Couverture

Une journée dans un Bidonville

© D.R

Les petits craquements de la tôle ondulée qui sert de toit annoncent le lever précoce du soleil de juillet. La chaleur fait tendre le zinc et l’intérieur de la baraque se transforme peu à peu en une fournaise. Il faut être sérieusement traumatisé pour songer à une grasse matinée même en étant au chômage. Pour se soulager, on se dirige vers les WC aménagés dans un emplacement avec une fosse creusée. Le bruit sec des chutes n’échappe pas à l’ouie de l’usager qui suit le long parcours de la chute avant son aboutissement. Les « latrines » sont séparées par des cloisons du reste de la demeure. A côté, un tonneau couvert et plein d’eau qui sert au toilettage à l’aide d’un bol posé au-dessus du couvercle. La baraque est composée de trois sortes de chambres et un hall (Mrah) qui constitue le centre de la baraque. Bien cimenté, faute de carrelage, il sert de conduire un éventuel visiteur directement dans « le salon » ou la pièce de réception sans remarquer l’emplacement des toilettes ou des chambres modestement meublées. Chaque chambre dispose d’une brèche tout près du toit qui sert beaucoup plus à aérer la baraque qu’à laisser passer la lumière du jour. Il fait constamment sombre à l’intérieur. Raison pour laquelle, la porte est souvent laissée ouverte avec à la place, un rideau qui flotte au rythme de l’air tout au long de la journée estivale. Le même salon sert de salle à manger, avec la table occupée par le plateau, la théière et les verres et la télévision dans le côté opposé. Les murs sont ornés de différentes photos légendaires de Sidna Ibrahim sur le point de sacrifier son fils Ismaël et l’Ange Gabriel qui l’intercepte en lui offrant un mouton. On prend rapidement le petit-déjeuner pour fuir la température insupportable. La mère entame ses travaux ménagers au bon petit matin, utilisant deux seaux qu’elle versera après avoir terminé, dans le ruisseau nauséabond qui traverse la ruelle étroite traînant tout ce dont les habitants se débarrassent. L’équivalent d’un égout dans un quartier normal. Les ruelles sont une ruche bourdonnante d’activité notamment féminine : lessive, lavage et étalage de grains, tissage de tapis ou de djellabas etc. Elles occupent ainsi une bonne partie de l’espace déjà très réduit qui sert de ruelle. A cela, s’ajoute, la présence de volaille, des tas de fumier et des collines d’immondices. La présence d’ânes, de mulets et de chevaux fait partie de l’environnement quotidien puisqu’un bon nombre de chefs de famille possèdent des charrettes qu’ils exploitent comme moyen de survie. Ce qui ne gêne pas pour autant les marchands ambulants de se frayer un passage tout en ameutant la population qui leur sert de clientèle. Produits de beauté, poissons, légumineuses, vêtements pour enfants…L’endroit le plus fréquenté est la borne-fontaine notamment par les jeunes filles du bidonville qui font la file pour remplir la multitude de bidons de cinq litres que chacune d’entre elles traîne dans une petite brouette à roulettes. La présence massive d’adolescentes à cet endroit attire autant de garçons en quête de conquêtes dans un univers sale, précaire et fragile. Des bagarres sanglantes éclatent parfois entre des rivaux qui n’ont rien d’autre à faire qu’à se mesurer pour finir par désigner un mâle dominant, comme dans une jungle. Les premiers spectateurs et aussi fins observateurs, sont les enfants dont la plupart se promènent à demi nus et qui connaissent tous les recoins du bidonville. Ce sont eux qui servent de guetteurs au profit des dealers lors des descentes des brigades de stupéfiants. Ils sont récompensés par quelques misérables dirhams et la reconnaissance du puissant dealer envers leurs parents. Sur ce point, une grande partie des familles préfèrent que leurs enfants n’aillent plus à l’école. Les parents comptent effectivement sur les précieux apports de leurs gosses guetteurs qui se travestirent en intermédiaires en prenant de l’âge. Le nombre de bébés est étonnant dans cet univers, pourtant malsain et repoussant. Les mouches se déplacent aisément d’un museau de chien à la morve coulante du nez d’un enfant innocent. Le soir, le bidonville se transforme en un monde à part. Pour l’étranger, il n’est pas question de traîner dans les ruelles au risque de se faire agresser. Seuls les dealers, les vendeurs d’alcool et les malabars qui vivent à leurs frais sont passibles d’occuper la place. Pour le visiteur chez une famille qui habite le bidonville, il vaut mieux quitter les lieux avant la tombée de la nuit.

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