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«Un vide que d’autres cherchent à combler»

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Aujourd’hui Le Maroc : Quelles sont les missions de la Fondation de la pensée arabe ?
Mohamed Kabbaj : La Fondation a été constituée à l’initiative d’hommes d’affaires et d’intellectuels arabes, soucieux de mobiliser des moyens pour développer la culture et les mentalités dans le monde arabe. Tout le monde s’accorde à dire que l’image du monde arabe n’est pas très brillante. L’Occident nous présente de plus en plus comme un peuple sans culture, sans livres, sans théoriciens, sans penseurs. En somme, un désert de la connaissance. Cette image a fini par avoir des répercussions sur l’économie des pays du monde arabe. L’image d’un pays est très importante pour le commerce et la circulation des biens en direction de l’extérieur. Comme l’image du monde arabe est terne, il est très important qu’elle change.
Qui sont les personnes qui constituent l’épine dorsale de la Fondation ?
Le président de la Fondation est SAR Khalid Faïçal Al-Saoud. Autour de lui se regroupent plusieurs autres personnalités, dont Rafik Hariri, Premier ministre du Liban. Elles ont donné, chacune d’elles, un million de dollars et visent à atteindre la somme de 100 millions de dollars pour initier des projets ambitieux. Le siège de la Fondation se trouve à Beyrouth. La réunion qui se tient, actuellement, à Rabat a pour objet de préparer le prochain congrès de la Fondation qui aura lieu en décembre prochain à Marrakech.
Quel est le thème du congrès de Marrakech ?
Le troisième congrès de la Fondation de la pensée arabe aura lieu à Marrakech, suite à l’invitation de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Il réunira au moins un millier de personnes et portera sur le thème de “La culture du changement ou le changement de la culture“. Ce thème, en apparence banal, se situe au centre de la problématique du monde arabe. De nombreux Occidentaux considèrent que le monde arabe ne peut pas changer, s’il ne change pas de culture. Les Arabes résistent évidemment à cette thèse. Ils pensent que le changement peut s’introduire dans une culture qui peut être appelée à évoluer, mais non pas à changer.
Les membres de cette fondation mettent-ils en avant les problèmes relatifs à l’économie et à la culture pour ne pas aborder frontalement la politique et la démocratie ?
Bien sûr que nous parlons de démocratie ! Nous parlons de toutes les réformes nécessaires à engager dans le monde arabe. Nous parlons des droits de la femme… Vous savez, les droits de l’homme ne sont pas le monopole de l’Occident. Lorsque je discute avec des Occidentaux et qu’ils me disent que la culture arabe est incompatible avec la démocratie, je leur cite toujours l’histoire du calife Omar El Khattab et de son gouverneur en Egypte Amr El Ass. Ce dernier a giflé l’enfant d’une femme qui est venue se plaindre auprès d’Omar El Khattab. Ce calife a donné une grande leçon, en matière de droits de l’Homme, en envoyant à son gouverneur une missive qui se termine ainsi : “Depuis quand avez-vous asservi les gens, alors que leurs mères les ont enfantés libres ?“ Et il a réclamé une réparation du dommage subi par le jeune homme giflé.
Mais on ne peut pas dire que cette histoire se répète souvent dans les pays arabes…
Oui, le concept de démocratie existe. Mais il faut absolument l’expliquer, en pénétrer la teneur et, surtout, le mettre en pratique. C’est la pratique de la démocratie qui laisse à désirer dans le monde arabe. Et ce défaut de pratique ouvre la voie à toutes les critiques et laisse le champ libre à d’autres qui se sentent en mesure de mettre en place des dispositifs pour y remédier.
Les Etats-Unis s’intéressent particulièrement aux réformes dans les pays arabes…
Ecoutez, il existe dans le monde arabe un vide que d’autres cherchent à combler. Il ne faut pas se leurrer sur le fait qu’aujourd’hui des gens se mettent en devoir de penser pour nous, d’établir des plans à notre place, d’élaborer les stratégies qui nous manquent. Ils colmatent en fait les fissures qui sont contraires à leurs intérêts. Il faut que les intéressés s’expriment ! Il faut une vision de l’avenir relative à l’économie, à la société, à la culture.
Comment voyez-vous l’avenir du monde arabe ?
Nous avons du mal à entrer dans la modernité. Il existe des questionnements et des déchirements entre ceux qui veulent rattraper le train de la modernité par un retour aux sources et ceux qui appellent à se cramponner à une modernité à l’occidentale. Les pressions à ce sujet sont terribles aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur. Ce que je déplore, pour ma part, c’est l’absence de penseurs pour accompagner l’évolution du monde arabe et dresser des stratégies.

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