L’économie marocaine est, en fait, rongée par deux maux. Le secteur informel et l’économie souterraine. Le Centre marocain de conjoncture (CMC) fait une nette distinction entre ces deux notions. D’ailleurs, le CMC a consacré le numéro de février 2004 de sa Lettre à cette économie illicite.
C’est ainsi que le CMC n’inclut pas dans le secteur informel, la fraude, l’évasion fiscale, le trafic de drogue, le blanchiment d’argent, etc. Ces pratiques constituent l’économie cachée, où il existe une volonté délibérée de la part des fraudeurs de contourner les règles du système économique légal.
La direction des statistiques a réalisé, au cours de la période 1999-2000, une Enquête nationale sur le secteur informel (ENSI). Rappelons que cette enquête n’a concerné que le secteur non agricole. C’est ainsi que plus de 1,23 million d’unités de productions informelles a été recensé. Pratiquement 72% d’entre elles sont situées dans le milieu urbain. Environ 53% opèrent dans les branches du commerce, 21% dans l’industrie et l’artisanat, 20% dans le secteur des services et enfin 6% dans la construction.
Le chiffre d’affaires de ces unités a été estimé à plus de 166 milliards de DH. Les unités opérant dans le secteur du commerce se taillent la part du lion, avec 77%. En moyenne, chaque unité réalise un chiffre d’affaires de 135.000 DH.
Par ailleurs, l’ENSI a révélé que le secteur de l’informel absorbe 39% de l’ensemble de l’emploi non agricole, soit également plus de 20% de l’emploi total. Il s’agit généralement de l’auto-emploi ou des unités de production n’employant qu’une seule personne. Aussi, l’enquête a montré que la durée de travail dépassait de loin celle légalement autorisée. En effet, ce suremploi est illustré par le fait que 46,5 % environ des travailleurs sont occupés pendant 48 heures par semaine.
Toutefois, dans ce secteur informel, l’ENSI a découvert l’existence de certains contractuels. Ils ne représentent que 2% des travailleurs. 66% acceptent d’être engagés sur un simple contrat verbal, sans aucune preuve écrite et donc dans une précarité totale. Pire, 32% opèrent sans aucun accord et sont donc davantage exposés à l’arbitraire et à l’humeur de l’employeur.
Force est de constater que l’informel représente un véritable marché de travail et « un amortisseur plus ou moins efficace des crises ». Justement, l’enquête a montré que ce secteur représente une structure d’accueil privilégiée pour l’emploi qui découle de l’exode rural.