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La Syrie penserait à une guerre pour obtenir la paix

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La période des fêtes d’automne (Roch Hashana, la nouvelle année, et Yom Kippour, le Grand Pardon), du calendrier religieux juif est l’occasion pour de nombreux dirigeants politiques israéliens de tirer les leçons des mois écoulés et de préciser leur vision de l’avenir, proche ou lointain, ainsi que les principes qui guident leur action.
Les journalistes ne font pas exception à la règle. L’un d’entre eux a ainsi tenu à rappeler une phrase figurant en bonne place dans la Déclaration d’indépendance de l’Etat d’Israël, rédigée et lue par David Ben Gourion le 14 mai 1948: « Nous tendons la main de l’amitié, de la paix et du bon voisinage à tous les Etats qui nous entourent et à leurs peuples ». Et l’analyste cite, en comparaison, la déclaration du Premier ministre israélien Ehud Olmert, qui a fait référence à un autre passage de ce texte fondateur : « L’Etat d’Israël est fondé sur les principes de liberté, de paix et de justice enseignés par les prophètes ». A tel point que l’analyste précité en vient à se demander si le chef du gouvernement croit encore que les objectifs du sionisme, c’est-à-dire la création d’un Etat indépendant, ont déjà été atteints et s’il n’est pas, aujourd’hui, ce que, dans le monde juif et en Israël, l’on appelle un «post-sioniste», c’est-à-dire, un homme estimant que cette idéologie est à présent dépassée pour cause de réalisation.
Ces spéculations intellectuelles sont pour beaucoup risquées et surtout intemporelles, en parlant de « post-sionisme ». Elles n’ont pas mis, pour autant, Ehud Olmert à l’abri des critiques contre son gouvernement et sa manière de gérer les affaires publiques. Selon le grand quotidien Haaretz, une enquête montre clairement que, durant la guerre du Liban, Ehud Olmert a sciemment ignoré les implications géopolitiques de ses choix et qu’il a tenu à l’écart de la prise de décision sa ministre des Affaires étrangères, Tsippi Livni.
L’analyste du grand journal libéral met en rapport ce comportement avec la thèse développée par une historienne renommée, Brakha Tuchman, auteur d’un livre très commenté, «Le défilé des stupidités». Dans cet ouvrage, elle explique, preuves à l’appui, que «l’aveuglement et l’obstination cérébrale, source fréquente d’erreurs d’appréciations jouent un rôle plus particulièrement dans les sphères du pouvoir». Ce défaut se caractérise par l’appréhension de la situation en fonction de critères préétablis fondés sur des préjugés et par le rejet de tous les faits allant à leur rencontre. Pour l’impitoyable historienne, certains dirigeants modèlent leur comportement en fonction d’a priori qu’ils jugent supérieurs à la réalité, avec les conséquences que l’on imagine. Le meilleur exemple, ou le plus frappant, était, cite l’analyste, le cas de Philippe II d’Espagne qu’aucun de ses innombrables échecs ne fit dévier de sa conviction l’assurant que sa politique était, fondamentalement, excellente !
L’analyste du grand quotidien note que l’immobilisme d’Ehud Olmert procède d’un état d’esprit similaire. Il s’en tient à sa conviction que le temps, l’appui des Américains, l’atout que représentent les colonies et sa politique de harcèlement des Palestiniens finiront par porter leurs fruits.
C’est ce qui l’a amené à renoncer, avec une aisance déconcertante, à son plan de «redéploiement» qui devait signer la fin de l’occupation des territoires palestiniens. Finalement, à ces jeux, le «retrait unilatéral» de Gaza était uniquement un moyen de se débarrasser d’une zone à risque pour mieux préserver la présence juive et israélienne en Cisjordanie et à Jérusalem Est.
Ayant renoncé à son fameux «agenda», Ehud Olmert gère la situation au jour le jour avec ses alliés travaillistes, inconscients des risques qu’ils prennent, avec le parti religieux Shass, pour lequel la recherche d’une solution pacifique au conflit ne constitue pas une priorité, avec Gil, le parti des retraités, plus préoccupé par l’avenir de ses membres que par celui de leurs petits-enfants…
Cet immobilisme amène aussi Ehud Olmert à refuser toute avancée dans le dossier des relations avec la Syrie. Ainsi, la semaine dernière, prenant le contre-pied des déclarations faites par son ministre  de la Défense, Amir Peretz, il a clairement affirmé : «Tant que je serai Premier ministre, le plateau du Golan restera partie intégrante d’Israël». Pour Ben Caspit, éditorialiste du quotidien de droite Maariv, le chef du gouvernement entendait ainsi «donner l’exemple d’un leadership mesuré, responsable et sérieux ».
Mais c’est faire peu de cas d’une réalité lourde de périls : la détermination affichée par les Syriens de mener une guerre, au lendemain de celle du Liban, qui leur permettrait de récupérer le Golan. «Les Syriens ont changé. Ils ne sont plus ce qu’ils étaient auparavant. Ils sont persuadés que Tsahal, l’armée israélienne, s’est alourdie et a perdu sa compétitivité». Elle n’est plus invincible et les services secrets israéliens constatent que «les Syriens n’excluent pas de déclencher une opération surprise sur le Golan».
Car la Direction syrienne n’est plus persuadée « d’un risque de défaite en cas de guerre contre Israël et croit aux chances de l’option militaire ».
A supposer même que, durant le conflit, Israël frappe durement les infrastructures du pays, que la Syrie pourrait aisément reconstruire, le simple fait d’avoir récupérer le Golan «vaut largement la chandelle».
Ben Caspit pose crûment la question : «qu’y aura-t-il après la guerre ? La paix. Car Israël comprendra enfin que la paix, même sans le Golan, est préférable à la guerre ». Le ministre de la Défense, Amir Peretz, est favorable à une négociation avec la Syrie tout comme Dahlia Itsik, la présidente de la Knesset (le Parlement israélien). Dans ces conditions, commente l’analyste, une initiative israélienne contre la Syrie serait «l’une des plus grandes tragédies vécues par l’Etat juif depuis sa création». Tout cela parce que l’on s’obstine à croire qu’il n’est pas nécessaire de rendre le Golan et qu’on peut indéfiniment conserver le statu quo avec la Syrie. Pourtant, c’est la prolongation de cette occupation qui a incité Damas à se lier, sans retour avec Téhéran et à jouer un rôle d’intermédiaire entre l’Iran et le Hezbollah. Car Damas, non content de vouloir obtenir le retour du Golan, ne désespère pas de reprendre pied avec son armée au Liban et d’obtenir l’arrêt de l’enquête sur son implication dans l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri. Les Etats-Unis et les Occidentaux n’y sont guère disposés. Cela risque fort d’avoir pour conséquence le fait que des négociations syriennes avec Israël, sur fond de récupération du Golan, ne parviendraient pas pour autant à instaurer une paix complète et définitive au Proche-Orient,
Ce climat, comme le souligne l’analyste, facilite le développement en Israël d’une droite et d’une extrême droite radicalement hostiles à toute idée de paix. Ses dirigeants pourraient pratiquer la politique du pire, intimider les voisins d’Israël et la communauté internationale, la seule capable d’amener Israéliens et Palestiniens à reprendre des pourparlers de paix.
Or la seule solution pour éviter le déclenchement de nouvelles hostilités au Proche-Orient est de soutenir l’initiative des pays arabes modérés, entraînés par l’Arabie Saoudite et l’Egypte, pour parvenir à un accord bilatéral entre Palestiniens et Israéliens accordant aux premiers la satisfaction de leur légitime et vitale aspiration nationale : la création d’un Etat palestinien indépendant, souverain et viable…

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