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Tout enfant a droit à un nom

C’est après de passionnées joutes oratoires que le projet de loi relatif à l’état civil a été adopté par les députés par 46 voix pour et 10 contre. Lors de la séance du jeudi 11 avril, l’arène parlementaire avait chauffé autour de ce projet de loi. Les députés du PJD, par la voix de Abdelillah Benkirane n’ont pas manqué de montrer leur opposition à l’amendement de l’article 16 de la loi 37.99 relative à l’état civil.
Le nouveau texte, amendements inclus, stipule l’unification du régime de l’état civil et sa généralisation et la réforme du contenu et de la forme du livret d’état civil. Le projet confère à la femme le droit d’obtenir une copie du livret d’état civil. Il prévoit l’allègement des procédures et la création d’une commission au niveau de chaque préfecture et province, sous la présidence du procureur du roi, qui veille au traitement des affaires en suspens dans les bureaux de l’état civil. Mais la disposition qui a exacerbé les passions, est celle qui permet aux enfants de père inconnu de porter le nom de famille de leur parent adoptif.
Pour les détracteurs du projet, le PJD en tête, cette dernière disposition est contraire à la chariaa. L’enfant adopté, affirment-ils, doit continuer à porter un nom de famille différent de celui de ses parents adoptifs. Pour le gouvernement, épaulé par la majorité au sein du Parlement, il n’y a pas de rapport entre le concept de mélange des patronymes, interdit par la chariaa et entre le fait qu’un enfant adopté puisse prendre le patronyme de son parent adoptif. Une situation qui se retrouve d’ailleurs fréquemment au sein de la société marocaine, étant donné que de nombreuses personnes portent le même patronyme, sans qu’ils en soient pour autant parents de sang.
C’est la confrontation. Entre ceux qui s’élèvent contre tout ce qui est jugé de nature à remettre en cause des préceptes religieux. Et ceux qui voient en cette disposition une initiative visant en premier lieu à préserver l’enfant adopté contre tout choc psychologique qui découlerait de la publicité de ce genre d’information et qui risquerait d’être lourd de conséquences pour son épanouissement.
D’autant plus, qu’il sera toujours possible pour l’enfant adopté, à sa majorité, de consulter le registre d’état civil de prendre connaissance de son identité. Une précaution rappelée par le ministre de l’Intérieur a cet égard est la mention dans le « grand registre de l’officier de l’état civil», du fait que l’enfant est de père inconnu. La légalité est dans ce cas sauve, sans qu’il soit besoin que la mention «de père inconnu» soit portée sur toutes les attestations auxquelles aura accès l’enfant au cours de sa vie et jusqu’à sa majorité. D’autant plus, rappellera le ministre, que les aspects du projet de loi liés à la chariaa ont été soumis à l’expertise de théologiens avant d’arriver devant les députés.
Le débat, comme il fallait s’y attendre, a vite fait de bifurquer vers la légitimité de la défense des préceptes de l’Islam qui, pour les partisans de la reforme de l’article 16, ne saurait être l’apanage de ses détracteurs. De la aussi à s’aventurer sur le terrain de « l’instrumentalisation » de la chariaa à des fins politiques, il n’y avait qu’un pas, qui n’a pas non plus manqué d’être franchi et l’arène parlementaire en cette fin de session extraordinaire, a d’un coup retrouvé les joutes passionnées qui faisaient vibrer ses piliers du temps du presque oublié plan d’intégration de la femme.
On a de nouveau évoqué les conventions internationales dont le Maroc est signataire, notamment la convention internationale pour les droits de l’enfant signée par le royaume en 1993. On a surtout rappelé que la conformité des conventions signées par le royaume avec les préceptes de l’Islam, est une attribution du Roi, Amir al Mouminine et que les considérations politiques n’avaient pas droit de cité dans ce registre.
Finalement, le projet de loi est adopté. Une victoire certes pour ses partisans. Mais une nouvelle occasion aussi de réalimenter le débat, ces temps-ci en veilleuse, sur la frontière ténue entre action politique et attachement à la religion.

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