La guerre en Irak aurait coûté la vie à 655.000 civils, soit treize fois plus que les chiffres avancés par l’armée américaine. C’est le résultat d’une étude parue récemment dans un article mis en ligne par la revue médicale britannique «The Lancet». Réalisée conjointement par une école de médecine américaine et une université irakienne, l’étude estime que le taux de mortalité en Irak est désormais 2,5 fois supérieur à ce qu’il était avant la guerre, quand les statistiques démographiques officielles faisaient état de 143.000 décès par an.
Cette étude repose sur une méthode statistique nommée «Cluster sampling» (comptage par groupe), habituellement utilisée par les organisations médicales ou de défense des droits de l’Homme dans les zones de conflit. Elle consiste à diviser une région en une cinquantaine de zones, dans lesquelles des familles sont interrogées sur les décès ayant affecté leurs membres. Les résultats sont ensuite extrapolés à l’ensemble du territoire.
Dans ce cas précis, 1.849 foyers (12.801 personnes) ont été interrogés dans 47 lieux différents. Dans 92 % des cas, les dires des intéressés ont été corroborés par des certificats de décès, attestant du sérieux de l’enquête, qui couvre l’ensemble du pays et non seulement Bagdad, où la violence est souvent moindre qu’ailleurs.
À Washington, George W. Bush a déclaré que cette étude ne lui paraissait pas crédible. «Cette méthodologie est plutôt discréditée», a ajouté le président américain.
Le gouvernement irakien, qui évoque un bilan de 40.000 morts depuis mars 2003, a jugé pour sa part qu’il était impossible de croire les conclusions de cette enquête. «Ces chiffres sont exagérés et imprécis», a poursuivi son porte-parole, Ali Al Dabbagh. Selon la dernière estimation du ministère de la Santé irakien, 128.000 civils ont été victimes de la guerre.
Pour l’auteur de l’étude, le Dr. Gilbert Burnhan, de l’université Johns Hopkins à Baltimore (Maryland, Est), cette estimation est incomplète.
«Le système de collecte d’informations ne fonctionne pas et je pense que les données disponibles sont incomplètes», a-t-il déclaré mercredi.
Rejetant toute accusation de motivation politique dans la publication de cette étude moins d’un mois avant les élections législatives américaines de mi-mandat, le Dr. Burnham a affirmé que la méthodologie utilisée pour faire cette évaluation était éprouvée et largement utilisée dans les pays en développement où il n’y a pas de système statistique fiable. «Nous sommes confiants concernant nos données. Nous avons utilisé des méthodes déjà éprouvées, il ne s’agit pas de choses inventées mais de méthodes fiables et nombres d’entres elles ont été développées grâce au soutien financier et technique du gouvernement américain», a-t-il estimé.
Vers un Etat fédéral irakien
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