États-Unis : Le procès DSK s’annonce comme un duel parole contre parole

Le procès de Dominique Strauss-Kahn risque fort de consister en un duel parole contre parole entre l’ancien directeur du FMI et son accusatrice, une Guinéenne de 32 ans, à en juger par les déclarations des avocats à l’issue de l’audience lundi à New York. Cette courte audience de sept minutes, au cours de laquelle Dominique Strauss-Kahn a plaidé non coupable, a donné le coup d’envoi d’une longue série d’audiences préliminaires à un procès dont la date n’est pas encore fixée. Pendant cette étape très technique de la procédure, l’accusation est sommée de fournir à la défense les résultats des tests ADN et rapports scientifiques, ainsi que tout élément allant dans le sens de l’innocence de M.Strauss-Kahn, explique à l’AFP Ellen Yaroshefsky, professeur à l’Université Yeshiva. Le juge new-yorkais Michael Obus décidera aussi s’il autorise l’accusation à interroger M. Strauss-Kahn notamment sur son passé avec les femmes et d’autres accusations d’agression sexuelle qui sont apparues à l’occasion de cette affaire, même si elles n’ont pas donné lieu à des poursuites officielles. Mais en dehors de ces éléments précis, les procureurs «ne sont pas tenus par la loi de New York de divulguer grand-chose», explique la spécialiste du droit new yorkais, et en particulier pas les personnes qu’ils interrogent. «On appelle ça le +procès par guet-apens», regrette-t-elle, la défense ne sait pas à quoi s’attendre en arrivant au procès. Dès lors, stratégie et éloquence devraient être les principaux éléments du procès, et les déclarations croisées des avocats de M. Strauss-Kahn et de ceux de son accusatrice lundi en ont donné un avant-goût. «Il va apparaître clairement qu’il n’y a pas d’élément fort montrant qu’il y a eu contrainte dans cette affaire, toute suggestion du contraire n’est tout simplement pas crédible», a assuré Me Benjamin Brafman, ténor du barreau de New York. «La victime souhaite que vous sachiez que tout le pouvoir, l’argent et l’influence à travers le monde de Dominique Strauss-Kahn n’empêcheront pas la vérité d’éclater sur ce qu’il lui a fait subir dans cette chambre d’hôtel», a lancé l’avocat de cette dernière, Me Kenneth Thompson. De fait, expliquent des experts à l’AFP, si les analyses ADN en cours ne montrent pas de traces physiques de violence, l’accusation de crime sexuel ne repose que sur les dires de la femme de chambre qui a affirmé sous serment avoir subi une tentative de viol de la part de l’ancien ministre français. «Si le procès avait eu lieu il y a 30 ou 40 ans, on aurait pu être sûrs que l’intégrité (de la jeune femme) aurait été attaquée tellement brutalement qu’un acquittement aurait été prévisible», explique à l’AFP Holly Maguigan, professeur de droit à la New York University. «Mais les choses et les temps ont changé, les jurés sont aujourd’hui beaucoup plus ouverts à la possibilité de se faire leur propre conviction dans une affaire où il n’y a que deux témoins, l’un disant l’inverse de l’autre», ajoute la spécialiste. Immigrée africaine, élevant seule sa fille en nettoyant les chambres du Sofitel à Manhattan, cette femme dont l’identité est restée secrète correspond en effet au cliché de la victime faible entre les mains de l’un des hommes les plus puissants et influents du monde, qui plus est très riche. «Le procureur de New York va choisir les avocats les plus expérimentés de son équipe parce qu’il sait que Ben Brafman est un des meilleurs avocats du pays», prédit Mme Yaroshefsky. Quant à la défense, «la meilleure chose qu’ils puissent faire, c’est de sélectionner un bon jury», commente-t-elle, «tout ce dont ils ont besoin est d’un seul juré de leur côté» puisque l’unanimité est requise pour prononcer un verdict. Pour elle, même parole contre parole comme dans des milliers d’affaires similaires, la situation ici est «un peu différente (car) elle a tout de suite donné l’alerte, le scandale a été immédiat», ajoutant à la crédibilité de ses affirmations.

  Lucile Malandain (AFP)