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France : le discours cède devant l’insulte

Le débat sur la proposition lancée par le candidat UMP aux présidentielles françaises Nicolas Sarkozy de créer un ministère de «l’immigration et de l’identité nationale» continue d’enflammer les colonnes de journaux et les plateaux de télévision. Sur fond de violences urbaines à la gare du Nord, de chasses aux immigrés clandestins aux abords des écoles, aussi spectaculaires qu’opportunes, la campagne électorale fait de l’interrogation sur «l’identitaire» son nœud cardinal. Le constat est vite établi : le débat  de fond traduit un malaise et surfe sur de grandes frustrations.
Ce débat était vivement relancé par la  récente prise de position de Simone Veil, une des références morales les plus convoitées de la scène politique française.  Dans sa posture politique actuelle,  Simone Veil ressent les douleurs du contorsionniste.
Comment concilier entre  sa fonction de présidente de comité de soutien de Nicolas Sarkozy et douter ouvertement de la pertinence de ses idées ? Elle juge «ambiguë» voire «plus grave»  qu’une «imprudence» l’idée de vouloir créer un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale, avant de lui apporter un soutien dont l’efficacité électorale reste à démontrer. «Nicolas est gentil, affirme-t-elle. Il peut être brutal dans son expression, mais les gens ont tort de douter de son humanité».
L’autre front-surprise d’opposition à ce projet est nourri par la famille UMP, et plus précisément  de la part du Premier ministre sortant Dominique de Villepin. Avec une étonnante franchise, il s’est dit opposé à cette idée, lui préférant un cadre moins explosif  et plus technique, celui d’une agence de l’immigration,  une structure interministérielle. L’attitude de Dominique de  Villepin à l’égard de la plate-forme politique et de la démarche de Nicolas Sarkozy dans cette campagne présidentielle était méticuleusement auscultée par l’ensemble du gotha politique parisien. Une interrogation dominait l’atmosphère : de quelle manière l’actuel Premier ministre, un temps coqueluche des sondages, candidat potentiel à la candidature et donc héritier naturel de la «Chiraquie» crépusculaire, avant d’être crucifié par la crise du CPE ( contrat première embauche), allait-il exprimer son soutien à  son challenger Nicolas Sarkozy ? Son opposition tranchante à l’idée maîtresse du programme Sarkozy laisse voir les énormes difficultés du candidat de la droite, dite conservatrice, à fédérer sa propre famille politique.
La crispation de la campagne électorale sur les questions identitaires, rendant à la question de l’immigration sa traditionnelle et non moins récente centralité dans le débat politique français, a fini par déteindre sur la tonalité et  les discours des grands candidats.
Nicolas Sarkozy s’était livré à un énorme travail sur soi pour paraître moins pressé, politiquement moins névrotique. Le débat sur l’immigration et l’identité nationale portée par des violences urbaines l’a sorti de ses gonds. Défendant les intérêts de ce qu’il appelle «la France exaspérée», il accuse ses adversaires de gauche de «faillite morale». Avant d’assener : «Je croyais que Madame Royal voulait le débat. Elle ne le veut pas, c’est son droit. Quand elle me traite «d’ignoble», je ne dis rien, je mets ça sur le compte de la fatigue passagère. Quand elle soutient le fraudeur, elle ne doit pas s’attendre de
ma part à des applaudissements». Il n’en fallait pas plus pour que le rose souriant et zen de la première des socialistes, Ségolène Royal, ne devienne rouge sang : «avoir prétendu, pour exploiter les graves incidents de la gare du Nord, que j’étais du côté des fraudeurs, des voleurs et de ceux qui étaient en  infraction avec la loi, moi qui suis une élue de la République (…) Monsieur Sarkozy a menti et un menteur est-il apte à devenir président de la République ?». Voilà qui plonge le discours politique dans d’inquiétantes profondeurs.
À cause de l’étincelle  que provoque la question de l’immigration, les positions des uns et des autres se radicalisent. Chacun se sentant obligé de surenchérir. Les écuries électorales piaffent d’impatience et rêvent d’en découdre, au moins sur les plateaux de télévision Le temps électoral est à
l’orage.
La campagne s’est brusquement durcie, défrichant dangereusement le terrain de l’insulte et du pugilat.

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