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“Rhafes manque de courage”

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ALM : Tout le monde pense que le poulpe est menacé, qu’il devient de plus en plus rare. En tant qu’opérateur, comment voyez-vous la situation ?
Omar Akouri : Ce problème ne date pas d’aujourd’hui. La ressource halieutique s’est réellement dégradée avec l’avènement des gouvernements de l’alternance. Les ministres politiques qui se sont succédé depuis dans ce département n’ont pas pris les mesures qui s’imposaient. Au lieu de s’occuper de la ressource, ils géraient plutôt leurs carrières. La technostructure est mise à l’écart, à l’image de l’INRH (Institut National des Recherches Halieutiques).
La surexploitation du poulpe est-elle aussi aiguë ?
C’est une réalité. On a tout fait pour mettre dehors la flotte européenne qui ne pêchait en moyenne que 12 000 tonnes de poulpe. Aujourd’hui, l’effort de pêche sur cette espèce avoisine les 40 000 tonnes. L’augmentation de cet effort de pêche a augmenté avec l’alternance. Les différents ministres politiques, n’ont pas pu gérer la situation contrairement à leurs prédécesseurs technocrates. On a toujours focalisé le problème sur les licences de pêche. Ce n’est pas là le problème. Il faut dimensionner l’effort de pêche en fonction des ressources. La licence, c’est comme une vignette. Le Maroc a l’opportunité de développer son secteur et d’en faire un investissement durable. L’objectif du département de tutelle doit être la pérennisation de la ressource.
L’impact des arrêts biologiques est-il positif ?
Aucunement. Dans leurs formes actuelles, les repos logiques ne servent à rien puisqu’il n’est appliqué que par les opérateurs organisés. La pêche illicite, elle, continue au vu et au su de tous. Aujourd’hui, tout le monde le voit, en plein arrêt biologique, on voit des camions chargés de poulpes qui circulent sans être inquiétés. Les produits de cette pêche illicite est reversé dans le circuit officiel. Moi je pense que vu la situation, ces arrêts biologiques ne servent à rien. Le ministre prend des solutions de facilité. Il doit aller au fond du problème.
Alors, quel est le fond du problème ?
Il faut arrêter réellement la pêche des poulpes. Les arrêts biologiques doivent concerner tout le monde, sinon il ne sert à rien de les décréter. La pêche côtière et artisanale continuent à opérer sans être nullement inquiétées. Si on veut vraiment protéger les poulpes, ce n’est pas ainsi qu’on procéderait. Mais le ministre de tutelle ne veut pas aller au fond ; Il faut des mesures draconiennes. Je pense que le ministre n’a pas suffisamment de courage pour prendre les mesures nécessaires. Les barques de la pêche côtière est un faux problème. Nous sommes (NDLR : la pêche hauturière) les seuls organisés, nous sommes imposés, taxés et nous respectons l’arrêt biologique. Nous avons consenti des investissements énormes.
Que réclamez-vous en définitive?
Nous sommes pour une vraie régulation de l’activité et l’identification des responsabilités. Aujourd’hui, n’importe qui peut le constater en se rendant dans les provinces du Sud, l’arrêt biologique est loin d’être appliqué. Le problème de la pêche ne peut être résolu qu’avec un gouvernement courageux capable de prendre des mesures pour l’intérêt de tous, sans calculs politiques. Dans son discours d’orientation, Sa Majesté avait dit clairement que les choses doivent être gérées indépendamment des élections. Or vous voyez, depuis trois ou quatre mois, on ne parle que des élections. La pêche en pâtit bien évidemment. Tous les problèmes sont en suspens. C’est une bombe à retardement.
Est-ce que le Premier ministre est au courant de la situation ?
S’il y a quelqu’un qui est conscient des problèmes de notre secteur, c’est bien le Premier ministre. En tant que ministre de l’Intérieur, il a eu à arbitrer entre nous et les syndicats. Donc il connaît réellement tous nos problèmes. On a quand même l’impression qu’il s’est empêtré dans les dysfonctionnements de son gouvernement. Les prérogatives de gestion et de régulation appartiennent certes au ministre de tutelle, mais les grandes décisions sont du ressort de la primature. Qu’est-ce qui l’empêche de faire face à nos problèmes qu’il connaît bien ? On a l’impression que le Premier ministre est bloqué. Quand il parle des priorités de l’économie nationale, il cite les textiles ou d’autres secteurs. La pêche aussi pèse lourd sur l’économie nationale puisque rien que la hauturière rapporte au pays 400 millions de dollars en devises. Cette branche d’activité assure 15 000 emplois directs et 40 000 indirects. C’est un secteur où l’investissement est lourd, très capitalistique. Un bateau coûte plus de 1 million de dollars.
Que pensent faire maintenant les professionnels pour se faire entendre ?
Nous allons nous mobiliser. Nous allons demander une entrevue avec le Premier ministre incessamment. En toute honnêteté, le ministre de la pêche est loin des réalités du secteur. D’ailleurs pour éviter cette situation, l’idéal serait de faire de la pêche un secteur de souveraineté. C’est l’une des rares activités capables de doper l’économie nationale. Nos provinces du Sud n’ont pas d’autres secteurs aussi mobilisateurs que la pêche. Actuellement tout est à l’abandon. Il y a des projets gelés par manque de suivi. C’est dommage de voir des investissements aussi lourds abandonnés à leur sort.

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