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Scrutin serré en Mauritanie

© D.R

C’est la troisième fois que les Mauritaniens iront aux urnes pour choisir leur président. Si en 1992 et 1996, le colonel Maouya Ould Sidi Ahmed Taya s’est fait élire sans coup férir, pour cette année en revanche, le rapport de force entre l’opposition et le pouvoir est loin d’être clair. Certes, on retrouve le président sortant toujours à la tête des pronostics, avec une popularité renforcée depuis la tentative du putsch du 8 juin, auréolé en plus par les bonnes notes des institutions internationales, le FMI en tête, en matière de gestion économique. Mais, d’un autre côté, l’opposition qui a échoué à présenter un candidat unique compte sur trois gros calibres. Il s’agit de Mohamed Khouna Ould Haidallah, ancien Président, renversé en 1984 par l’actuel, de Ahmed Ould Dadah, Président du Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) et de Messoud Oul Boukhair de l’Alliance populaire progressiste. Pour les observateurs avertis de la scène politique mauritanienne, c’est le revenant, Ould Haidallah, qui présente la candidature la plus sérieuse. Soutenu par une kyrielle de petits partis, celui qui se dit «indépendant», bute toutefois sur sa conception de la politique moderne. Ses quatre ans passés à la tête du pays n’ont pas laissé de très bons souvenirs en matière d’avancée des droits de l’Homme : institution de la charia, simulacres de procès, une lecture politique des relations internationales assez floue, hésitant entre la révolution libyenne et le socialisme à l’algérien. De plus, les relations avec les puissants voisins du Nord n’ont jamais été un fleuve tranquille. La reconnaissance de la fantomatique RASD, grande erreur politique de Haidallah, au début des années 80, allait entraîner la rupture avec Rabat. Pour sa part, Paris prit ses distances à cause sans doute d’une gestion approximative des sensibilités locales et régionales. Bref, le candidat Haidallah aura du mal à convaincre sur la scène africaine et internationale. Quant à Ahmed Ould Dadah, frère de son frère, politiquement, on le disait fini. Le frère de Mokhtar Ould Dadah a perdu le soutien des islamistes qui lui reprochent son mutisme assourdissant lors des interpellations dans les milieux radicaux. Les divorces à répétition et les changements de cap ont poussé plusieurs courants politiques à se démarquer de l’homme au profit du PRDS de Ould Taya ou du camp de Ould Haidallah. S’il reste incontournable dans la scène politique mauritanienne, Ould Dadah est loin de son pic de popularité de 1992 quand il a vu une large coalition de partis le soutenir pour les présidentielles d’alors. Depuis, son parcours politique, marqué par les divorces, les alliances contre-nature , lui a valu bien des déboires dont la séparation avec Messoud Ould Boukhair, qui s’était désisté en sa faveur en 1992 avant de lui tourner le dos par la suite. Ce candidat, connu pour son discours virulent, est leader de l’Alliance populaire progressiste (APP) née de la défunte AC (Action pour le Changement), elle même née de la scission de l’UFD (Union des Forces Démocratiques). Deux autres candidats, outsiders, tentent aussi leurs chances. Il s’agit de Moulay Hacen Ould Jeyd et de Aicha Mint Jeddane qui portent le nombre de postulants au fauteuil présidentiel à six. Face à ces candidats partis en ordre dispersés, le président sortant dispose d’un atout majeur: la garantie de la stabilité qu’il incarne depuis son arrivée au pouvoir. Entre le 10 juillet 1978, date de l’éviction de Mokhtar Ould Dadah et le 12 décembre 1984, date de l’arrivée au pouvoir de Ould Taya, la Mauritanie a connu une demi-douzaine de coups d’états. Il y a ensuite la poursuite des réformes économiques et de la politique de libéralisation symbolisée, entre autres, par la cession d’une partie du capital de Mauritel à Maroc Télécom et la libéralisation du secteur des télécoms. Une expérience dont la réussite a été saluée par la Banque Mondiale. C’est donc sur un bilan économique, somme toute satisfaisant, que Maouya compte pour se faire réélire. Le fait que sa première campagne se fasse dans l’extrême Est, (le Hodh El Chargui), à Néma, à 1000 kilomètres de la capitale, est en soi un signal fort. Maouya veut d’abord mesurer sa popularité dans ces régions d’où sont originaires la plupart des putschistes du 8 juin. L’opposition et surtout Ould Haidallah espéraient surfer sur une éventuelle vague de mécontentement. L’accueil magistral réservé au candidat Ould Taya sonne déjà comme un avertissement dans les rangs de cette opposition. La transparence sera l’un des grands défis qu’aura à relever le pays devant la communauté internationale. Les préparatifs en cours et les nombreuses dispositions prises de part et d’autre laissent présager que le scrutin se déroulerait dans de meilleures conditions. Le ministère de l’Intérieur, qui supervise l’organisation de ces consultations, dit en avoir pris toutes les mesures pour son bon déroulement. Quoi qu’il en soit au soir du 7 novembre, la Mauritanie aura montré à la communauté internationale si elle a assimilé les enseignements tirés de dix ans d’expériences démocratiques. Au cas où aucun candidat n’obtiendrait la majorité absolue des voix au premier tour, un second tour de scrutin opposera le 21 novembre les deux candidats ayant recueilli le plus de suffrages. Si cela arrivait, ce serait une première.

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