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Un ex-toxicomane raconte son enfer

© D.R

Tout a commencé lors d’une soirée comme les autres. Je suis parti en compagnie de copains faire la fête dans une boîte à Rabat. Ils ont décidé de prolonger la soirée chez un ami à Bouzenika. Nous appelons cette manie à éterniser une soirée, après la boîte, “entrer en aster“. Nous nous sommes retrouvés une dizaine de jeunes, des deux sexes, dans une villa au bord de la plage. Tous les jeunes étaient bronchés et superbes.
J’étais un peu gêné, parce que je ne connaissais pas tout le monde. Je ne cherchais qu’une chose : me fondre dans le groupe, me faire accepter et épater les belles filles. L’hôte de la maison a crié : “vous êtes fatigués, j’ai de quoi vous donner des ailes“. Cette phrase a été accueillie par des exclamations de joie.
J’ai compris très vite la nature de la substance fortifiante que nous proposait notre hôte : la cocaïne, communément dite par le diminutif tendre de coke. Je n’en avais jamais pris et n’étais pas particulièrement chaud à l’idée de poudrer mes narines. Mais les tracés de coke s’alignaient à une folle vitesse et s’évaporaient. Tout le monde en avait pris. Je ne voulais pas que l’on me prenne pour un bigot, un mec ringard. La mort dans l’âme, je me suis baissé pour inspirer avec plus de force que les autres la poudre blanche. C’était ma première prise.
Après, les coups de snif se sont répétés, juste parce que la coke était à la mode et que je tenais à montrer que j’étais tout aussi ‘in’ que les autres. Peu à peu, j’ai commencé à en acheter moi-même. J’ai appris le chemin qui mène aux dealers de Rabat. Le nom des boîtes où l’on peut s’en procurer. Les circuits qui aboutissent aux bons vendeurs du quartier Takadoum.
Je déboursais près de 900 DH pour un gramme de coke. Quand je suis devenu un assez grand consommateur, j’ai commencé à me déplacer à Tétouan et Tanger pour m’approvisionner. En ce temps-là, je sortais tous les soirs, et j’en prenais pendant chaque nuit. Je ne peux pas parler d’accoutumance. Je ne sentais pas à proprement parler un manque. Mais il m’était impossible de faire la fête sans coke. C’était devenu l’ingrédient indispensable pour accéder au septième ciel.
Un état d’euphorie me gagnait chaque fois que je me poudrais le nez. Je ne suis pas brillant dans les études, et ne me passionne pour aucun domaine d’activités. Je suis né dans une famille où l’argent ne manque pas. Et les remontrances de mes parents sur mon inaptitude à faire “quelque chose de ma vie“ m’agaçaient au plus haut point. Leurs reproches me collaient comme une seconde peau. Je muais comme un serpent avec les prises de coke. Je me débarrassais de la peau des reproches pour me sentir libre, bien. Ma frénésie à prendre de la coke ressemblait à une quête de bonheur. Heureux chaque jour, je n’avais pas constaté que je sniffais tous les soirs. Que j’avais une vie de vampire, dormant le jour et faisant la fête la nuit. Ma mère m’a aidé à sortir de ce cauchemar. Elle a laissé tomber un commerce pour m’accompagner à l’étranger où j’ai fait une cure de désintoxication. C’est là-bas que j’ai compris que j’étais un toxicomane accompli. Aujourd’hui, j’ai repris une vie normale. Je dors la nuit et poursuis des études le jour. J’ai cessé de voir mes anciens copains.
Nombre d’entre eux ignorent à quel point leur état est grave. Ils ne savent plus que la coke leur a complètement blanchi la faculté de juger. Ils ignorent jusqu’à quel point ils sont dépendants d’une poudre blanche pour être heureux.

• Témoignage recueilli
par Aziz Daki

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