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Une victoire au goût amer

A la mi-journée dimanche, les estimations portaient déjà le taux de participation des Français à la hausse. 26,1 % d’entre eux s’étaient rendu aux urnes contre 21,41 %, à la même heure lors du premier tour, le 21 avril, selon le Ministère de l’intérieur. Une hausse qui annonce un regain d’intérêt des citoyens de l’hexagone pour la politique de leur pays. Une nouveauté que les élus ne doivent nullement à leurs efforts pour convaincre les électeurs d’un quelconque programme ou projet. Un vote que la présence d’un Jean-Marie Le Pen, leader depuis deux décennies de l’extrême droite française, suffit à expliquer. Cette face sombre, la France avait jusque-là réussi à la cantonner – par jeu de diabolisation ou par calculs électoraux – à quelques mairies et quelques postes de députés. Mais ce 21 avril dernier, au soir du premier tour d’une élection présidentielle boudée par les Français, les données ont changé.
L’annonce de la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour a fait l’effet d’un séisme dont les premiers effets ont d’abord touché la classe politique. En premier lieu, le parti socialiste a dû s’incliner avec l’élimination sans équivoque de son candidat et premier ministre Lionel Jospin. Débouté, celui-ci a aussitôt annoncé son retrait de la vie politique française, abandonnant par là-même son poste de premier ministre – dont il démissionne officiellement ce lundi –, de leader de la rose, mais aussi de rassembleur d’une gauche qu’il avait souhaitée plurielle. Mais la campagne pré-électorale, celle de la désunion la plus totale, était passée par là. Elle a d’ailleurs entraîné la chute de toutes les mouvances de gauche, en particulier le parti communiste de Robert Hue, mais aussi celui que l’on disait « challenger », Jean-Pierre Chevènement. Malgré le plébiscite assuré à Jacques Chirac ce dimanche, le malaise s’avère par ailleurs aussi aigu du côté de la droite.
Certes, le président sortant tente tant bien que mal de cacher les brèches entrouvertes par ses troupes – en particulier les récalcitrants MM. Bayrou et Madelin – en jouant le rôle de barrage contre le FN. Mais il sera lui aussi amené à faire les comptes. Car les Français, du moins ceux qui n’adhèrent ni au programme (le candidat RPR n’a obtenu que 19,67 % des voix au premier tour), ni au personnage (les fameuses «affaires»), lui ont clairement fait comprendre. Des manifestations de rue pour dire non au «F-Haine», de la mobilisation exceptionnelle du 1er mai (1,4 million de Français dans les rues de France), et des appels aux votes d’associations, d’artistes, de sportifs etc., se dégage en effet un autre message. La France va mal. Sur les quelque 5 millions d’électeurs qui ont donné leurs suffrages au candidat extrémiste, il ne faut pas croire que tous sont racistes ou/et antisémites.
Certes, il y en a, mais une partie d’entre eux – on voudrait écrire une majorité – ont voté par contestation. Par « ras-le-bol » d’une classe politique dont les oppositions sont floues, dont plusieurs membres font constamment la Une de la presse pour des affaires de faux-financement, de profits ou de détournements. Une habitude qui n’avait jusque-là qu’allumer des lanternes rouges, comme lors de la précédente présidentielle lorsque M. Le Pen avait atteint le score – à l’époque «historique» – de 15 %. Ou lors des élections municipales qui avaient suivi et les mairies (Toulon, Orange, Vitrolles, Marignane) tombées entre les mains du Front national.
Mais le scrutin du 21 avril dernier a eu un résultat tout autre : une bombe est alors tombée sur la France. Une bombe qui porte les couleurs de la xénophobie, du repli sur soi, du rejet de l’autre et de la différence. Une bombe identitaire concoctée par un discours dénué d’arguments, porteur des messages les plus simplistes. Une bombe qui a fait encore plus mal aux Français.

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