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France : Juppé avale sa première grande couleuvre

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Lorsque Alain Juppé avait accepté le ministère des Affaires étrangères, il ne l’avait fait ni par un caprice de circonstances ni par souci de remplir un vide. Le Quai d’Orsay venait de vivre deux grandes séquences des plus dévalorisantes de son histoire. La première sous la houlette de Bernard Kouchner qui, planté sur un champ de riz dans une posture décorative, regardait les trais diplomatiques passer. La seconde sous Michèle Alliot-Marie dont l’ambition fut immédiatement plombée par un style et une conception de la politique décalée par rapport à une histoire, notamment méditerranéenne, qui fonce vers des horizons inconnus. La diplomatie française, tel un bateau ivre, tanguait dans la confusion et l’incertitude. Le Quai d’Orsay, bel instrument d’influence et de représentation française, était sur le point d’être brisé, affaibli qu’il était par de sauvages restrictions budgétaires et par une concentration extrême de la décision diplomatique aux mains d’une cellule de l’Elysée loin d’être professionnellement irréprochable. Alain Juppé était donc arrivé pour sauver une maison presque en ruines. Sa mission était de lui redorer le blason et rapatrier dans ses murs les pratiques qui avaient fait sa renommée et son histoire. Cette performance était à la portée d’un homme comme Alain Juppé. La presse, enchantée, l’avait intronisé comme un ministre aux super pouvoirs, capable de faire de l’ombre même au Premier ministre François Fillon, loin de cette image de potiche qu’incarnait stoïquement Bernard Kouchner. Mais voilà, la magie des premiers instants vient de laisser la place à un étrange goût de cendre. En cause, la Libye de Mouammar Kadhafi et la manière avec laquelle Nicolas Sarkozy avait situé son pays face à cette crise. Les médias français, toujours pas démentis par l’Elysée, racontent une étrange genèse de la fermeté de Nicolas Sarkozy à l’égard de Mouammar Kadhafi. Le grand tournant libyen du président français fut l’œuvre quasi exclusive du philosophe mondain, homme de médias, Bernard Henri Lévy. Régulièrement attiré par les zones de crise sur lesquelles il adore étaler ses engagements politiques, BHL était à Benghazi, la ville libérée par l’insurrection libyenne. Et c’est de cet endroit encore incertain qu’il persuade Nicolas Sarkozy de reconnaître officiellement le Conseil national de transition libyenne et de préconiser des frappes militaires ciblées contre l’arsenal de Kadhafi. Ce que fait Nicolas Sarkozy avec une grande rapidité à la veille d’un important sommet européen sur la question. Ironie de l’histoire, Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères, n’était pas au courant de ce grand virage diplomatique français. Il semble l’avoir appris par la télévision. Même s’il n’a pas exhibé sa colère, il a laissé filtrer son amertume, d’autant plus justifiée que les deux idées phares proposées par Nicolas Sarkozy, sous l’apparente dictée de BHL, à savoir la reconnaissance du CNT et les frappes militaires chirurgicales contre Kadhafi, n’ont pas rencontré un franc succès auprès des partenaires européens. Alain Juppé avale donc sa première grande couleuvre. Et la question qui taraude tous les esprits diplomatiques : saura-t-il accepter cet état de fait, qui ramène sa fonction à de la figuration, juste pour le plaisir de s’accrocher à son maroquin ou entrera-t-il dans une logique de défi avec le président de la République ? Ce qui est certain c’est qu’une démission d’Alain Juppé dans les circonstances actuelles ferait la plus grosse tache d’huile dans le tablier présidentiel de Nicolas Sarkozy.

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