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Côte d’Ivoire : L’heure de vérité

Conséquence d’un flop diplomatique africain, l’organisation de la table ronde parisienne a pris des allures de dernière chance pour une Côte d’Ivoire qui traverse actuellement une des plus graves crises qu’elle ait connues depuis son indépendance en 1960.
Ironie de l’histoire, c’est son ancienne puissance coloniale qui a dû prendre les choses en main face à la démission progressive de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest. Intervenue dès les premiers jours qui ont suivi le soulèvement du 19 septembre 2002, la France a justifié sa présence par des accords de défense avec le régime ivoirien et par la protection -puis l’évacuation- de ses ressortissants et des autres étrangers pris dans les combats. Pendant ce temps, l’Afrique de l’Ouest remplissait difficilement son rôle de médiatrice dans une crise qui risquait d’embraser toute la région. Les sommets d’Accra, fin octobre, puis de Dakar, en décembre, tout comme les pourparlers de Lomé ont rapidement montré leurs limites, alors qu’en novembre deux nouveaux groupes rebelles, le MPIGO et le MJP, faisaient leur apparition dans l’Ouest ivoirien. Les combats ont alors repris en plein coeur de la zone cacaotière, véritable poumon économique du pays qui en est le premier producteur mondial. Des affrontements qui ont directement impliqué les troupes françaises, chargées d’assurer le respect du cessez-le-feu signé entre le MPCI et le pouvoir le 17 octobre. Critiquée de part et d’autre pour son manque de neutralité, Paris est pourtant venue combler le vide laissé par une CEDEAO divisée par les intérêts des uns et des autres dans cette crise.
Après une première tentative en décembre, la France a donc réitéré le 3 janvier, lors d’une visite-éclair de son chef de la diplomatie Dominique de Villepin son invitation à la table ronde à Paris. Tous les camps acceptent et le rendez-vous est fixé au 15 janvier. Lundi dernier, le Mouvement populaire ivoirien du grand ouest et le Mouvement pour la justice et la paix ont même rejoint le camp des signataires de la trêve générale -et provisoire- deux jours avant l’ouverture des pourparlers.
Ceux-ci sont-ils pour autant assurés d’une réussite ? Cette réunion de sept jours rassemble en tout cas les camps et les personnalités les plus opposés du pays.
Le pouvoir est représenté par Pascal Affi N’Guessan, actuel Premier ministre et président du Front populaire ivoirien de Laurent Gbagbo.
Les partis d’opposition sont au nombre de trois : le Rassemblement des républicains conduit par l’ex-Premier ministre Allassane Ouattara, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire dirigé par l’ex-chef d’Etat Henri Konan Bédié, et l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’ivoire du défunt général Gueï, assassiné le jour de l’insurrection, et représentée par son premier vice-président, Paul Akoto Yao. Les trois groupes rebelles sont évidemment aussi de la partie: la délégation du MPCI est emmenée par son secrétaire général Guillaume Soro, celle du MJP par le commandant Gaspard Déli, et celle du MPIGO par le sergent Félix Doh. Le défi de Paris est double. Les parties devront s’entendre sur une nouvelle composition politique du pays face à l’échec cuisant de la « réconciliation nationale » lancée par le président Gbagbo en octobre 2001.
Ce volet replacera inévitablement le cas Ouattara, écarté de la vie politique depuis 2000 pour soupçon de «non-ivoirité» et actuellement en exil en France- au premier plan. Les parties devront aussi résoudre le conflit entre les rebelles et le gouvernement. Un défi de taille lorsque l’on sait que les uns – qui devraient afficher un front uni – réclament le départ de Laurent Gbagbo et la convocation d’élections anticipées, et que l’autre fait d’un préalable à toute discussion, le désarmement des rebelles.
Le président ivoirien a par ailleurs lui-même lancé un «plan de sortie de crise» soumis aux participants de la table ronde. Il prévoit notamment un gouvernement de rassemblement et de réconciliation et l’organisation d’un référendum sur plusieurs questions : celle de d’éligibilité au poste de président, celle de la propriété foncière et celle de la nationalité (passage du «droit du sang» au «droit du sol»). Ce plan pourra-t-il servir de base pour un compromis ? Répond-il au malaise xénophobe réveillé par cette crise dans une société pourtant historiquement pluriethnique? Une diversité cultivée par Houphouët Boigny en son temps mais que, de l’avis du président sénégalais Wade – qui s’exprimait mardi dans les colonnes du journal ivoirien L’Intérêt-, l’actuelle «classe politique n’a pas été capable de gérer». Quelle gestion les participants de la «conférence de conciliation» qui se déroule précisément à Linas-Marcoussis, près de Paris, feront eux de la crise ? Cette réunion, présidée par Pierre Mazeaud, membre du Conseil constitutionnel français, assisté de délégués de la CEDEAO, de l’Union africaine et de l’ONU, sera suivie les 25 et 26 janvier d’un sommet des chefs d’Etat de la région ouest-africaine, en présence du secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan.

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