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Saïd Lakhal : «Le cheikh est quasi-irremplaçable»

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ALM : Sachant que l’homme est âgé, quel impact aurait sa probable disparition sur Al Adl Wal Ihssane ?
Saïd Lakhal : Il faut d’abord savoir que la nature de l’organisation au sein de ce Mouvement est très différente par rapport à n’importe quel autre parti ou organisme politique. Al Adl Wal Ihssane est basé sur une doctrine religieuse héritée de la culture islamique et des cultures orientales anciennes. Une doctrine selon laquelle le Cheikh est l’unique source du savoir. Impossible pour les adeptes de chercher quoi que ce soit en dehors des prédictions du cheikh. Il s’agit d’une doctrine soufisme mais bien imprégnée par certains principes chiites ou le cheikh (appelé également le wali) est considéré comme étant continuellement en contact avec Dieu qui l’insuffle et le guide. Le cheikh est donc la seule source de savoir et en même temps il est la source de cette « soudure » qui garantit la préservation de la Jamaâ. S’il disparaît, les adeptes, quels qu’ils soient, ne trouveront plus Dieu, ni le chemin du paradis. Car il faut savoir que les gens de ce Mouvement, ne reconnaissent pas les Ouléma et les théologiens. Leur doctrine dit que ces derniers ne comprennent que le côté apparent des paroles de Dieu. Seuls les «awlia Allah», comme le cheikh, sont en mesure de comprendre le fond du Coran. La différence entre un Alem et un cheikh est la même que celle entre un être ignorant et un autre instruit. La doctrine de la Jamaâ est également basée sur une obéissance aveugle au Cheikh, car ce dernier est désigné par Dieu pour s’occuper de tous les gens et non seulement de la Jamaâ, et par conséquent, lui obéir équivaut exactement à un devoir fondamental de l’Islam comme la prière ou la zakate.
Est-ce qu’on peut évoquer une probable succession du cheikh de l’un de ses dauphins connus?
Il est certain que quelqu’un d’autre succéderait au cheikh après sa disparition. Mais ce n’est pas du tout la Jamaâ qui l’élirait ou le chargerait de porter le flambeau. C’est le cheikh lui-même qui désigne son propre successeur avant qu’il ne quitte ce monde pour poursuivre «le message ». et là se pose la question sur les critères du choix. Comment le cheikh choisirait-il son successeur ? D’abord il y a le critère fondamental relatif au degré de l’obéissance, de la soumission et de l’attachement à la personne du cheikh. Et puis il existe un autre critère que même le cheikh lui-même ne peut contrôler : c’est à quel point le coeur du cheikh tend vers l’heureux élu. Il désigne le candidat selon le niveau atteint et qui répond aux conditions religieuses à savoir son dévouement aux prières et autres cultes, puis sa présence presque permanente auprès du cheikh. Car plus il a passé du temps auprès de ce dernier, plus il acquiert la responsabilité divine. Personne à part le cheikh ne connaît son éventuel successeur. Mais il ne le dévoile pas par crainte de dissidence voire même d’un «putsch».
Quoi qu’il en soit, est-ce que le Mouvement serait prêt à intégrer le circuit en tant qu’organisme à l’image des autres partis politiques ?
C’est une probabilité à tenir en compte pour les raisons suivantes. Depuis la création de la Jamaâ jusqu’à nos jours, Abdessalam Yassine a toujours promis à ses adeptes qu’ils accéderaient au pouvoir et seraient appelés à des responsabilités, en leur fixant comme ultime rendez-vous, l’année 2006. Donc depuis toutes ces longues années, les adeptes aspiraient à cet objectif. Mais si la date fixée arrive et que rien ne se réalise, ils vont commencer à se poser des questions sur la véracité des prévisions du cheikh. Les recevait-il de Dieu ou il les annonçait-il de son propre chef?!
Donc sans Yassine, l’avenir du Mouvement demeure-t-il totalement précaire ou du moins abstrait ?
Tant que son successeur considérera que les oeuvres écrites de Yassine sont sacrées et insufflées par Dieu, il pourrait prolonger l’existence de la Jamaâ. Mais il sera obligé d’appliquer le contenu des oeuvres sus-citées devant les adeptes, en tant que porteur du « Secret » divin du cheikh. Par contre lui, il ne sera pas sacré comme son prédécesseur et ne pourra consolider sa position qu’en puisant sans limites dans les idées et directives du cheikh. Cependant, l’éventualité d’un effritement de la Jamaâ est très faible. Les adeptes savent parfaitement que leurs intérêts et leurs prérogatives disparaîtraient en cas de dissidence. Leur force est dans cette union justement, et pour cela, ils vont essayer de préserver la Mémoire du cheikh et de garder ce lien spirituel entre eux, comme des orphelins animés éternellement par le chagrin de la perte du père spirituel ; Toutefois, avec le temps, il se peut que des ambitions ou des courants apparaissent au sein de la Jamaâ.

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