Couverture

Sajid : «mon parti, c’est Casablanca»

© D.R

ALM : D’après vous, quelle va être l’issue de la polémique suscitée autour de l’ancien marché de gros ?
Mohamed Sajid : C’est une polémique tout à fait artificielle qui n’a pas de raison d’être. Nous étions dans une situation de blocage qui a duré pendant dix ans pour un projet qui a une dimension économique importante comme celui de la réhabilitation du marché de gros. Maintenant, si polémique il y a, elle doit surtout concerner les conditions dans lesquelles les conventions antérieures avaient été signées. Aujourd’hui, nous essayons de trouver une solution et que nous commençons d’ailleurs à entrevoir grâce à l’intrusion de Miloud Chaâbi dans le capital de la société signataire de la convention. Nous sommes toujours liés par la convention initiale, mais il y a un changement d’actionnaires avec cet investisseur qui a pris le risque de prendre l’intégralité du capital de la société signataire. Il se positionne actuellement comme notre interlocuteur pour essayer de trouver une solution pour la mise en oeuvre de cette convention qu’il fallait absolument revoir et remanier.

Qu’en est-il également de l’éventuelle remise à plat du contrat avec la Lydec ? Est-ce que c’est à l’ordre du jour du Conseil de la ville ?
La révision du contrat avec la Lydec est à l’ordre du jour de notre conseil depuis deux ans. Nous avons déjà évoqué ce problème et nous y travaillons avec des équipes qui ont été mises en place à cette fin. Cette révision n’est pas une mince affaire car il s’agit de revoir le contrat qui a été signé en 1997 dans des conditions particulières. C’était un contrat qui a été établi, plus ou moins, sans appel à concurrence. C’est aussi une société qui a pratiquement bénéficié d’un contrat de gré à gré avec les autorités de l’époque. C’est aussi un contrat multidisciplinaire qui concernait les services essentiels pour la ville avec une grande portée économique et de gigantesques aspects d’investissement. La révision devait normalement intervenir en 2002. Mais pour quelle raison le Conseil communal à l’époque ne l’a pas fait ? C’était une période électorale et peut-être que ce conseil ne pouvait pas engager une révision d’un contrat aussi important concernant un sujet social par excellence. Quand on touche à l’eau et à l’électricité, on touche à la vie des gens et à leur pouvoir d’achat. C’est un sujet qui a une dominante sociale importante et qui, de temps en temps, peut se transformer en dominante politique ou politicienne.

Où en est actuellement le projet de la nouvelle décharge de Casablanca ?
La décharge actuelle de Médiouna demeure le point noir environnemental de Casablanca. Et là aussi, depuis deux ans, nous travaillons pour résoudre ce problème. Nous avons déjà franchi un bon nombre d’étapes : nous avons identifié le site qui abritera la nouvelle décharge. Cette dernière devra être réalisée selon les normes environnementales en vigueur, les normes techniques habituelles et non pas en tant que décharge anarchique comme celle dont nous disposons actuellement. Nous avons procédé aux études préalables pour la faisabilité de ce projet. Il y a aussi des études d’impact qui ont été concluantes et qui ont déjà été examinées et avalisées par les autorités compétentes.
Nous avons même initié la procédure d’appel à manifestation d’intérêt pour voir qui sont les opérateurs qui seraient intéressés pour prendre part à ce projet.
Au début de ce processus, nous avons reçu dix candidatures formulées par les plus grands opérateurs connus du secteur et nous avons pré-qualifié cinq sociétés pour la réalisation de ce projet. Les cinq opérateurs sont déjà installés à Rabat et Casablanca en plus d’une société américaine qui s’intéresse au Maroc. Nous avons aussi élaboré un cahier de charges qui stipule la réalisation d’une nouvelle décharge, mais aussi l’obligation de la réhabilitation de l’actuelle décharge. Toute éventuelle société adjudicataire devra donc inclure dans son offre la réhabilitation de la décharge existante pour qu’on puisse fermer cette dernière dans de bonnes conditions. Le choix du site mitoyen à la décharge de Médiouna a été fait dans ce souci et notamment pour faciliter la tâche à l’adjudicataire qui sera désigné en fin de processus.

Pourrez-vous dire que l’autorité locale élue, que vous présidez, est capable d’un réel accompagnement et encadrement des grands projets lancés dans la métropole et ses environs ?
Nous sommes dans un processus démocratique dont nous nous félicitons. Nous sommes en train de faire évoluer notre système des collectivités locales démarré en 1976. Il y a une évolution sur le plan des textes, au niveau des règlements et des relations que nous sommes amenés à avoir avec l’autorité administrative. Il y a une évolution dans tous les domaines et je la considère comme étant très positive. L’institution élue doit évoluer elle-même. Cela prend du temps, mais je pense que l’on finira par l’instauration d’une nouvelle mentalité et une nouvelle culture dans la gestion de la chose locale.

Justement, ne voyez-vous pas que quelques ajustements doivent être apportés au nouveau système de l’unité de la ville ?
A Casablanca, cet aspect revêt une extrême importance puisqu’il n’était pas question de réunir quelque quatre ou cinq communes comme c’était le cas pour les autres villes concernées par le changement introduit en 2003, mais gérer les affaires des 27 anciennes communes et également apprendre à gérer des relations avec seize arrondissements. Il faut pouvoir consolider les moyens de la ville de façon à identifier une vision unique pour la ville, avoir une stratégie de développement et non plus des stratégies fragmentées comme cela avait été le cas auparavant. Il y a certainement des améliorations à faire concernant les relations entre les arrondissements et le Conseil de la ville, redéfinir certaines prérogatives pour qu’il n’y ait plus de chevauchement entre celles d’un arrondissement et celles de la commune et, entre autres, délimiter de manière précise les compétences en termes d’urbanisme. Il faut arrêter les modalités pratiques de concrétisation de cette charte et sortir les circulaires d’application.
Il faut aussi régler le problème de la gestion des marchés de la ville parce que nous avons un seul rapporteur du budget pour la ville qui est amené, à la fois, à suivre les budgets de la ville et les budgets des seize arrondissements. Il y a une anomalie qu’il faut rectifier. Il y a finalement un nombre de dispositions qu’il est question d’affiner pour mettre fin aux anomalies que nous constatons dans la mise en œuvre de cette charte en général.

Pourrez-vous promettre le métro pour 2010 ?
Nous n’avons jamais promis le métro ou le tramway pour 2010 ! Nous avons promis d’engager sérieusement les études, les réflexions sur le sujet parce que ce ne sont pas des projets que l’on peut mener à bien dans quelques mois, voire quelques années. Cependant, il faut dire que nous avons franchi bon nombre d’étapes dans ce domaine.  L’étude préliminaire et essentielle, à savoir le Plan de déplacement urbain, a été bouclée. C’est la première étape pour construire un système de mobilité et de transport dans une ville. C’est à partir de ce plan que nous avons identifié les options de mise en place d’un système urbain de transport et qui ont été annoncées d’ailleurs il y a quelques mois. La deuxième étude que nous sommes en train de réaliser concerne l’avant-projet de la réalisation d’une section des 20 premiers kilomètres de ce projet comptant au total 70 kilomètres.

Qu’en est-il de l’état actuel du transport public à Casablanca, un autre sujet à polémique ?
Pour les bus, là aussi nous avons franchi un certain nombre d’étapes. Il s’agissait de trouver une solution à une institution qui dépendait de la ville. Avec la RATC (Régie autonome du transport de Casablanca), qui était un fardeau sur le dos de la ville, nous nous sommes retrouvés avec 2.000 employés sans travail et qu’il fallait payer à la fin de chaque mois en plus d’un parc opérationnel d’une trentaine de bus à peine.
La situation devenait intenable. Nous avons donc commencé par assainir la RATC en signant une convention avec l’Etat pour le règlement des passifs de cette société, négocier un contrat de gestion déléguée avec un opérateur crédible et surtout réussir à intégrer ces 2.000 personnes dans le cadre de ce contrat. Et nous n’avons pas fait table rase du passif social comme c’était le cas pour d’autres villes du pays.
Actuellement, en plus de M’dina Bus, nous avons un certain nombre de concessionnaires qui exercent les mêmes activités en fonction de contrats signés depuis des années. Aujourd’hui, il faut harmoniser le transport et amener ces concessionnaires à respecter les termes des conventions. Là, on constate que le système connaît des anarchies et des dysfonctionnements au point où personne ne respecte plus ses engagements. Maintenant,  nous devons travailler avec ces opérateurs pour les amener à rationaliser le transport en commun par bus à Casablanca. Chose que nous avons d’ailleurs initiée avec eux.

Qu’est-ce que cela fait d’être le maire de la plus grande ville du Maroc, d’être issu d’un parti de l’opposition et avoir contre soi les partis de la majorité gouvernementale ?
(Rires) C’est très caricatural ! Vous savez, c’est la politique de la ville que nous devons construire ensemble et pas celle du parti de la majorité ou celle du parti de l’opposition. Les intérêts d’une commune ou d’une municipalité vont au-delà des intérêts de tel ou tel autre parti politique. Je considère que si nous devions avoir un parti majoritaire au conseil de la ville, nous aurions le "Parti de Casablanca". Nous sommes le parti de Casablanca ! J’appelle d’ailleurs à l’adhésion à ce parti. Je n’accepte pas et je ne fais pas dans les calculs politiciens autour de plusieurs sujets. Nous avons dans le Conseil de la ville, malgré sa diversité et sa composition, réussi à voter à l’unanimité un certain nombre de décisions stratégiques pour Casablanca et ses habitants. Houleuse par moments, la dernière session du Conseil, tenue il y a une semaine, a été par exemple marquée par le vote à l’unanimité de mesures importantes comme le partenariat privé-public et la possibilité de création de sociétés d’économie mixte.

Cependant, ce qui se passe lors de ces sessions, ouvertes au grand public, ne décrédibilise-t-il pas l’autorité élue aux yeux des électeurs et des Casablancais en général  ?
Comme vous devez le savoir, dans toutes les réunions politiques, il y a parfois des débordements. Nous constatons cela dans les conseils des collectivités locales et même lors de réunions parlementaires…
Il y a des spectacles qui sont donnés à gauche comme à droite ! Outre le développement de la ville, notre défi majeur est la crédibilisation de la gestion de la chose publique et des politiques de la ville. Il faut qu’on immunise notre institution contre un certain nombre d’agissements du genre auquel vous faites allusion. Nous sommes élus pour assurer un service public. Il est temps aussi de changer ces clichés négatifs sur les collectivités locales. Notre défi est de réconcilier les citoyens avec la chose publique, les élus et la politique en général.

Après trois ans à la tête de la mairie de Casablanca, pourrez-vous dresser une sorte de bilan d’étape ?
Nous avons lancé et parfois relancé pas mal de projets restés en souffrance pendant de nombreuses longues années. La gestion des affaires de Casablanca n’est pas uniquement une projection sur l’avenir. Le plus important est aussi la prise en considération de ce que la ville a accumulé comme déficits, projets arrêtés, mal pensés, non terminés… Tout cela est en train d’être réglé avec la contribution de tous les intervenants.

Quelle est la nature de vos relations avec le wali de Casablanca? Le courant passe-t-il entre les deux premiers responsables de la métropole ?
Par définition, les relations entre le maire et le wali doivent être des relations de bonne entente. On ne peut pas concevoir, avec le système, tel qu’il fonctionne chez nous, d’avoir deux institutions, une élue et autre administrative, qui travaillent chacune de son côté. Il faut donc qu’il ait une synergie, une complémentarité et un partage de la même vision. Je vous assure, qu’aujourd’hui, je suis très à l’aise et très serein à Casablanca. Nous avons des projets qui nécessitent l’intervention et l’implication de l’Etat et ce rôle est rempli par les institutions compétentes.

Propos recueillis par Atika Haimoud et Mohammed Boudarham

 Une vision royale pour Casablanca


Un nouveau destin pour Casablanca. Sa Majesté le Roi Mohammed VI a présidé, le 10 septembre, la signature de plusieurs conventions pour la mise à niveau des infrastructures de la métropole. Ces conventions sont relatives à des projets structurants prévus dans le cadre du programme de développement urbain dénommé "Casa 2010". Etalé sur une période quatre ans, ce programme, visant à accompagner les autres grands projets de la ville lancés dernièrement par le Souverain, est doté d’un financement de 3,25 milliards DH. Pour la première fois, il sera fait appel à un emprunt sur le marché financier pour la valeur de 1,2 milliard DH. La DGCL (Direction générale des collectivités locales) avancera 1,3 milliard DH, la commune urbaine de Casablanca participera avec 450 millions DH alors que la région du Grand Casablanca apporte 300 millions DH. Plus que 50 % de cette enveloppe globale, soit 1,93 milliard DH, ira au renforcement des voiries et réseaux divers, 930 millions DH aux équipements publics et 250 millions DH aux espaces verts (300 ha à réhabiliter).
Casa 2010 prévoit une série d’actions décidées suite à une étude élaborée selon les standards internationaux. Il s’agit en gros d’améliorer les conditions de déplacement, la réorganisation d’un ensemble d’axes, la création de nouveaux axes et de nouvelles routes, la modernisation de la signalisation et l’informatisation du système de circulation. Il est ainsi question de l’aménagement de 100 carrefours, de la construction de 4 tunnels sur les sites abritant autant de points noirs et de la réorganisation des principales artères.
Il sera aussi procédé à la mise à niveau de 14 complexes sportifs, de 6 nouveaux complexes culturels et de 20 bibliothèques publiques. Le Plan de déplacement urbain (PDU), lui, prévoit la réalisation d’une complémentarité entre les réseaux de transport existants et de lignes de métro (au nombre de trois), de tramway et de RER qui sillonneront Casablanca. La finalité est de désengorger les quartiers périphériques à grande densité démographique, mais surtout d’atteindre plus de fluidité pour la circulation dans la métropole.
Mohamed Sajid annonce que les appels d’offres pour la réalisation d’une première section (de 20 kilomètres sur 70) sont fin prêts. La volonté y est.

M.B

Articles similaires

ActualitéCouvertureUne

Industrie du futur, c’est maintenant ou jamais pour le Maroc !

Le développement fulgurant des nouvelles technologies révolutionne l’industrie. Alors que des puissances...

CouvertureSociétéUne

Population, santé, conditions d’habitation… Le HCP livre son bilan sur les indicateurs sociaux

Le HCP signale une baisse continue du taux d’accroissement global et naturel...

CouvertureEconomieUne

Le Maroc se lance dans la production d’avions-cargos

Des géants américains de l’aéronautique annoncent un accord pour l’installation d’une zone...

CouverturePolitiqueUne

Le Code de déontologie parlementaire bientôt adopté

Les deux Chambres ont ouvert vendredi dernier la session du printemps

EDITO

Couverture

Nos supplément spéciaux