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Said Saâdi : «La Lydec a réalisé des surprofits déguisés»

ALM : Vous évoquiez, dernièrement, des transferts illégaux de la Lydec vers l’étranger. Qu’en est-il ?
Mohamed Said Saâdi : J’ai plutôt parlé de transferts déguisés et c’est une pratique très courante chez les multinationales sous couvert de ce qu’on appelle le prix de transfert. Ce sont des transactions qui se font à l’intérieur du groupe sans recours à la concurrence pour l’assistance technique. J’ai parlé de 1 milliard de dirhams constitué, à raison de 720 millions DH, par des «dépenses» correspondant à des services d’assistance technique accordés par la maison-mère à sa filiale. Quand la filiale, c’est-à-dire la Lydec, achète des prestations d’assistance technique, elle ne fait pas d’appel d’offre, elle achète directement chez la maison-mère et donc il n’y a pas de moyens pour vérifier s’il s’agit vraiment de prestations réelles et si les prix pratiqués sont des prix de concurrence ou des prix déguisés de manière à cacher des surprofits. Ces prix de transfert sont utilisés pour diminuer la base imposable dans un pays et transférer des profits déguisés dans un autre pays en payant moins d’impôts. C’est une pratique très courante.

A qui incombe le contrôle de ce genre d’opérations ?
Il y a l’Office des changes qui est censé contrôler, mais les différents services des impôts également. Or, souvent, sous le prétexte d’encourager les investissements, on ferme l’œil. Ceci dit, je vous signale que, d’après certaines informations, l’Office des changes aurait épinglé la Lydec pour des transferts qui ne sont pas justifiés. Cela veut dire que l’Office des changes n’a pas pu vérifier l’effectivité de l’assistance technique. Personnellement, je ne vois pas où sont ces services de transfert de technologie. Il suffirait de poser la question aux personnels de la Lydec! Sauf si l’on parle des opérations de maquillage au niveau du service, je ne vois pas où est cet apport technologique.

Selon vous, cela se fait-il au détriment de Casablanca et de ses habitants ?
Le premier perdant est le fisc parce que ce sont des profits déguisés qui ne vont pas être imposés car ils sont considérés comme étant des charges. Ceci nuit évidemment à l’intérêt des Casablancais parce que cela contribue à augmenter la facture qu’ils paient. Il faudrait que le citoyen puisse pouvoir développer sa culture économique. On nous dit souvent «Attention, vous ne comprenez rien à cela !». En fait, ce sont souvent des tactiques connues à l’échelle mondiale pour plumer le citoyen.
Il y a donc les 720 millions DH qu’on peut qualifier de profits déguisés et il y a aussi les dividendes qui sont rapatriés par la multinationale. La Lydec détient 51 % du capital et, donc, elle transfère les dividendes alors qu’elle n’aurait pas dû le faire. Elle s’est engagée à ne distribuer de dividendes qu’à partir de 2007 et, en plus, elle s’est engagée à ne distribuer que 28 millions DH et non pas 250 millions DH.

Le maire de la ville a annoncé le lancement du processus de révision du contrat avec la Lydec. Croyez-vous que ce processus sera mené à bien ?
L’actuelle majorité n’a pas honoré ses engagements en matière de révision de ce contrat. Cette révision devait intervenir en 2002 ou 2003. C’est autant de pertes sèches pour la ville parce que le contrat signé en 1997 était un contrat léonin. Maintenant, il y a effectivement une commission qui a été constituée. Elle est censée participer à la révision du contrat de gestion déléguée avant que ce dernier ne soit voté, il ne faut pas l’oublier, par le Conseil de la ville. La commission ne fait que préparer le travail. J’espère que cette commission aura tous les moyens pour faire son travail correctement et honnêtement. C’est une commission qui va se trouver face à une multinationale qui a une expertise en matière de confection de ces contrats de gestion déléguée et en matière de relations avec les collectivités locales. Il ne faut pas oublier que le groupe Suez (Lyonnaise des Eaux) est un groupe dont la création remonte au 19ème siècle et qui a développé une pratique de plus de 100 ans de relations avec les collectivités locales. On a affaire à un partenaire qui est très habile et très expérimenté qui va chercher, là encore, à défendre ses intérêts, ce qui est légitime. Or, il se trouve que l’on a aussi affaire à une activité sociale. A ce niveau là, je crains, si on ne donne pas les moyens de travail adéquats à cette commission, que le partenaire, qui dispose de toutes les informations techniques et financières auxquelles nous n’avons pas accès, puisse faire à ce que cette révision ne mène pas très loin. Cette révision doit se faire dans la transparence, avec la participation de l’opinion publique locale, pour défendre les intérêts de Casablanca et des Casablancais.

Vous évoquiez le cas de plusieurs pays qui ont «rompu» avec le groupe Suez. Etes-vous pour le départ de la Lydec de Casablanca ?
Si on ne donne pas la priorité au droit des Casablancais à l’eau et à l’énergie, je serais pour le départ de la Lydec. Il n’y a pas de raison pour qu’on ne puisse pas gérer ce secteur. On a l’ONEP, l’ONE et beaucoup de cadres marocains pour cela. En plus, il n’y a pas de transfert de technologie. L’apport de capital est très minime et ne dépasse pas 250 millions DH alors qu’ils ont gagné beaucoup plus en l’espace de quelques années seulement.

Il y a les détracteurs de l’opposition au Conseil de la ville qui avancent que le dossier de la Lydec est utilisé comme argument d’une pré-campagne électorale. Qu’en pensez-vous ?
Ce n’est pas vrai. Nous avons posé le problème de la Lydec dès la première session du conseil en 2003. Nous avons toujours insisté sur l’intérêt pour la ville d’accélérer cette révision parce qu’on était en retard. La révision du contrat avec la Lydec devait être faite en 2002. Aujourd’hui, c’est le ministère de l’Intérieur qui nous force la main pour accélérer cette révision. Nous sommes dans notre rôle d’opposition objective et de défenseurs sincères des intérêts de la ville de Casablanca et de tous les citoyens de cette ville.

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