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Revendications illégitimes

Après avoir passé plus d’un an d’activités régulières dans les nouveaux abattoirs, les chevillards font savoir que cette situation ne les arrange guère. Ils observent une grève depuis plus de quatre jours. Pourtant, les nouveaux locaux sont très modernes et répondent aux normes internationalement requises, notamment côté rigueur, contrôle et hygiène. Les chevillards propagent une rumeur aussi fausse que nuisible : l’abattage ne répond pas à l’immolation selon les notions musulmanes. Autrement dit, la viande consommée par les Casablancais est « haram ». Mais ils le disent après quatorze mois de travail régulier. Cependant, le revers de la médaille révèle l’autre aspect de l’affaire, les véritables motifs de ce bras de fer annoncé. Ils ne sont pas tous d’accord avec cette grève mais c’est une grande majorité qui soutient ces revendications. Selon un chevillard, qui n’est pas d’accord sur la tournure que prennent les choses, le problème réside dans certaines mauvaises habitudes instaurées durant de longues années. La corruption a été pendant longtemps le mot d’ordre dans les anciens abattoirs. Que ce soit au niveau du pesage, des taxes ou encore en ce qui concerne les ventes des peaux. En soudoyant l’employé chargé du pesage que l’on appelle « moul mizane », les chevillards faisaient ce qu’ils voulaient. Par exemple, pour le pesage, ce qui figure sur les étiquettes ne reflète pas la réalité. Au lieu des dix tonnes qu’ils font peser, ils ne payent la taxe que sur trois tonnes. Vingt bêtes sont taxées alors que le chiffre exact dépasse la cinquantaine et ainsi de suite. Les peaux des bêtes abattues sont récupérées d’habitude par des sociétés qui se font représenter par des intermédiaires. Selon les moeurs des anciennes installations, certains individus chargés de représenter les sociétés intéressées par les peaux sont régulièrement corrompus par les chevillards. Et de ce fait, la quantité des peaux qui est déclarée est automatiquement multipliée par deux. Les sociétés payent ainsi le double de ce qu’elles reçoivent. Ce qui facilitait ces manigances, c’est que les livraisons de peaux ne se faisaient que périodiquement, alors que les achats avaient lieu chaque jour où il y a abattage. Dans les anciennes installations, la complaisance des responsables se faisait sentir également au niveau du contrôle vétérinaire. En somme, les chevillards qui avaient beaucoup d’argent étaient groupés dans une sorte de lobby informel pour mettre la main sur la totalité du circuit des viandes depuis l’abattage jusqu’à la vente en détail. Toutes ces mauvaises habitudes ont été bannies dans les nouveaux abattoirs. Le contrôle est aussi systématique que rigoureux. La quantité déclarée est entièrement payée jusqu’au dernier centime et chaque pesage est taxé, avec une extrême vigilance de la part des employés des abattoirs. Pourquoi les choses ont-elles dégénéré de cette façon en cette période précise ? C’est la question que se posent de nombreux observateurs. La réponse est simple répond le vieux chevillard qui n’est pas d’accord avec le comportement de ses congénères. En période de sécheresse, le coût des bêtes est très bas car les agriculteurs et les éleveurs cherchent à se débarrasser d’un bétail qu’ils ne peuvent nourrir en raison du manque effroyable du fourrage et de la nourriture d’une façon générale. Ce qui n’est pas le cas cette année. Cette saison a été très pluvieuse, et par conséquent, aucun éleveur ne céderait ses bêtes si le prix n’y est pas. Il se permettrait de garder son bétail aussi longtemps qu’il le jugerait nécessaire. Le temps que les « cours » changent par exemple. D’un autre côté, les grévistes savent pertinemment que cette pénurie fait prospérer l’abattage clandestin dont ils sont les premiers bénéficiaires. Il ne faut pas se leurrer en les voyant se plaindre des pertes que leur cause ce qu’ils aiment appeler le fléau du « marché noir », car ils sont les mieux placés pour savoir comment distribuer cette viande en noir sans que les autorités compétentes ne s’en aperçoivent. Ceci étant, il existe quand même une catégorie qui souffre injustement aux nouveaux abattoirs. Les vendeurs des abats. Dans les anciennes installations, ils avaient un espace qui leur était entièrement consacré et travaillaient selon les normes. Et quand ils n’arrivaient pas à écouler coeur, foie et tripes, ils avaient droit à un espace dans les installations frigorifiques. Ce n’est plus le cas dans les nouveaux abattoirs où ils sont obligés de vendre leurs produits à n’importe quel prix. En conclusion, le secteur doit être restructuré et suivi de très près par les autorités compétentes, autrement ce sera la débandade totale.

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