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Risque de dégradation des relations entre Madrid et Rabat

© D.R

Le Maroc et l’Espagne sont-ils condamnés à vivre dans un éternel conflit d’intérêts géopolitiques? La réponse à cette question, du côté marocain, est claire. Le Royaume a donné suffisamment de signaux, ces dernières années, sur sa volonté de faire du voisin du Nord un partenaire réel sur les fronts économique, politique et sécuritaire au lieu de rester figé sur la position géopolitique classique, devenue obsolète dans le monde actuel, qui consiste à considérer systématiquement ses voisins comme des ennemis conventionnels. Sur le front économique, la thèse marocaine est simple : construire ensemble un espace de développement conjoint qui bénéficiera aux deux parties. L’Espagne, après avoir atteint son pic de croissance, est en train de connaître une récession sans précédent. Pour s’en sortir, une seule issue est possible : trouver des espaces de développement au-delà de ses frontières. Le Maroc constitue de ce point de vue une solution et non pas un problème.
Sur le front politique, l’engagement du Maroc dans le processus de création de canaux de concertation politico-diplomatiques avec le gouvernement Zapatero a permis de réunir les conditions d’une entente politique palpable sur plusieurs dossiers. Aussi, plusieurs actions conjointes ont abouti à des résultats positifs grâce aux mécanismes de concertation mis en place à cet effet. Sur le plan sécuritaire, la mobilisation des services de sécurité marocains dans la lutte contre le crime transfrontalier sous toutes ses formes, de l’immigration clandestine au terrorisme en passant par les réseaux mafieux de trafic de drogue, a donné ses fruits et les deux pays affichent une satisfaction réelle à ce niveau.
Mais, du côté espagnol, peut-on dire que le regard porté sur le Maroc a changé ? Malheureusement, ce n’est pas le cas. A Madrid, il existe encore des attitudes réactionnaires dans les arcanes du pouvoir, réel et non apparent, qui ne veulent pas changer d’attitude et qui s’accrochent à des réflexes archaïques de réflexion et d’analyse. Pour eux, le Maroc est une menace et il faut toujours s’en méfier. Pour ceux qui soutiennent cette thèse, tout ce que le Royaume entreprend en matière de développement est une menace pour son voisin du Nord. Aussi, ils font tout ce qui est entre leurs mains pour contrer la volonté du gouvernement en place d’opérer un virage radical dans sa position traditionnelle à l’égard du Maroc afin de commencer à le regarder comme un partenaire et non pas comme un adversaire. Dans un pays démocratique comme l’Espagne, il est difficile pour le profane de croire que des attitudes de ce genre puissent exister. L’Espagne, dit-on, est gérée par un gouvernement civil élu démocratiquement et qui tient les rênes de sa politique étrangère. Hélas, ce n’est pas vrai. Certes, à la «Calle Serrano», où siège le ministère des Affaires étrangères, on gère les relations internationales de l’Espagne, mais, c’est dans un bâtiment sis rue «Padre Huidobro» où l’on oriente véritablement sa politique de voisinage. Il s’agit bien évidemment du CNI, (Centre national d’intelligence). Un département qui a su faire échouer toutes les tentatives de démilitarisation qui l’ont visé. La dernière avait été tentée par le gouvernement socialiste à son arrivée au pouvoir en 2004. Cela n’a pas marché. Zapatero a fini par céder et nommer un militaire de la vieille garde à la tête de ce service. En juillet 2009, il y a un an, le général Félix Sanz Roldán était nommé directeur général du CNI. Il débarque dans ce service après avoir été chef de l’état-major de la défense de 2004 à 2008. Nomination surprenante ! Une régression pour la plupart des socialistes convaincus. C’est comme si le pouvoir civil cédait, trente ans après la transition, et remettait les clés du pouvoir aux militaires. Le renseignement n’est-il pas à la base de toute action politique ? En l’espace d’une année, l’effet Sanz s’est fait sentir sur les relations maroco-espagnoles : multiplication des activités d’espionnage au Nord du Royaume, blocage dans la coopération sur certains dossiers sécuritaires, changement de la politique religieuse espagnole à travers le lancement de l’opération dite «Déracinement» qui consiste à contrer l’influence des Habous sur les Musulmans d’Espagne, etc. Sur le terrain, il a été enregistré, sous son mandat, des opérations de violation de l’espace maritime et aérien marocains, ayant un objectif d’espionnage. Des avions détectés par les radars marocains, un drone d’espionnage repêché dans les eaux maritimes marocaines, des vedettes militaires qui font des intrusions dans les eaux marocaines autour des présides occupés, etc. Des actes d’hostilité selon le droit international face auxquels le Maroc a toujours répondu par la retenue. Des connaisseurs du dossier résument l’action du général Sanz par une seule phrase : «il a ressorti la note de septembre 2000». En effet, en septembre 2000, une note des services d’intelligence espagnols alertait le gouvernement de son pays sur ce que ses rédacteurs avaient qualifié, à l’époque, de menace de sécurité nationale émanant du Maroc. C’est cette fameuse note qui avait été à l’origine du durcissement de la politique de l’ancien chef du gouvernement espagnol José Maria Aznar à l’égard du Maroc. Cette note de sécurité nationale affirmait que le Maroc préparait un plan pour récupérer les présides occupés en y créant une tension sécuritaire et une crise économique avant de lancer une occupation civile de la ville. Elle prétendait que le Maroc encourageait la création de cellules islamistes radicales tout en fermant les yeux sur le passage clandestin vers la ville occupée des intégristes recherchés par ses services, alors que c’est le contraire qui se produisait . La vigilance des services marocains rendait service – et continue à le faire –  à la sécurité espagnole. Le Royaume était accusé également de développer la région du Nord en la dotant d’infrastructures et de free-zones afin d’asphyxier Sebta et Mellilia. Au-delà de l’affirmation ridicule selon laquelle le Maroc tolérait le passage d’intégristes dangereux vers les villes occupées, et que les ténors du CNI semblent vouloir faire gober à leurs dirigeants civils, l’idée selon laquelle le Maroc développe ses régions du Nord juste pour préparer le terrain à une invasion des présides est, sans doute, l’une des plus saugrenues qu’un service de renseignements ait produites durant ce siècle.
Les problèmes qui surgissent entre les deux Royaumes notamment ces derniers mois sont dus à cette approche purement paranoïaque des dirigeants du CNI et de l’état-major de l’Armada espagnole. La combattre est la seule manière pour le gouvernement civil espagnol de pouvoir donner un tournant réel aux relations entre les deux pays. Toutefois, tant que des gens comme le général Sanz tiennent les rênes, ce sera très difficile. Il suffit de rappeler que ce général était, de 1966 à 1975, à la tête du Bataillon de formation des recrues à Laâyoune au Sahara marocain alors sous occupation espagnole. Qui formait-il aux arts de la guerre à Laâyoune ? Une question dont la réponse suffit à tout expliquer sur son attitude hostile à l’égard du Maroc.

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