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Istanbul : Erdogan veut faire de la Turquie un acteur mondial

La Turquie de l’islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan cherche, par une diplomatie audacieuse déployée de Gaza à la Somalie ou au Pakistan, à accéder au rang d’acteur mondial, mais l’exercice pourrait trouver ses limites dans la grave crise qui l’oppose à Israël. Le Premier ministre turc a répété, mardi, qu’il souhaitait se rendre à Gaza, en marge d’une visite en Egypte, une initiative qui envenimerait encore un peu plus les relations déjà franchement mauvaises entre son pays et Israël, pourtant anciens alliés. Israël considère le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, comme un «mouvement terroriste», alors que M. Erdogan qualifie les militants islamistes de «résistants». Les discussions se poursuivent concernant cette visite avec des responsables en Egypte, pays frontalier du territoire palestinien, a ajouté M. Erdogan. Que ce projet de visite se concrétise ou pas, il témoigne de la volonté du dirigeant turc d’adresser un nouveau message de solidarité aux Palestiniens, de défi à Israël, et de reproche voilé aux dirigeants arabes, jugés trop mous dans leur soutien à la cause palestinienne. Et de réaffirmer l’ambition de jouer un rôle de la Turquie, pays musulman, membre de l’Otan, qui s’est ouvert ces dernières années à ses voisins arabes. «Il y a un espace vide, il n’y a plus de puissance arabe, et c’est la Turquie qui l’occupe», note Bertrand Badie, professeur en relations internationales (Paris). Le 19 août, M. Erdogan rendait visite aux victimes de la famine, en Somalie musulmane et gagnée par l’islamisme. Le chef du gouvernement turc était le premier responsable étranger de ce niveau à se rendre à Mogadiscio depuis le début de la guerre civile en 1991, exception faite du président ougandais Yoweri Museveni, en novembre. Leader d’un pays émergent, il a fait la leçon aux Occidentaux : «La tragédie qui se déroule ici est un test pour la civilisation et les valeurs contemporaines (…) Le monde occidental doit passer ce test avec succès, pour montrer que les valeurs occidentales ne sont pas qu’une réthorique creuse». En octobre, M. Erdogan était au Pakistan, dans les zones ravagées par des inondations, où il a peaufiné son image de champion de la solidarité musulmane et de l’Islam modéré. «L’Islam est attaché à la paix, et nous sommes les croyants de l’Islam. Ceux qui suivent la foi de l’Islam ne peuvent pas tuer des gens», avait-il déclaré. On ne compte plus les déplacements du ministre des affaires étrangères Ahmet Davutoglu, inlassable promoteur de contrats de coopération et du modèle turc, présenté comme le mariage réussi de l’Islam et de la démocratie. Une diplomatie hyper-active appuyée sur une économie en pleine croissance – le PIB a grimpé de 8,9 % en 2010 -, note Bertrand Badie. «C’est la diplomatie du grand écart des pays émergents», explique-t-il. «Le privilège des émergents, c’est qu’ils ont un pied chez les riches, un pied chez les pauvres, un pied au Nord et un au Sud. Cela donne une capacité d’action extrêmement forte». «La Turquie devient puissance mondiale, un acteur dont on ne peut plus se passer. Mais pour cela, elle doit avoir un espace régional, et c’est ce qu’elle fait», dit-il. Mais, ajoute-t-il, «quand on devient trop puissant, on ne peut plus être copain avec tout le monde». Et c’est ce qui arrive avec Israël. Les relations bilatérales, jadis excellentes, se sont dégradées. Jusqu’à l’annonce, vendredi par Ankara, du renvoi de l’ambassadeur israélien et du gel de la coopération militaire, face au refus d’Israël de s’excuser pour un raid meurtrier sur un navire turc (neufs morts, en 2010). Israël perd un allié. La Turquie perd le rôle d’intermédiaire entre Arabes et Israël qu’elle jouait ces dernières années, facilitant notamment des discussions syro-israéliennes sur l’avenir du Golan.

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