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Stratégie du pire

Série de couacs. Abdelaziz Bouteflika a eu le triste privilège d’être le premier chef d’Etat algérien à se rendre en visite d’Etat sur son propre territoire dans les camps de Tindouf. Il s’est fait attraper pour avoir sorti la proposition algérienne de sa poche pour la communiquer à James Baker, l’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU au Sahara. Il a réussi à susciter une légitime levée de boucliers de toutes les composantes de la société marocaine contre sa chimère de partition du sahara marocain. Il a fait malencontreusement tomber le voile sur des visées hégémoniques longtemps maintenues dans le flou par les dirigeants algériens sous couvert d’idéaux d’autodétermination qui ont eu leur temps de succès auprès de certaines parties. Bref, son traitement de l’affaire présente tous les signes d’une gestion médiocre, si peu compatible avec le vieux routier de la politique, qui fut tout de même ministre des Affaires Etrangères de Boumediène. La présence d’une anguille sous roche est si évidente, qu’elle ne pouvait manquer de susciter l’appétit de la presse internationale. Le journal «Azzamane», publié à Londres jetait l’un des premiers pavés dans la marre en rappelant dans son éditorial du 2 mars que «le maintien du soutien du polisario était constamment l’une des justifications de la poursuite de l’état d’urgence, derrière laquelle se cachent les généraux et les politiciens algériens chaque fois qu’ils sont confrontés à des échecs sur le plan interne, à commencer par le manque de liberté». Le mot est dit. Les gesticulations du président Bouteflika, et de ceux qui sont «derrière» lui surviennent au moment où les échecs se multiplient sur tous les plans en Algérie. La plaie de la Kabylie saigne toujours. Depuis ce 18 avril 2001, quand un lycéen sans histoire, Massinissa Guermah tombait sous les rafales des Kalachnikov des gendarmes à Beni Douala. Les kabyles ont marché par milliers contre les symboles de l’Etat. Des morts sont tombés par dizaines.
Le printemps noir Kabyle n’en finit pas de faire des victimes, coupant chaque jour un peu plus les cordons avec une région dont la « politique d’asphyxie et d’atomisation du pouvoir » fera que le plus grand contribuable à l’échelle du pays, avec un taux de recouvrement des impôts de 90 %, au moment où on peine à atteindre les 25 % ailleurs. A Tizi Ouzou, Bejaia, Bouira et même à Alger, le sentiment d’appartenance à la nation algérienne n’est plus tout à fait le même. Aujourd’hui c’est plate-forme de revendications d’El Kseur, avec ses 15 points, qui fait autorité. C’est la fin de la «hogra» qui revient dans chaque discours.
Force est de constater que l’échec du pouvoir algérien est là. Palpable et porteur de mauvais présages à l’orée des élections. Il vient alourdir un bilan des droits humains qualifié de «désastreux» par le rapport en date du 11 janvier dernier de l’organisation «Algéria Watch». Il y est répertorié pas moins de 1100 exécutions sommaires, 1000 cas de disparitions forcées, et encore la liste est non exhaustive, au cours de ce que le document qualifie des «dix années d’après le putsch». Une décennie, relève l’organisation, baignée dans une confusion totale entre «guerre», «guerre civile», «opération de maintien de l’ordre » ou encore «lutte contre le terrorisme». Une confusion qui touche aussi le triste bilan établi à quelque 26.500 morts par des chiffres officiels depuis le début 1998 et estimé à plus de 200.000 morts par les observateurs. Conciliant jusqu’au bout, le président Bouteflika a, quant à lui, avancé le chiffre de 100.000 morts au moment de son investiture en avril 1999, rappellent les rédacteurs du rapport. Quoi qu’il en soit, le drame est là. Il se poursuit depuis des années et on n’en voit pas encore le bout. Même avec un «+terrorisme islamique+ qui, depuis 1992 en serait à son +dernier quart d’heure+».
Long, trop long quart d’heure, qui « légitime la répression d’Etat », le choix de l’option militaire, comme l’instauration de l’état d’urgence étant «sans cesse justifiés par les actions de groupes armés qui sont systématiquement assimilés au parti dissous du FIS». En attendant, perdure « une multitude de mesures répressives qui font de l’Etat algérien un Etat dominé par les services secrets contrôlant tous les rouages de l’administration et toute activité politique et économique». La main mise de la sécurité militaire algérienne est flagrante. Elle veille à maintenir un statu-quo servant ses intérêts et détournant l’attention des réalités du pays. Quitte à ce que le chef de l’Etat endosse, le temps d’une énième escarmouche dosée avec le Maroc, « les habits de Bouteflika, ministre des Affaires Etrangères de Boumediène», comme l’écrivait le journal français «l’Alsace», dans sa livraison dominicaine. Quitte à ce que Alger tourne le dos à l’histoire commune de la région en occultant le geste noble de feu SM Mohammed V qui avait refusé toute division de l’Algérie, à l’époque de la guerre d’indépendance. Quitte à ce que Alger désavoue devant la communauté internationale son rôle de défenseur de «a veuve et de l’orphelin sahraouis» en «revendiquant pour lui la moitié du Sahara». Quitte aussi à ce que le président, et sûrement candidat aux prochaines présidentielles, Abdelaziz Bouteflika, revienne sur ses intentions premières de « lâcher le front polisario et renouer de bonnes relations avec le royaume chérifien». Le pouvoir, même de façade, en Algérie a son prix. L’acompte en est de solides gages à ceux qui tiennent les renes.

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