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Un secteur en quête d’étoffe

Des opérateurs du textile poussent depuis quelque temps un long gémissement : fermeture des usines à tour de bras, pression fiscale très forte, parité du dirham pénalisante, menace sur l’emploi et la compétitivité… Le bréviaire de la complainte est le même. Il n’a pas changé d’un iota. Le gouvernement, argumente l’Amith, doit aider le secteur à se redresser car il fait travailler une main d’oeuvre importante.
Ce discours alarmiste pourrait s’apparenter à un chantage à l’emploi dans un contexte où les pouvoirs publics, ne sachant plus où donner de la tête devant la multiplication des sit in, des occupations d’usines et la montée du chômage, courtisent les investisseurs étrangers pour venir s’installer au Maroc pour“ créer davantage de postes de travail“, une denrée rare par les temps qui courent.
Dans ce décor de malaise qui va crescendo, le secteur de la confection et de l’habillement donne l’impression de naviguer à vue. C’est un vrai sinistre. Apparemment, on est loin des années fastes, les années 70 et 80 notamment, qui ont permis à nombre d’unités de réaliser des bénéfices substantiels. L’investissement dans ce créneau, alors porteur, n’a pas dérogé à la règle du capital marocain : à quelques rares exceptions près, l’esprit mercantile et le gain rapide ont pris le pas sur la vision industrielle à long terme. Le changement de la donne sur le plan international, apparition de pays concurrents accompagnée d’une compétitivité certaine, a agi en fait comme un révélateur des insuffisances de ce tissu productif souvent à caractère familial : absence d’une main-d’oeuvre qualifiée, encadrement déficitaire, négligence des ressources humaines… Le patron de l’usine cumule la plupart des fonctions : directeur général, responsable technique et ingénieur textile… Les donneurs d’ordres européens ne demandaient pas aux fabricants locaux de réfléchir, mais de reproduire sur la base de modèles des articles divers (pantalons, chemises…). Une sous-traitance basique, sans valeur ajoutée réelle. Exit la marge de créativité, d’innovation. Beaucoup de profit. Moins d’effort.
Le secteur n’est-il pas aujourd’hui victime de ses propres errements ? Qui en est responsable ? Existe-il vraiment une industrie textile au Maroc ? «Les textiliens doivent faire leur auto-critique au lieu de se défausser sur le gouvernement, commente un responsable gouvernemental. La revendication récurrente seule n’a jamais résolu un problème.» Un entrepreneur ne l’entend pas de cette oreille. « Tous les pays du monde soutiennent par des mesures appropriées leur secteur textile dans le cadre d’un plan de développement clair et précis», explique-t-il. Il poursuit : «Il s’agit d’une activité exportatrice, pourvoyeuse d’emplois et de devises.
Il est anormal que les pouvoirs publics marocains ne réagissent pas pour lui faire éviter la catastrophe.“ Pour justifier que le gouvernement ne fait pas assez, on cite souvent “l’exemple tunisien“, un pays voisin qui profite de la crise du secteur au Maroc en attirant, à coups de facilités et d’avantages, des opérateurs étrangers, voire nationaux, qui désertent le Royaume. “ Comparaison n’est pas raison, explique un ex-patron d’usine de confection qui s’est reconverti dans une activité high tech. La Tunisie est un petit pays qui n’a pas les mêmes contraintes que le Maroc et où le circuit de décision obéit à une autre logique“.
À supposer même que le secteur, conformément aux demandes de l’Amith, se voit accorder tous les avantages contenus dans le contrat-programme, est-ce pour autant qu’il va dépasser ses problèmes et retrouver des couleurs ?
La renaissance souhaitée par tous est-elle tributaire uniquement de bas salaires, de réduction des charges patronales, d’abattement sur l’IGF et de suppression des pénalités de retard de la CNSS… ? La question se pose d’autant plus que certains observateurs de la chose économique mettent en avant “ des mentalités à changer“ et “un savoir-faire à acquérir“ pour pouvoir faire face à la concurrence agressive des Asiatiques et de certains pays de la Méditerranée. Et partant donner de l’étoffe à un secteur qui en a tellement besoin.

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