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«Une locomotive de mise à niveau de notre économie»

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ALM : Après 13 mois d’intenses négociations, le Maroc vient de conclure un accord de libre-échange avec les Etats-Unis. Comment évaluez-vous cet événement?
Rachid Talbi Alami : Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il s’agit d’un évènement de grande importance. À notre niveau, nous avons participé depuis le début aux négociations et nous avons surtout tenu à associer le secteur privé dans ces démarches. Pour situer sa portée, il faut préciser que l’essentiel de l’accord porte sur un pôle-action marché, dans lequel nous avons défini cinq paniers de produits et biens. Chaque panier comprend un ensemble de positions tarifaires. Ces positions s’inscrivent en effet dans le cadre du système harmonisé de douane qui comporte deux volets : un premier volet qui concerne les marchandises américaines et qui englobe environ 11.500 positions tarifaires qui bénéficieront d’un taux de 0% de douane. Un second volet comporte 4000 positions tarifaires pour les produits marocains qui vont accéder au marché américain.
Certains secteurs se présentent depuis le début comme des secteurs problématiques dans le cadre de cet accord, comme c’est le cas du textile…
Les négociations sur ce volet se sont très bien passées et les professionnels sont plus que satisfaits. Je rends au passage un hommage à la culture d’ouverture qu’on a retrouvée auprès des professionnels de ce secteur. Concrètement, et en vertu de cet accord, les professionnels du secteur pourront exporter dans un premier temps au marché US un volume de 1,2 milliard de dollars du tissu marocain et américain transformé. Parallèlement, l’accord prévoit la possibilité pour les professionnels d’importer jusqu’à 30 millions de M2 de tissu. La question qui se pose aujourd’hui est la suivante : est-ce qu’on est capable de remplir le contrat ? Comment on va rationaliser les coûts ? et surtout, quelle valeur ajoutée allons nous proposer?
Qu’en est-il des pratiques protectionnistes ou encore celles relatives au respect de la propriété intellectuelle au Maroc ?
D’abord, je tiens à vous préciser que le Maroc fait partie de l’organisation mondiale de la propriété intellectuelle bien avant la signature des accords de libre-échange. Le Maroc a des engagements en la matière qu’il se doit de respecter. C’est d’abord une question de principe. Et il est vrai que les Américains vont nous forcer la main dans ce sens, et c’est tant mieux. D’autre part, l’accord pose effectivement la question des pratiques protectionnistes qui ont prévalu depuis longtemps. Il faut savoir qu’on ne peut plus protéger indéfiniment des produits. Ce qu’il faut protéger c’est plutôt un process de production qui porte sur l’ensemble des volets qui détermine la qualité des produits marocains. Le modèle de protection a montré ses limites. Nous ne sommes pas un gouvernement qui protége certains produits qui profitent à une poignée d’entreprises. Notre devoir est d’installer un climat propice à la libre concurrence et à l’investissement. Pour l’agriculture, l’accord a pris en évidence la particularité de cette activité qui concerne 54% des Marocains. Mais jusqu’à quand nous allons occulter la question de la mise à niveau de notre agriculture ?
Aujourd’hui, vous avez le riz marocain qui coûte deux fois le prix d’importation. Ce n’est pas normal. Je pense que nous devons concentrer nos efforts sur des produits compétitifs qu’on peut vendre sur un marché international ouvert. Je pense qu’on ne doit pas se limiter à débattre des faux problèmes mais qu’il faut s’attaquer à la source des problèmes.
Mais cela ne s’apparente pas à un certain darwinisme économique ?
L’accord du libre-échange n’est pas une fin en soi. Et face aux multiples défis qu’impose la mondialisation à notre économie, nous devons prendre rapidement des décisions. Ceci étant, l’impératif temps ne nous empêche pas d’agir dans la sérénité et le calme. Notre souci majeur est bien d’inscrire la dynamique de production nationale dans une stratégie à long terme. Que certains acteurs s’estiment pénalisés par ces accords ne doit pas bloquer toute la dynamique d’ouverture et de la mise à niveau de l’économie.
Aujourd’hui il faut agir en amont, notamment sur les facteurs de la production. Notre département travaille également sur un système pour rendre compétitif les entreprises marocaines. Parallèlement, les retombées de l’accord de libre-échange sont réelles et profiterons d’abord aux citoyens marocains, dans différents secteurs. Prenons l’exemple des services financiers : il est notoire que l’accès au marché financier pose un sérieux problème à l’économie nationale. Alors que le gouvernement travaille activement à trouver des solutions aux problèmes de financement des entreprises. Dans l’optique du libre-échange, les structures marocaines vont bénéficier d’un accès à des services financiers développés. C’est aussi une excellente opportunité de mettre à niveau le secteur financier marocain.

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