrats.
Après tout ce tapage, allez-vous freiner votre réforme au sein de votre ministère ?
Absolument pas. Je ne me laisserais pas intimider et influencer par ces trublions. Le programme de réforme suivra son cours normal, jusqu’à la fin. Je bénéficie de la confiance totale de SM le Roi Mohammed VI qui a toujours insisté sur l’assainissement de l’appareil judiciaire afin d’accompagner le développement socio-économique du pays. Je tiens à préciser un aspect très important. Les chantiers de réforme ne peuvent être conduits que par les juges eux-mêmes. A ce titre, je vous assure que l’écrasante majorité des juges sont intègres et honnêtes. Les juges pourris ne représentent qu’une infime minorité.

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