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Bernard Kouchner se prend les pieds dans le tapis iranien

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Au mieux un gigantesque éclat de rire, au pire un assourdissant râle de soulagement. Telle était l’impression laissée par la visite du ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner en Israël lorsqu’il est pris au piège dans un malentendu linguistique si fréquent dans cet Orient compliqué.
L’histoire commence par une interview accordée par Bernard Kouchner au quotidien de la gauche israélienne Haaretz. Le ministre français était attendu sur de nombreux sujets comme l’Etat palestinien si cher à Nicolas Sarkozy, la succession du Premier ministre Ehud Olmert et la future intronisation de Tzipi Livni. Mais l’étincelle est venue de la crise iranienne. Bernard Kouchner en est un familier.
N’a-t-il pas été un des premiers hommes politiques français à évoquer l’hypothèse d’une guerre contre l’Iran avant d’adoucir son ton et d’adoucir son verbe. Petit rappel d’une déclaration de Bernard Kouchner : «On se retrouve à la tête d’un maelström. On dit: Bernard Kouchner veut la guerre, mais ce n’est pas vrai. C’est une manipulation. Je ne veux pas la guerre, je veux la paix (…) Comme d’habitude avec les journalistes, ils prennent une phrase et on ne sait pas ce qu’on a dit après. On m’a posé la question: cela veut dire quoi s’attendre au pire? J’ai dit: le pire ce serait la guerre, je n’ai pas dit: le mieux ce serait la guerre».
Après ce malentendu de fond qui avait fait couler beaucoup d’encre et fait passer le pacifiste Bernard Kouchner en un incurable va-t-en-guerre, voici venir le malentendu de forme. Au journaliste israélien qui l’interrogeait de savoir si la possession d’une seul bombe protégerait les Iraniens d’une attaque, Bernard Kouchner répond : «Je ne pense pas honnêtement que cela conférera la moindre immunité à l’Iran. En premier lieu parce que vous (les Israéliens) les mangerez avant et c’est le danger parce qu’Israël a toujours dit qu’il n’attendrait pas que la bombe (iranienne) soit prête. Je pense que les Iraniens le savent. Tout le monde le sait».
Pendant une grande partie de la journée du dimanche, il y a eu un sentiment de flottement et d’interrogations : comment un ministre aussi aguerri à l’art de la communication dont la charge le rend par obligation extrêmement sensible au poids des mots peut-il utiliser un langage aussi cannibale pour exprimer une position politique dans un contexte aussi explosif ?
Israël qui «mange» militairement l’Iran équivalait peut-être à exprimer dans un langage fleuri la capacité de l’Etat hébreu à défaire son ennemi et à l’anéantir. Et pendant que les rédactions dominicales aiguisaient cette interprétation guerrière originale en tentant de la mettre dans une perspective politique, un communiqué du ministère des Affaires étrangères à Paris tombe comme un couperet. Bernard Kouchner déplore «une confusion phonétique». Le communiqué précise «que durant l’entretien en anglais avec les journalistes du Haaretz, il a utilisé le mot «hit» (frapper) et non «eat» (manger) à propos d’une hypothétique réaction israélienne s’agissant de l’Iran». Le ministre, a ajouté le communiqué, «évoquait en effet l’éventualité d’une frappe israélienne destinée à empêcher l’Iran de se doter d’une arme nucléaire».
Cette mini-tornade médiatique du dimanche révèle deux faits majeurs à l’importance disproportionnée. Le premier, d’ordre anecdotique, est que le ministre des Affaires étrangères de Nicolas Sarkozy, Bernard Kouchner qui se targue dans les forums internationaux de maîtriser la langue de Shakespeare, est capable, à cause d’un accent français incorrigible, de commettre de malencontreux quiproquos.
Le second est qu’un journal aussi sérieux dans son traitement de l’information que Haaretz puisse s’accommoder avec cette facilité et cette inattention d’une posture cannibale destinée à annihiler l’adversaire même si elle est involontairement exprimée. Bernard Kouchner qui parraine l’ouverture de la première édition de la «World Policy Conference » (WPC) qui a débuté ses travaux lundi à Evian en présence de nombreux chefs d’Etat et de gouvernement aura fort à faire pour expliquer comme un «h » mal aspiré, sur une langue fourchue, lui a encore fait glisser les pieds sur le tapis iranien.

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